format pour impression
(imprimer)

DANS LA MEME RUBRIQUE :
Conseil d’Etat, 5 mars 2008, n° 287136, Caisse primaire d’assurance maladie des Côtes d’Armor et Centre hospitalier de Dinan
Conseil d’Etat, 14 juin 2002, n° 217053, Société "Garage Centre Régional de l’Occasion"
Conseil d’Etat, 25 juillet 2008, n° 297226, Hervé G.
Cour administrative d’appel de Paris, 22 janvier 2003, n° 99PA00298, M. Denis V. c/ Ministre de l’intérieur
Cour administrative d’appel de Nancy, 17 juin 2003, n° 98NC00258, Mme Monique T.
Conseil d’Etat, 20 mars 2002, n° 226803, Syndicat Lutte Pénitentiaire et autres
Conseil d’Etat, Assemblée, 28 juin 2002, n° 239575, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice c/ M. M.
Conseil d’Etat, 26 février 2003, n° 241385, M. Joel M.
Conseil d’Etat, 29 septembre 2003, n° 228051, Mme Gilberte L.
Conseil d’Etat, 22 février 2008, n° 286174, Charles-Jean S. et Michel O.




Cour administrative d’appel de Bordeaux, 18 mars 2003, n° 00BX01446, M. et Mme D.

Le fait d’avoir laissé le requérant assister à l’essai nucléaire en cause face à la montagne, à l’extérieur de l’abri anti-atomique existant, puis participer à plusieurs reprises sans protection particulière au prélèvement d’échantillons dans la zone contaminée dans les semaines ayant suivi l’explosion, constitue une faute lourde de l’Etat susceptible d’engager sa responsabilité.

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE BORDEAUX

N° 00BX01446

M. et Mme D.

M. Barros
Président

Mme Péneau
Rapporteur

M. Rey
Commissaire du Gouvernement

Arrêt du 18 mars 2003

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE BORDEAUX

(2ème chambre)

Vu la requête enregistrée le 28 juin 2000 au greffe de la cour administrative d’appel de Bordeaux sous le N° 00BX01446 présentée pour M. et Mme D. ;

M. et Mme D. demandent que la cour :

1°) annule le jugement en date du 2 mai 2000 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté leurs demandes tendant à la condamnation de l’Etat à réparer les préjudices subis par eux suite à l’accident dont a été victime M. D. lors de son service militaire ;

2°) condamne l’Etat à verser à M. D. la somme de 500 000 F à titre de dommages et intérêts ;

3°) condamne l’Etat à leur verser la somme de 10 000 F au titre des frais de procès non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi N° 83-605 du 8 juillet 1983 modifiant le code du service national ;

Vu le code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 18 février 2003 :
- le rapport de Mme Péneau ;
- les conclusions de M. Rey, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. D. a été victime le 1er mai 1962, alors qu’il accomplissait son service national en qualité de chauffeur au 621° groupe d’armes spéciales basé à Im Amguel au Sahara, d’irradiations radioactives lors de l’essai par l’armée d’une bombe atomique de forte puissance sur la montagne de Talafela ; qu’il souffre depuis le début des années 1980 de divers maux qu’il impute à cet accident ; que M. D. conteste le jugement du tribunal administratif de Pau qui a refusé de faire droit à sa demande d’indemnisation de l’entier préjudice qu’il a subi ; qu’il demande à la cour de condamner l’Etat à réparer différents préjudices qui, selon lui, ne sont pas indemnisés par la pension qui lui a été accordée par le tribunal des pensions de Pau pour psychosyndrome traumatique ;

Sur la responsabilité de l’Etat :

Considérant que la circonstance que M. D. a pu bénéficier d’une pension militaire d’invalidité ne fait pas obstacle à ce que l’intéressé, s’il estime que la responsabilité de l’Etat est susceptible d’être engagée en raison d’une faute lourde commise par l’armée dans l’application des règles de sécurité, exerce à l’encontre de l’Etat une action tendant au versement d’une indemnité complémentaire assurant la réparation intégrale du préjudice qu’il a subi ;

Considérant que l’action engagée devant la juridiction administrative par M. et Mme D. tendait à la condamnation de l’Etat à réparer l’ensemble des conséquences dommageables de la faute lourde qui aurait été commise par l’autorité militaire lors du service national de M. D. ; qu’en rejetant cette demande au motif que le caractère forfaitaire de l’allocation dont l’intéressé a bénéficié lui interdisait d’exercer une action en responsabilité contre l’Etat au titre de ce chef de préjudice, le tribunal administratif de Pau a commis une erreur de droit ; que par suite, M. et Mme D. sont fondés à soutenir que c’est à tort que le jugement attaqué a rejeté, pour ce motif, leur demande ;

Considérant toutefois qu’il appartient à la cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens présentés devant le tribunal administratif de Pau et devant la cour ;

Considérant que le fait d’avoir laissé M. D. assister à l’essai nucléaire en cause face à la montagne, à l’extérieur de l’abri anti-atomique existant, puis participer à plusieurs reprises sans protection particulière au prélèvement d’échantillons dans la zone contaminée dans les semaines ayant suivi l’explosion, constitue une faute lourde de l’Etat susceptible d’engager sa responsabilité ; que M. D. peut dès lors obtenir une indemnisation complémentaire à la pension militaire d’ invalidité qui lui a été concédée, dans la mesure où son préjudice corporel serait d’un montant supérieur à la valeur de cette pension ; que de même, Mme D. est fondée à demander l’indemnisation des préjudices propres qu’elle subirait du fait de l’état de santé de son mari ;

Sur le préjudice subi :

Considérant, toutefois, que le dossier ne permet d’évaluer ni le préjudice global dont M. D. demande réparation ni celui dont se prévaut son épouse en raison de l’état de santé de son mari ; que, par suite, il y a lieu, avant dire droit, de prescrire une expertise médicale en vue de préciser la nature et la date de consolidation des troubles dont souffre M. D. imputables à l’irradiation, de déterminer le taux d’invalidité permanente partielle dont il reste atteint et de fournir tous autres éléments utiles à l’évaluation des souffrances physiques, du préjudice esthétique et des troubles dans les conditions d’existence subis par le requérant et, par voie de conséquence, par son épouse ;

Considérant par ailleurs que pour permettre à la cour de déterminer ultérieurement le préjudice global résultant de l’accident, il y a lieu d’inviter le ministre de la défense à indiquer à la cour, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, le montant exact de la pension militaire d’invalidité servie à M. D. ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 2 mai 2000 est annulé.

Article 2 : L’Etat est déclaré responsable des conséquences dommageables de l’irradiation subie par M. D. le 1er mai 1962.

Article 3 : Il sera, avant de statuer sur la demande de M. et Mme D., procédé à une expertise par un expert désigné par le président de la cour aux fins de remplir la mission ci-dessus définie.

Article 4 : Le ministre de la défense est invité à indiquer à la cour, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, le montant de la pension d’invalidité servie à M. D..

 


©opyright - 1998 - contact - Rajf.org - Revue de l'Actualité Juridique Française - L'auteur du site
Suivre la vie du site