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Conseil d’Etat, Avis, 31 mars 2008, n° 311095, Christian C. et Stéphane V.

L’ensemble des garanties qui encadre la procédure - et alors qu’il est loisible au conducteur de saisir l’autorité administrative d’un recours gracieux ou le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir s’il entend contester la légalité d’un retrait de point ou celle du retrait de son permis - sont de nature à regarder la gestion automatisée des points affectés au capital du permis de conduire comme conformes à la législation et à la réglementation qui s’imposent à l’administration

CONSEIL D’ETAT

N° 311095

M. C.
M. V.

M. Damien Botteghi
Rapporteur

Mme Catherine de Salins
Commissaire du Gouvernement

Séance du 19 mars 2008
Lecture du 31 mars 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

Le Conseil d’Etat,

(Section du contentieux, 5ème et 4ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 5ème sous-section de la section du contentieux

Vu, enregistré le 3 décembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le jugement du 20 novembre 2007 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux, avant de statuer sur les demandes de M. Christian C. et de M. Stéphane V. tendant à l’annulation de décisions du ministre de l’intérieur leur retirant leurs permis de conduire, a décidé, par application de l’article L.113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d’Etat en soumettant à son examen les questions suivantes :

1°) est-ce que l’utilisation systématique d’un fac-similé de la signature de l’autorité compétente, apposé de manière automatique sur les décisions ministérielles référencées 48 et 48 S ainsi que l’absence de tout élément permettant de vérifier si la réalité de l’infraction est établie et si les obligations d’information préalables ont été respectées, révèlent, eu égard au nombre de décisions prises en la matière, un défaut d’examen particulier susceptible d’entacher celles-ci d’illégalité au regard de l’application des principes généraux régissant les décisions infligeant des sanctions administratives ?

2°) au contraire, est-ce que cette utilisation est couverte par la présomption de fiabilité qui s’attache, selon le code civil, à la signature électronique et est-ce que les modalités de gestion, selon un processus automatisé régulièrement validé, des points affectés au capital des permis de conduire peuvent être regardées, compte tenu des objectifs poursuivis par la mise en place du Système national des permis de conduire, comme conduisant nécessairement l’auteur des décisions de retrait de points et d’invalidation des titres de conduite à les prendre au seul vu des informations qui lui sont délivrées dans le cadre de ce système automatisé et sous la réserve expresse du contrôle effectué a posteriori par le juge administratif ?

Vu, enregistrées le 28 décembre 2007, les observations présentées pour M. Christian C. et M. Stéphane V. ;

Vu, enregistrées le 11 janvier 2008, les observations du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;

Vu, enregistrées le 25 janvier 2008, les nouvelles observations présentées pour M. Christian C. et M. Stéphane V. ;

Vu, enregistrées le 3 mars 2008, les nouvelles observations du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;

Vu, enregistrées le 15 mars 2008, les nouvelles observations présentées pour M. Christian C. et M. Stéphane V.

Vu les pièces du dossier transmis par le tribunal administratif ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la route ;

Vu la loi n° 93-1419 du 31 décembre 1993 ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

Vu l’arrêté du 29 juin 1992 portant création du Système national des permis de conduire ;

Vu l’arrêté du 24 octobre 2003 relatif aux formulaires utilisés pour la constatation et le paiement des contraventions soumises à la procédure de l’amende forfaitaire ;

Vu le code de justice administrative, notamment ses articles L. 113-1 et R. 113-1 à R. 113-4 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Damien Botteghi, Auditeur,

- les conclusions de Mme Catherine de Salins, Commissaire du gouvernement ;

REND L’AVIS SUIVANT

La question posée par le tribunal administratif de Bordeaux doit être regardée comme tendant à savoir si la procédure au terme de laquelle sont établies les décisions référencées " 48 " et " 48S " par lesquelles le ministre de l’intérieur notifie au titulaire d’un permis de conduire, dans un courrier rempli selon un traitement automatisé et sur lequel est apposé le fac-similé de la signature du sous-directeur à la sécurité et à la circulation routières, les retraits de points dont ce conducteur a été sanctionné et, en cas de solde nul, l’informe de la perte de validité de son titre et de la perte de son droit de conduire, contrevient à la loi ou à un principe général du droit.

I. L’article L. 223-1 du code de la route prévoit que dans le cas où le titulaire d’un titre de conduite a commis une infraction pour laquelle un retrait de points est prévu et que la réalité de cette infraction est établie par le paiement d’une amende forfaitaire, l’émission du titre exécutoire de l’amende forfaitaire majorée, l’exécution d’une composition pénale ou par une condamnation définitive, le nombre de points affecté au permis est réduit de plein droit à hauteur du nombre de points correspondant à l’infraction. En application de l’article L. 223-3 du code, le conducteur doit être préalablement informé du fait qu’il encourt un retrait de points si la réalité de l’infraction est établie dans les conditions définies à l’article L. 223-1, de l’existence d’un traitement automatisé, de la possibilité pour lui d’exercer le droit d’accès conformément aux articles L. 225-1 à L. 225-9, ainsi que des voies des recours qui lui sont ouvertes. A défaut de ces informations le retrait de points est illégal.

II. L’article L. 225-1 du code de la route dispose qu’il est " procédé dans les services de l’Etat et sous l’autorité et le contrôle du ministre de l’intérieur, à l’enregistrement : "I. . 5°) Des procès-verbaux des infractions entraînant retrait de points et ayant donné lieu au paiement d’une amende forfaitaire ou à l’émission d’un titre exécutoire de l’amende forfaitaire majorée ; 6°) De toutes décisions judiciaires à caractère définitif en tant qu’elles emportent réduction du nombre de points du permis de conduire ainsi que de l’exécution d’une composition pénale ; .II. Ces informations peuvent faire l’objet de traitements automatisés, soumis aux dispositions de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. ".

L’article 4 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations dispose que : " Dans ses relations avec [une autorité administrative], toute personne a le droit de connaître le prénom, le nom, la qualité et l’adresse administratives de l’agent chargé d’instruire sa demande ou de traiter l’affaire qui la concerne ; ces éléments figurent sur les correspondances qui lui sont adressées. (.) Toute décision prise (.) comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. ".

III. En application de ces dispositions, le système du permis à points comporte trois étapes.

Les infractions aux règles du code de la route des quatre premières classes sont constatées par un agent verbalisateur et sont consignées par lui sur un formulaire pré-imprimé qui doit contenir toutes les informations préalables exigées par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code et comprend trois parties : une carte de paiement, un avis de contravention et un duplicata de cet avis, qui constitue le procès-verbal de contravention. Dans les cas où l’infraction est constatée sans que soit intercepté le véhicule, l’avis de contravention est envoyé directement au titulaire de la carte grise. Pour les infractions de la cinquième classe, les crimes et les délits, les procès-verbaux d’audition sont transmis au parquet. L’avis de contravention s’il est signé et si le conducteur s’est acquitté de l’amende est transmis à l’officier du ministère public placé près le tribunal de police. Celui-ci est également destinataire des informations établissant la réalité de l’infraction par l’émission du titre exécutoire de l’amende forfaitaire majorée, l’exécution d’une composition pénale ou une condamnation définitive. Cet officier du ministère public contrôle ces informations et les enregistre dans le fichier individuel du conducteur au sein du Système national du permis de conduire mis en place par un arrêté du 29 juin 1992. Pour les infractions de la cinquième classe, l’enregistrement des condamnations définitives ou des exécutions de compositions pénales est effectué par les services préfectoraux.

La fiche individuelle ainsi remplie donne ensuite lieu, dans le cadre d’une convention signée entre le ministère de l’intérieur et l’Imprimerie nationale, à une impression sur un formulaire sur lequel est apposé le fac-similé de la signature du sous-directeur ayant reçu délégation du ministre de l’intérieur, formulaire qui sera envoyé sous la référence de " lettre 48 " au titulaire du permis.

Lorsqu’un compte fait apparaître, à la suite d’une dernière infraction, un solde de points nul, le service du fichier national du permis de conduire édite les fiches des personnes concernées avant de les transmettre par voie électronique à l’Imprimerie nationale qui procède à leur impression et à leur notification, sous la référence " lettre 48S " sur laquelle est également apposée, sous forme de fac-similé, la signature du sous-directeur à la sécurité et à la circulation routières.

Cette procédure, dont les étapes successives garantissent qu’une décision " 48 " ne peut être émise que lorsque la réalité de l’infraction a été établie - alors que toutes les informations préalables sur les conséquences qui s’attachent à la reconnaissance de l’infraction exigées par les articles L. 223-3 et R. 223-3 sont réputées avoir été données au conducteur dans les formulaires utilisés pour la constatation et le paiement des contraventions - et que la décision " 48 S" ne peut l’être que lorsqu’il ne reste plus de points attachés à un permis de conduire, met légalement en œuvre le mécanisme de retraits de points organisé par la loi. Elle n’appelle pas l’examen particulier de chaque compte individuel avant la notification de la décision " 48 S " dès lors que la vérification de la réalité des infractions successives entraînant retrait de points a eu lieu au stade de l’enregistrement de l’information sur la fiche individuelle du conducteur, dans les conditions décrites ci-dessus, et que la nullité du solde de points du permis entraîne de plein droit le retrait de ce dernier.

L’apposition de la signature du sous-directeur de la circulation et de la sécurité routières au ministère de l’intérieur sur les décisions " 48 " et " 48 S " sous la forme d’un fac-similé, procédé inhérent à un traitement automatisé des décisions, identifie l’auteur de la décision et atteste que l’ensemble des informations qui y sont rapportées ont été enregistrées sous l’autorité et le contrôle du ministre de l’intérieur dans les conditions prévues par le code de la route et que la notification de chaque décision intervient à l’issue de l’ensemble des étapes rappelées ci-dessus.

IV. L’ensemble des garanties qui encadre la procédure - et alors qu’il est loisible au conducteur de saisir l’autorité administrative d’un recours gracieux ou le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir s’il entend contester la légalité d’un retrait de point ou celle du retrait de son permis - sont de nature à regarder la gestion automatisée des points affectés au capital du permis de conduire comme conformes à la législation et à la réglementation qui s’imposent à l’administration.

Le présent avis sera notifié au président du tribunal administratif de Bordeaux, à M. Christian C., à M. Stéphane V. et à la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.

Il sera publié au Journal officiel de la République française.

 


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