CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 215705
COMMUNE DE MAUREPAS
c/ syndicat d’agglomération nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines
M. Hourdin
Rapporteur
M. Goulard
Commissaire du gouvernement
Séance du 14 novembre 2003
Lecture du 8 décembre 2003
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 9ème et 10ème sous-section réunies)
Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 décembre 1999 et 27 avril 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la COMMUNE DE MAUREPAS, représentée par son maire en exercice, dûment habilité ; la COMMUNE DE MAUREPAS demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt du 4 novembre 1999, par lequel la cour administrative d’appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l’annulation du jugement du 16 avril 1996, par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d’annulation de l’avis de la chambre régionale des comptes d’Ile-de-France du 24 mai 1995 constatant qu’il n’y avait pas lieu de mettre en demeure le syndicat d’agglomération nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines d’inscrire à son budget, au titre de dépense obligatoire, une participation aux frais de fonctionnement et d’entretien de la station d’épuration de la Courance ;
2°) d’annuler l’avis de la Chambre régionale des comptes ;
3°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 25 000 F au titre des frais exposés par la commune et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code des communes ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Hourdin, Maître des Requêtes,
les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la COMMUNE DE MAUREPAS et de la SCP Vier, Barthélemy, avocat du Syndicat d’agglomération nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines,
les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 232-14 du code des juridictions financières, alors en vigueur, applicable aux syndicats d’agglomération nouvelle en vertu de l’article L. 232-18 du même code : "Ne sont obligatoires pour les communes que les dépenses nécessaires à l’acquittement des dettes exigibles et les dépenses pour lesquelles la loi l’a expressément décidé. La chambre régionale des comptes, saisie soit par le représentant de l’Etat dans le département, soit par le comptable public concerné, soit par toute personne y ayant intérêt, constate qu’une dépense obligatoire n’a pas été inscrite au budget communal ou l’a été pour une somme insuffisante. Elle opère cette constatation dans le délai d’un mois à partir de sa saisine et adresse une mise en demeure à la commune concernée..." ; qu’aux termes de l’article L. 221-1 du code des communes, applicable en l’espèce : "Sont obligatoires pour les communes les dépenses mises à leur charge par la loi" ; qu’aux termes de l’article L. 221-2 dudit code : "Les dépenses obligatoires comprennent notamment :...17°la dépense relative au fonctionnement et à l’entretien des stations d’épuration de ses eaux usées" ; qu’aux termes de l’article L. 372-1-1 du même code : "Les communes prennent obligatoirement en charge les dépenses relatives aux systèmes d’assainissement collectif, notamment aux stations d’épuration des eaux usées et à l’élimination des boues qu’elles produisent..." ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’au cours des années 1990 à 1993, la responsabilité de l’assainissement des eaux usées de la commune d’Elancourt incombait au Syndicat d’agglomération nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines, qui percevait sur les habitants de cette commune une redevance au titre de la fourniture et du traitement des eaux usées ; que, toutefois, les habitations de deux quartiers de cette commune étaient raccordées, pour le traitement de leurs eaux usées, à une station d’épuration gérée en régie directe par la COMMUNE DE MAUREPAS jusqu’en juin 1992, puis par le syndicat intercommunal d’aménagement de la Courance ; que la COMMUNE DE MAUREPAS, qui a financé intégralement, au cours de cette période, le coût de l’assainissement d’une partie des eaux de la commune d’Elancourt, après avoir émis à l’encontre du Syndicat d’agglomération nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines, cinq titres exécutoires, sans obtenir le remboursement des frais pris en charge, a demandé au préfet des Yvelines de saisir la Chambre régionale des comptes afin que celle-ci adresse au syndicat la mise en demeure prévue par les dispositions précitées de l’article L. 232-14 ;
En ce qui concerne les frais afférents à la période postérieure au 1er juin 1992 :
Considérant que pour l’application des dispositions précitées de l’article L. 232-14 du code des juridictions financières, seule une dette échue, certaine, liquide, non sérieusement contestée dans son principe et dans son montant et découlant de la loi, d’un contrat, d’un délit, d’un quasi-délit ou de toute autre source d’obligations présente le caractère d’une "dette exigible" dont l’acquittement correspond à une des "dépenses obligatoires" dont il appartient à la chambre régionale des comptes de provoquer l’inscription au budget communal ;
Considérant, en premier lieu, que l’arrêt attaqué répond suffisamment au moyen tiré par la COMMUNE DE MAUREPAS du caractère obligatoire, par détermination de la loi, de sa créance ;
Considérant, en deuxième lieu, qu’en jugeant, après avoir constaté qu’aucune convention particulière n’avait été établie entre le Syndicat d’agglomération nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines et le Syndicat intercommunal d’aménagement de la Courance pour définir les modalités de remboursement des dépenses engagées par ce dernier pour le traitement des eaux usées de la commune d’Elancourt, que ces dépenses, dont le financement a été assuré, à titre d’avance, par la COMMUNE DE MAUREPAS, ne sauraient être regardées comme une dette exigible au sens des dispositions précitées, et donc, comme une dépense obligatoire qui devrait être inscrite d’office au budget du Syndicat d’agglomération nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines, la cour administrative d’appel de Paris n’a pas commis d’erreur de droit ;
Considérant, enfin, que la circonstance que les titres exécutoires émis par la COMMUNE DE MAUREPAS à l’encontre du Syndicat d’agglomération nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines au titre des frais d’assainissement supportés par elle au bénéfice de la commune d’Elancourt seraient devenus définitifs, n’obligeait pas la chambre régionale des comptes d’Ile-de-France, qui devait vérifier que la créance de la commune était obligatoire dans son principe et liquide, à mettre en demeure le syndicat d’inscrire la dépense correspondante à son budget ; que ce motif, qui n’implique aucune appréciation des circonstances de fait et a été soulevé devant les juges du fond, doit être substitué au motif tiré de ce que les titres exécutoires ne seraient pas devenus définitifs dès lors qu’eu égard à leur objet ils se rattachent à la matière des travaux publics ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE MAUREPAS n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué en tant qu’il statue sur la partie de sa créance correspondant aux frais engagés après le 1er juin 1992 pour le traitement des eaux usées de la commune d’Elancourt ;
En ce qui concerne les frais afférents à la période du 1er janvier 1990 au 31 mai 1992 :
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’avant le 1er juin 1992, la station d’épuration de la Courance était gérée, en régie directe, par la commune ; que la COMMUNE DE MAUREPAS est fondée à soutenir que la cour administrative d’appel, qui a rejeté sa requête pour le seul motif de l’absence de convention entre le syndicat intercommunal d’aménagement de la Courance et le Syndicat d’agglomération nouvelle, a omis de statuer sur les créances afférentes à la période antérieure au 1er juin 1992, et à demander, pour ce motif, l’annulation de l’arrêt attaqué ;
Considérant qu’il y a lieu pour le Conseil d’Etat, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l’affaire au fond ;
Considérant, d’une part, qu’ainsi qu’il a été dit plus haut, la circonstance que les titres exécutoires émis par la COMMUNE DE MAUREPAS à l’encontre du Syndicat d’agglomération nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines au titre des frais d’assainissement supportés par elle au bénéfice de la commune d’Elancourt, seraient devenus définitifs, n’obligeait pas la chambre régionale des comptes d’Ile-de-France qui devait vérifier que la créance de la commune était obligatoire dans son principe et liquide, à mettre en demeure le syndicat d’inscrire la dépense correspondante à son budget ;
Considérant, d’autre part, que la circonstance que la dépense relative à l’assainissement revêt pour une commune, au sens et pour l’application des dispositions précitées du code des communes, le caractère d’une dépense obligatoire, ne dispensait pas la chambre régionale des comptes d’examiner si la créance de la COMMUNE DE MAUREPAS sur le syndicat d’agglomération nouvelle de Saint-Quetin-en-Yvelines au titre des frais exposés par cette commune pour l’assainissement de la commune d’Elancourt avait, pour l’application du code des juridictions financières, le caractère d’une créance exigible ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que les pièces fournies à la Chambre régionale des comptes d’Ile-de-France ne comportaient pas les éléments justificatifs de la détermination du pourcentage de consommation d’eau dans les quartiers d’Elancourt rattachés à la station d’épuration de la Courance, non plus que les éléments constitutifs des dépenses d’assainissement prises en compte ; que la chambre régionale des comptes a, dès lors, pu estimer à bon droit que l’exigibilité de la créance de la COMMUNE DE MAUREPAS sur le syndicat d’agglomération nouvelle n’était pas suffisamment établie pour qu’il soit fait application des dispositions précitées du code des juridictions financières ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE MAUREPAS n’est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d’annulation de l’avis du 24 mai 1995 par lequel la chambre régionale des comptes d’Ile-de-France a décidé qu’il n’y avait pas lieu de mettre le Syndicat d’agglomération nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines en demeure d’inscrire à son budget les sommes correspondant aux frais de fonctionnement et d’entretien de la station d’épuration de la Courance au titre de la période du 1er janvier 1990 au 31 mai 1992 ;
Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner la COMMUNE DE MAUREPAS à payer au Syndicat d’agglomération nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines la somme qu’il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le syndicat d’agglomération nouvelle qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la commune requérante les sommes qu’elle demande à ce titre ;
D E C I D E :
Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris en date du 4 novembre 1999 est annulé en tant qu’il concerne les créances afférentes aux frais exposés par la COMMUNE DE MAUREPAS du 1er janvier 1990 au 31 mai 1992.
Article 2 : Le surplus de la requête de la COMMUNE DE MAUREPAS devant le Conseil d’Etat, sa requête devant la cour administrative d’appel de Paris et les conclusions présentées par le Syndicat d’agglomération nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE MAUREPAS, au Syndicat d’agglomération nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines, au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie et au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.