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La différence de traitement entre les petits et les grands propriétaires qu’opère la loi est instituée dans l’intérêt des chasseurs propriétaires de petites parcelles, qui peuvent ainsi se regrouper pour pouvoir disposer d’un territoire de chasse plus grand.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 297568

ASSOCIATION COMMUNALE DE CHASSE AGREEE DE LOUIN

M. Stéphane Hoynck
Rapporteur

M. Mattias Guyomar
Commissaire du gouvernement

Séance du 7 mai 2008
Lecture du 16 juin 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 6ème et 1ère sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 6ème sous-section de la section du contentieux

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 septembre et 20 décembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour l’ASSOCIATION COMMUNALE DE CHASSE AGREEE DE LOUIN, dont le siège est Mairie de Louin à Louin (79600) ; l’ASSOCIATION COMMUNALE DE CHASSE AGREEE DE LOUIN demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 18 juillet 2006 par lequel la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l’annulation du jugement du 23 mars 2005 du tribunal administratif de Poitiers annulant des décisions du préfet des Deux-Sèvres rejetant les demandes de M. C. tendant au retrait de ses terrains du territoire d’intervention de l’association de chasse agréée de Louin, et lui enjoignant de procéder à ce retrait ;

2°) de mettre à la charge de M. C. le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l’environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Stéphane Hoynck, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de l’ASSOCIATION COMMUNALE DE CHASSE AGREEE DE LOUIN et de Me Odent, avocat M. C.,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’il ressort des pièces soumises aux juges du fond que le préfet des Deux-Sèvres a implicitement rejeté la demande de M. C. reçue en préfecture le 12 août 2002 et tendant au retrait de ses terrains du territoire soumis à l’action de l’association communale de chasse agréée (ACCA) de Louin ; que, par une décision du 6 février 2004, le directeur départemental de l’agriculture et de la forêt des Deux-Sèvres a rejeté, au nom du préfet, la demande de retrait de parcelles du territoire de l’ACCA DE LOUIN présentée par M. C., et qu’enfin, le recours gracieux contre cette dernière décision formé le 23 mars 2004 a été implicitement rejeté ; qu’à la demande de M. C., le tribunal administratif de Poitiers a, par un jugement du 23 mars 2005, annulé ces décisions ; que la cour administrative d’appel de Bordeaux, par un arrêt du 18 juillet 2006, a rejeté l’appel formé contre ce jugement présenté par l’ACCA DE LOUIN et le ministre et l’écologie et du développement durable ; que l’ACCA DE LOUIN se pourvoit contre cet arrêt ;

Considérant qu’il ressort des pièces soumises aux juges du fond que, par arrêté du 22 avril 2003, le préfet des Deux-Sèvres a donné délégation de signature à M. Desurmont, directeur départemental de l’agriculture et de la forêt aux fins de signer les décisions relatives à la tutelle des ACCA à l’exception des cas de dissolution de ces associations ; que la délégation de signature ainsi définie porte sur l’ensemble des pouvoirs exercés par le préfet à l’égard des associations communales de chasse agréées, à l’exception des cas de dissolution prévus par les dispositions aujourd’hui codifiées à l’article R. 422-3 du code de l’environnement ; qu’il suit de là qu’en confirmant l’annulation de la décision litigieuse au motif que le directeur départemental de l’agriculture et de la forêt n’était pas compétent pour signer les décisions relatives à la détermination du territoire des ACCA, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit ; que l’ACCA DE LOUIN est fondée pour ce motif à en demander l’annulation ;

Considérant qu’il y a lieu, en application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l’affaire au fond ;

Considérant qu’aux termes des dispositions figurant aujourd’hui à l’article L. 422-10 du code de l’environnement, une association communale de chasse agréée (ACCA) est constituée sur les terrains autres que ceux : " (.) 3º Ayant fait l’objet de l’opposition des propriétaires ou détenteurs de droits de chasse sur des superficies d’un seul tenant supérieures aux superficies minimales mentionnées à l’article L. 422-13 ; (.) 5º Ayant fait l’objet de l’opposition de propriétaires, de l’unanimité des copropriétaires indivis qui, au nom de convictions personnelles opposées à la pratique de la chasse, interdisent, y compris pour eux-mêmes, l’exercice de la chasse sur leurs biens, sans préjudice des conséquences liées à la responsabilité du propriétaire, notamment pour les dégâts qui pourraient être causés par le gibier provenant de ses fonds./ Lorsque le propriétaire est une personne morale, l’opposition peut être formulée par le responsable de l’organe délibérant mandaté par celui-ci. " ; et qu’aux termes de l’article premier du premier protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : "Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. (.) " ; qu’aux termes de l’article 14 de cette convention : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation" ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que M. C., propriétaire de parcelles d’une superficie inférieure à celles mentionnées au 3° de l’article L. 422-10 du code de l’environnement, a demandé le retrait de ses terrains non pas en se fondant sur des convictions personnelles opposées à la chasse, comme le permet le 5° du même article, mais en se fondant sur sa volonté de conserver le droit de chasse attaché à ses terrains pour son usage propre, sans permettre aux membres de l’ACCA d’en bénéficier ;

Considérant que le régime des associations de chasse agréées répond à un motif d’intérêt général, visant à prévenir une pratique désordonnée de la chasse et à favoriser une gestion rationnelle du patrimoine cynégétique ; que les propriétaires adeptes de la chasse qui apportent leurs terrains bénéficient, conformément à l’article L. 422-21 du code de l’environnement d’une admission de droit à l’association de chasse et par conséquent du droit de chasse sur l’ensemble du territoire de l’association ; qu’ainsi, les propriétaires de terrains d’une superficie inférieure à celles mentionnées au 3° de l’article L. 422-10 du même code se trouvent placés devant l’alternative de renoncer à leur droit de chasse en invoquant des convictions personnelles opposées à la pratique de la chasse ou d’apporter leurs terrains à l’ACCA, tout en bénéficiant des compensations qui viennent d’être rappelées ; qu’ainsi, ce système ne porte pas une atteinte disproportionné au droit de propriété, et ne méconnaît pas les stipulations de l’article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Considérant que la différence de traitement entre les petits et les grands propriétaires qu’opère la loi est instituée dans l’intérêt des chasseurs propriétaires de petites parcelles, qui peuvent ainsi se regrouper pour pouvoir disposer d’un territoire de chasse plus grand ; qu’ainsi cette différence de traitement est objective et raisonnable, et, dès lors que les propriétaires de petites parcelles ont toujours la possibilité d’affecter leur terrain à un usage conforme à leur choix de conscience, le système en cause ne méconnaît pas les stipulations de l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales combinées avec celles de l’article 14 de cette même convention ; qu’il résulte de ce qui précède que c’est à tort que le tribunal administratif s’est fondé sur la violation de l’article premier du premier protocole additionnel et de l’article 14 de la convention pour annuler les décisions attaquées ;

Considérant, toutefois, qu’il appartient au Conseil d’Etat, saisi de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner l’autre moyen soulevé devant le tribunal administratif par M. C. ;

Considérant qu’ainsi qu’il a été dit ci-dessus le directeur départemental de l’agriculture et de la forêt était bien compétent pour prendre les décisions attaquées ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. C. n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision attaquée ; que ses conclusions à fin d’injonction et d’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. C. une somme de 3 500 euros au titre des frais engagés par l’ACCA DE LOUIN et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux du 18 juillet 2006 est annulé.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 23 mars 2005 est annulé.

Article 3 : La demande présentée par M. C. devant le tribunal administratif de Poitiers est rejetée.

Article 4 : M. C. versera à l’ACCA DE LOUIN une somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à l’ASSOCIATION COMMUNALE DE CHASSE AGREEE DE LOUIN, à M. Camille C. et au ministre d’Etat, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.

 


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