CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N°s 252872,253384
M. P.
M. El Nouchi
Rapporteur
M. Bachelier
Commissaire du gouvernement
Séance du 7 mai 2003
Lecture du 21 mai 2003
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 8ème et 3ème sous-section réunies)
Sur le rapport de la 8ème sous-section de la Section du contentieux
Vu, 1°) sous le n° 252872, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 décembre 2002 et 10 janvier 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Maurice P. ; M. P. demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’ordonnance du 9 décembre 2002 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Caen a, à la demande de la commune de Réville, procédé à la liquidation de l’astreinte prévue par l’ordonnance du 18 juin 2002 lui enjoignant de libérer les terrains à usage de camping qu’il occupe à Réville, au lieu-dit "La Pointe-de-Jonville" ;
2°) de rejeter la demande de la commune de Réville aux fins de liquidation d’une astreinte, et en toute hypothèse de limiter cette astreinte à la somme d’un euro ;
3°) de condamner la commune de Réville à lui payer une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu, 2°) sous le n° 253384, l’ordonnance en date du 16 janvier 2003, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 20 janvier 2003, par laquelle le président de la cour administrative d’appel de Nantes transmet, en application de l’article R. 351-2 du code de justice administrative, le dossier de la requête dont cette cour a été saisie par M. P. ;
Vu la demande, enregistrée le 20 décembre 2002 au greffe de la cour administrative d’appel de Nantes, présentée par M. P. ; M. P. demande l’annulation de l’ordonnance du 9 décembre 2002 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Caen a, à la demande de la commune de Réville, procédé à la liquidation de l’astreinte prévue par l’ordonnance du 18 juin 2002 lui enjoignant de libérer les terrains à usage de camping qu’il occupe à Réville, au lieu-dit "La Pointe-de-Jonville" ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. El Nouchi, Maître des Requêtes,
les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. P. et de Me Foussard, avocat de la commune de Réville,
les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes de M. P. sont dirigées contre la même ordonnance ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-3 du code de justice administrative : "En cas d’urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l’absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l’exécution d’aucune décision administrative" ; qu’aux termes de l’article L. 911-7 du même code : "En cas d’inexécution totale ou partielle ou d’exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l’astreinte qu’elle avait prononcée. / Sauf s’il est établi que l’inexécution de la décision provient d’un cas fortuit ou de force majeure, la juridiction ne peut modifier le taux de l’astreinte définitive lors de sa liquidation. / Elle peut modérer ou supprimer l’astreinte provisoire, même en cas d’inexécution constatée" ; qu’aux termes de l’article R. 522-13 du même code : "L’ordonnance prend effet à partir du jour où la partie qui doit s’y conformer en reçoit notification" ;
Considérant que la liquidation de l’astreinte à laquelle procède le juge des référés se rattache à la même instance contentieuse que celle qui a été ouverte par la demande d’astreinte dont elle est le prolongement procédural ; que, dès lors, il appartient au juge des référés qui, par la même ordonnance prise sur le fondement de l’article L. 521-3 du code de justice administrative, a assorti d’une astreinte l’injonction faite à l’une des parties, de statuer sur les conclusions tendant à ce que cette astreinte soit liquidée ; qu’il peut procéder à cette liquidation soit d’office, soit à la demande d’une autre partie s’il constate que les mesures qu’il avait prescrites n’ont pas été exécutées ; que les voies de recours ouvertes contre les ordonnances du juge des référés prononçant la liquidation d’une astreinte qu’il a lui-même prononcée sont celles ouvertes contre les ordonnances prononçant l’astreinte ;
Considérant que, par ordonnance du 18 juin 2002, le juge des référés du tribunal administratif de Caen a, sur le fondement de l’article L. 521-3 du code de justice administrative, enjoint à M. P. de libérer les terrains à usage de camping qu’il occupait à Réville, au lieu-dit "La Pointe-de-Jonville", sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à l’expiration d’un délai de 15 jours à compter de la notification de ladite ordonnance ; que par une nouvelle ordonnance du 9 décembre 2002, qui est l’objet du présent pourvoi, le juge des référés, faisant usage des dispositions de l’article L. 911-7 précité, a procédé à la liquidation de l’astreinte qu’il avait lui-même ordonnée en condamnant M. P. à verser à la commune de Réville la somme de 68 000 euros ;
Considérant, en premier lieu, qu’en jugeant que l’injonction faite à M. P. de libérer les lieux ne pouvait être regardée comme exécutée qu’à compter du jour où les clés permettant l’accès à la totalité des installations du camping, ont été mises à la disposition de la commune, le juge des référés n’a pas commis d’erreur de droit et s’est livré, sans les dénaturer, à une appréciation souveraine des circonstances de l’espèce, qui ne peut être discutée devant le juge de cassation ;
Considérant, en second lieu, que comme il a été dit ci-dessus l’ordonnance du 18 juin 2002 enjoignait à M. P. de libérer le terrain de camping sous astreinte de 1 000 euros par jour à compter de la date de sa notification ; qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. P. a reçu notification de l’ordonnance du 18 juin 2002 le 20 juin 2002 ; que, par suite, en jugeant que le délai de quinze jours à l’échéance duquel l’astreinte prononcée prenait effet courait à compter de cette date, le juge des référés n’a pas commis d’erreur de droit ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. P. n’est pas fondé à demander l’annulation de l’ordonnance attaquée ;
Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Réville qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à M. P. la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des mêmes dispositions et de condamner M. P. à payer à la commune de Réville une somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes de M. P. sont rejetées.
Article 2 : M. P. versera à la commune de Réville une somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Maurice P. et à la commune de Réville.