COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE DOUAI
N° 01DA00100
Ministre de l’agriculture et de la pêche
c/ M. Jean C.
Mme Merlin-Desmartis
Rapporteur
M. Yeznikian
Commissaire du gouvernement
Audience du 15 avril 2004
Lecture du 13 mai 2004
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE DOUAI
Vu le recours, enregistré le 2 février 2001 au greffe de la cour administrative d’appel de Douai, présenté par le ministre de l’agriculture et de la pêche ; il demande à la Cour d’annuler le jugement en date du 2 novembre 2000 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 14 novembre 1998 du préfet du Nord en tant qu’elle refuse à M. C. l’octroi de l’aide compensatoire au titre des surfaces en céréales et au titre des surfaces en protéagineux ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le règlement (CEE) n° 1765/92 du Conseil des communautés européennes du 30 juin 1992 ;
Vu le règlement n° 2293/92/CEE de la Commission des communautés européennes du 31 juillet 1992 ;
Vu le règlement (CEE) n° 2780/92 de la Commission des communautés européennes du 24 septembre 1992 ;
Vu le règlement (CEE) n° 3508/92 du Conseil des communautés européennes du 27 novembre 1992 ;
Vu le règlement (CEE) n° 3887/92 de la Commission des communautés européennes du 23 décembre 1992 ;
Vu le règlement (CE) n° 762/94 de la Commission des communautés européennes du 6 avril 1994 portant modalités d’application du règlement (CEE) n° 1765-92 du Conseil en ce qui concerne le gel de terres ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience,
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 15 avril 2004
le rapport de Mme Merlin-Desmartis, président-assesseur,
et les conclusions de M. Yeznikian, commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité de la décision du 14 décembre 1998 du ministre de l’agriculture :
Considérant qu’aux termes de l’article 2 du règlement (CEE) n° 1765/92 du 30 juin 1992 : " 1. Les producteurs communautaires de cultures arables peuvent revendiquer un paiement compensatoire (...). 2. Le paiement compensatoire est accordé pour la superficie consacrée aux terres arables ou au gel des terres en conformité avec l’article 7 du présent règlement (...). 5. (...) Les producteurs demandant le paiement compensatoire en vertu du régime général sont tenus de geler une partie des terres de leur exploitation en échange d’une compensation (...) " ; qu’aux termes de l’article 7 du même règlement : " L’obligation de gel des terres, applicable à chaque producteur revendiquant des paiements compensatoires en application du régime général est fixé : - dans le cas d’une superficie de base régionale, en proportion de sa superficie emblavée en cultures arables concernées et pour laquelle une demande est faite, et laissée en jachère, conformément au présent règlement (...). L’obligation de gel des terres qui doit s’appliquer à partir des emblavements pour la campagne de commercialisation 1993/1994 est de 15 % " ; que, pour la campagne 1998/1999 et par dérogation à cette dernière disposition, le taux obligatoire de gel de terres applicable à la campagne a été fixé à 5 % par le règlement (CEE) n° 1469/97 du 22 juillet 1997 ; qu’aux termes de l’article 1er du règlement (CEE) n° 3508/92 du Conseil du 27 novembre 1992 : " Chaque Etat membre crée un système intégré de gestion et de contrôle (...) qui s’applique : / a) dans le secteur de la production végétale : / au régime de soutien aux producteurs de certaines cultures arables, établi par le règlement n° 1765-92 " ; qu’aux termes de l’article 6 du même règlement : " 1- Pour être admis au bénéfice d’un ou plusieurs régimes communautaires soumis aux dispositions du présent règlement, chaque exploitant présente, pour chaque année, une demande d’aide " surfaces " (...) " ; qu’aux termes de l’article 6 du règlement susvisé (CEE) 3887/92 de la commission du 23 décembre 1992 : " 1- Les contrôles administratifs et sur place sont effectués de façon à assurer la vérification efficace du respect des conditions pour l’octroi des aides et des primes " ; que, par ailleurs, selon l’article 1er du règlement (CEE) n° 792/94 : " on entend par " gel des terres " la mise hors culture d’une superficie cultivée en vue d’une récolte pendant l’année précédente " ; qu’il résulte de l’article 3 du même règlement que, pour être prises en considération au titre du régime prévu par le règlement (CEE) n° 1765/92, les terres gelées doivent, notamment, " couvrir une surface d’au moins 0,3 hectares d’un seul tenant et avoir une largeur de 20 mètres au minimum ", " faire l’objet d’un entretien assurant le maintien de bonnes conditions agronomiques ", n’être utilisées que " pour la production de matières destinées à la fabrication de produits qui ne sont pas directement destinés à la consommation humaine ou animale " et " rester gelées au cours d’une période commençant au plus tard le 15 janvier et se terminant au plus tôt le 31 août " ;
Considérant qu’il résulte de ces dispositions que, pour les producteurs ayant opté pour le régime général de paiement compensatoire, le gel de terres dans les conditions prévues par les règlements (CEE) n° 1765/92 et 762-94 est une condition nécessaire à l’éligibilité de leurs surfaces cultivées au versement de paiements compensatoires ; qu’au cas où, lors du contrôle administratif de la déclaration du producteur, il est constaté qu’aucune terre ne fait l’objet d’un gel dans les conditions prévues par ces règlements, aucun paiement compensatoire n’est dû au titre des surfaces cultivées ;
Considérant qu’après qu’un contrôle ait été effectué le 28 août 1998 sur l’exploitation de M. C. par un agent de l’office interprofessionnel des céréales (O.N.I.C.), le préfet du Nord lui a notifié par décision en date du 14 décembre 1998 qu’aucune surface en oléagineux, en protéagineux et " en gel " ne pouvait donner lieu à paiement compensatoire au titre de la période 1998/1999 ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision en tant seulement qu’elle a refusé à M. C. le bénéfice de paiements compensatoires au titre des surfaces en oléagineux et en protéagineux ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier qu’à l’appui de sa demande d’aide,
M. C. a déclaré 45 ares de terres en gel dans l’ilôt n° 1 (parcelle cadastrée E. 294) et 47 ares dans l’ilôt n° 7 (parcelles cadastrées D. 398, D. 496 et D. 497), soit un total de 92 ares ;
Considérant, en premier lieu, que lors du contrôle effectué sur l’exploitation de M. C., l’agent de l’O.N.I.C. a constaté sur la parcelle cadastrée E 294 " un couvert prairial abandonné " ; que si l’intéressé soutient qu’elle aurait été nettoyée fin 1997 et qu’un couvert autorisé de " ray grass " anglais y aurait été alors implanté, ces simples allégations ne suffisent pas à établir l’inexactitude des faits constatés par les services de l’O.N.I.C. ; que, dans ces conditions, et sans que M. C. puisse utilement se prévaloir de ce que son état de santé l’aurait empêché de réaliser certains travaux, la parcelle en cause ne peut être regardée comme ayant fait l’objet d’un entretien la maintenant dans de bonnes conditions agronomiques ainsi que l’exige l’article 3 du règlement n° 762/94 précité ;
Considérant, en second lieu, que, s’agissant des parcelles D. 496 et D. 497, l’agent de l’O.N.I.C. a constaté que les surfaces en cause, respectivement de 12 et 18 ares, étaient inférieures aux surfaces déclarées, avaient chacune une superficie inférieure à 30 ares et une largeur inférieure à 20 mètres et que leur éligibilité n’était pas avérée en raison de la présence d’arbres, d’un " couvert prairial abandonné " et de leur accès difficile ; que, si M. C. fait valoir que les parcelles en cause sont d’un seul tenant et produit un relevé cadastral attestant de ce que leur contenance est respectivement de 4 et 47 ares, l’administration a constaté l’absence d’entretien lors du contrôle sur place effectué le 28 août 1998 ; que les deux constats d’huissier en date des 22 décembre 1998 et 5 janvier 1999 produits par M. C. ne sont pas de nature à établir que les parcelles en cause auraient, ainsi que le requiert le règlement 762/94, fait l’objet, pendant la période du 15 janvier au 31 août 1998, d’un entretien suffisant pour être regardées comme des terres en gel ; qu’il n’est pas davantage établi que leur largeur est au moins égale à 20 mètres ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’aucune terre exploitée par M. C. ne faisait l’objet d’un gel dans les conditions prévues par le règlement (CEE) n° 762/94 du 6 avril 1994 ; qu’il s’ensuit qu’il ne pouvait, pour l’année 1998, bénéficier du versement de paiements compensatoires ni au titre des terres " en gel ", ni à celui des terres cultivées ; qu’ainsi c’est à tort que le tribunal administratif de Lille a admis qu’il pouvait prétendre au bénéfice de ces aides au titre des surfaces en oléagineux et en protéagineux ;
Considérant qu’il appartient à la Cour, saisie du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner la demande présentée par M. C. devant le tribunal administratif de Lille ;
Mais considérant que, comme il a été dit ci-dessus, M. C. ne pouvait prétendre au bénéfice d’aucune aide au titre de la période 1998/1999 ; que, par suite, le ministre de l’agriculture est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a partiellement annulé sa décision du 14 décembre 1998 rejetant la demande d’aides compensatoires présentée par M. C. ;
Sur les conclusions incidentes présentées par M. C. :
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les conclusions incidentes présentées par M. C. ne peuvent qu’être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 2 novembre 2000 du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : Les conclusions incidentes présentées par M. C. ainsi que sa demande présentée devant le tribunal administratif de Lille sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche et des affaires rurales et à M. Jean C..