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Conseil d’Etat, 12 mai 2003, n° 240085, Société civile des auteurs, réalisateurs, producteurs (ARP) et autres

Aucune disposition législative ou réglementaire ne soumettent à l’autorisation préalable du conseil supérieur de l’audiovisuel la diffusion en plusieurs parties d’une œuvre cinématographique par un service de communication audiovisuelle. Elles limitent seulement le nombre d’interruptions publicitaires dont peut faire l’objet une telle diffusion, quelles qu’en soient les modalités, à une seule interruption, le conseil supérieur de l’audiovisuel pouvant toutefois, à titre dérogatoire et en raison notamment de la longueur de l’œuvre, autoriser une ou plusieurs interruptions supplémentaires.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N°s 240085,241917,241918

SOCIETE CIVILE DES AUTEURS REALISATEURS PRODUCTEURS A.R.P.) et autres

M. Campeaux
Rapporteur

M. Chauvaux
Commissaire du gouvernement

Séance du 2 avril 2003
Lecture du 12 mai 2003

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 5ème et 7ème sous-section réunies)

Sur le rapport de la 5ème sous-section de la Section du contentieux

Vu 1°) sous le n° 240085, la requête, enregistrée le 14 novembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour la SOCIETE CIVILE DES AUTEURS REALISATEURS PRODUCTEURS (A.R.P.), dont le siège est 7, avenue de Clichy à Paris (75017), représentée par sa présidente en exercice, et pour M. Pascal ROGARD, demeurant 12, rue Antoine Bourdelle à Paris (75015) ; la SOCIETE CIVILE DES AUTEURS REALISATEURS PRODUCTEURS et M. ROGARD demandent au Conseil d’Etat d’annuler la décision du 13 novembre 2001 par laquelle le conseil supérieur de l’audiovisuel a autorisé la société Télévision Française 1 (TF1) à diffuser le film "Titanic" en deux parties, les 19 et 20 novembre 2001 ;

Vu 2°) sous le n° 241917, la requête, enregistrée le 14 janvier 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour la SOCIETE DES REALISATEURS DE FILMS (S.R.F.), dont le siège est 14, rue Alexandre Parodi à Paris (75010) ; la SOCIETE DES REALISATEURS DE FILMS demande au Conseil d’Etat d’annuler la décision du 13 novembre 2001 par laquelle le conseil supérieur de l’audiovisuel a autorisé la société TF1 à diffuser les 19 et 20 novembre 2001 le film "Titanic" en deux parties ;

Vu 3°) sous le n° 241918, la requête, enregistrée le 14 janvier 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour la SOCIETE DES AUTEURS ET COMPOSITEURS DRAMATIQUES (S.A.C.D.), dont le siège est 11 bis, rue Ballu à Paris (75442) Cedex 09 ; la SOCIETE DES AUTEURS ET COMPOSITEURS DRAMATIQUES demande au Conseil d’Etat d’annuler la décision du 13 novembre 2001 par laquelle le conseil supérieur de l’audiovisuel a autorisé la société TF1 à diffuser les 19 et 20 novembre 2001 le film "Titanic" en deux parties ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de la propriété intellectuelle ;

Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication ;

Vu le décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Campeaux, Auditeur,
- les observations de la SCP Boutet, avocat de la SOCIETE CIVILE DES AUTEURS REALISATEURS PRODUCTEURS et autres et de la SCP Delaporte, Briard, avocat de la société TF1,
- les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes de la SOCIETE CIVILE DES AUTEURS REALISATEURS PRODUCTEURS et de M. ROGARD, de la SOCIETE DES REALISATEURS DE FILMS et de la SOCIETE DES AUTEURS COMPOSITEURS DRAMATIQUES sont dirigées contre la même décision du conseil supérieur de l’audiovisuel ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 73 de la loi du 30 septembre 1986 : "Sans préjudice des dispositions de la loi n° 85-660 du 3 juillet 1985 précitée, la diffusion d’une œuvre cinématographique ou audiovisuelle par un service de communication audiovisuelle ne peut faire l’objet de plus d’une interruption publicitaire sauf dérogation accordée par le conseil supérieur de l’audiovisuel (...)" ; qu’aux termes de l’article 2 du décret du 17 janvier 1990 dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : "Constituent des œuvres cinématographiques : 1. Les œuvres qui ont obtenu un visa d’exploitation au sens de l’article 19 du code de l’industrie cinématographique susvisé à l’exception des œuvres documentaires qui ont fait l’objet d’une première diffusion à la télévision en France ; 2. Les œuvres étrangères qui n’ont pas obtenu ce visa mais qui ont fait l’objet d’une exploitation cinématographique commerciale dans leurs pays d’origine" ; que ni ces dispositions ni aucune disposition législative ou réglementaire ne soumettent à l’autorisation préalable du conseil supérieur de l’audiovisuel la diffusion en plusieurs parties d’une œuvre cinématographique par un service de communication audiovisuelle ; qu’elles limitent seulement le nombre d’interruptions publicitaires dont peut faire l’objet une telle diffusion, quelles qu’en soient les modalités, à une seule interruption, le conseil supérieur de l’audiovisuel pouvant toutefois, à titre dérogatoire et en raison notamment de la longueur de l’œuvre, autoriser une ou plusieurs interruptions supplémentaires ;

Considérant que par lettre du 14 novembre 2001, le président du conseil supérieur de l’audiovisuel a informé la société TF1 de la décision prise par le conseil le 13 novembre 2001 d’autoriser cette société à pratiquer une seconde interruption publicitaire lors de la diffusion du film "Titanic" les 19 et 20 novembre 2001, en raison notamment de l’exceptionnelle durée de cette œuvre ; que cette même lettre informe en outre la société TF1 que le conseil supérieur de l’audiovisuel ne voit pas d’objection à la diffusion du film en deux parties lors de deux soirées successives ; que les requêtes tendent à l’annulation de cette décision en tant seulement qu’elle aurait autorisé la société TF1 à diffuser le film en deux parties ;

Considérant qu’il ressort des termes mêmes de la lettre du 14 novembre 2001 que le conseil supérieur de l’audiovisuel s’est borné à faire savoir à la société TF1 qu’il n’avait pas d’objection à son projet de diffuser le film "Titanic" en deux parties, sans lui délivrer une autorisation qu’il ne lui appartenait d’ailleurs pas de donner ; que les requêtes sont ainsi dirigées contre un acte qui ne présente pas le caractère d’une décision ; qu’elles sont par suite irrecevables ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner solidairement la SOCIETE CIVILE DES AUTEURS REALISATEURS PRODUCTEURS et M. ROGARD à verser à la société TF1 une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu également de condamner la SOCIETE DES REALISATEURS DE FILMS et la SOCIETE DES AUTEURS COMPOSITEURS DRAMATIQUES à verser chacune à la société TF1 la somme de 2 000 euros au même titre ;

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de la SOCIETE CIVILE DES AUTEURS REALISATEURS PRODUCTEURS et de M. ROGARD, de la SOCIETE DES REALISATEURS DE FILMS et de la SOCIETE DES AUTEURS COMPOSITEURS DRAMATIQUES sont rejetées.

Article 2 : La SOCIETE CIVILE DES AUTEURS REALISATEURS PRODUCTEURS et M. ROGARD sont condamnés solidairement à verser à la société TF1 la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

Article 3 : La SOCIETE DES REALISATEURS DE FILMS et la SOCIETE DES AUTEURS COMPOSITEURS DRAMATIQUES sont condamnées à verser chacune à la société TF1 la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE CIVILE DES AUTEURS REALISATEURS PRODUCTEURS, à M. Pascal ROGARD, à la SOCIETE DES REALISATEURS DE FILMS, à la SOCIETE DES AUTEURS COMPOSITEURS DRAMATIQUES, au conseil supérieur de l’audiovisuel, à la société TF1, au Premier ministre et au ministre de la culture et de la communication.

 


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