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Cour administrative d’appel de Marseille, 19 décembre 2002, n° 00MA01857, Mme Josiane G.

Lactivité de musicien d’orchestre doit être regardée comme une production d’œuvre artistique, au sens de l’article 3 du décret du 29 octobre 1936, lequel exclut clairement et globalement une telle activité du champ d’application de l’ensemble des règles relatives aux cumuls d’emplois et de rémunérations, tel qu’il est défini par l’article 1er du décret-loi du 29 octobre 1936.

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE MARSEILLE

N° 00MA01857

Mme Josiane G.

M. LAPORTE
Président

Mme GAULTIER
Rapporteur

M. BOCQUET
Commissaire du Gouvernement

Arrêt du 19 décembre 2002

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE MARSEILLE

(2ème chambre)

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d’appel de Marseille le 18 août 2000 sous le n° 00MA01857, présentée pour Mme Josiane G., par la S.C.P. CHENEAU et PUYBASSET, avocat ;

La requérante demande à la Cour :

1°/ d’annuler le jugement en date du 8 juin 2000 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 5 mai 1998 du maire de Marseille refusant de l’indemniser de la perte de revenus résultant de retenues sur salaire pratiquées, depuis 1996, par la ville de Marseille, au titre de la règle de non-cumul de rémunérations publiques, et à l’indemnisation du préjudice subi ;

2°/ de condamner la ville de Marseille à lui payer une somme de 199 755,67 francs avec intérêts de droit à compter de la réception de la demande préalable ;

3°/ de condamner la commune précitée à lui verser une somme de 10 000 francs au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

La requérante soutient :

- à titre principal, qu’elle est fondée à se prévaloir de l’exception aux règles de cumul instaurée par l’article 3 du décret-loi du 29 octobre 1936, son activité de musicien à l’orchestre de l’Opéra de Marseille constituant la production d’une oeuvre artistique ; que la jurisprudence judiciaire aussi bien que la doctrine ont consacré la production d’œuvres artistiques par les musiciens d’orchestre, auxquels a été reconnu un droit à la propriété intellectuelle, et ont posé le principe de l’extension, à leur profit, des dispositions dérogatoires du décret précité ; que la jurisprudence administrative a reconnu la licéïté du cumul d’une activité de musicien d’orchestre avec un emploi de fonctionnaire territorial ; que l’autonomie dans l’exécution de l’œuvre musicale n’est pas déterminante en l’espèce ;

- à titre subsidiaire, que son "traitement principal", au sens de l’article 9 du décret précité n’est pas le traitement perçu en qualité de professeur titulaire au Conservatoire, mais celui, plus élevé, perçu comme musicien contractuel à l’orchestre de l’Opéra ; qu’en prenant en compte, pour le plafonnement à 100 %, son traitement le plus bas, la ville de Marseille a fait une inexacte application des dispositions de l’article 9 du décret du 29 octobre 1936 relatif au cumul de rémunérations et a indûment procédé aux retenues litigieuses ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré au greffe de la Cour administrative d’appel de Marseille le 24 août 2001, le mémoire complémentaire produit pour Mme G. qui relève, en outre, que par arrêt en date du 8 novembre 2000, le Conseil d’Etat a expressément reconnu que l’article 7 du décret précité ne s’appliquait pas aux musiciens d’orchestre ; qu’il en résulte que l’article 9 de ce même décret ne leur est pas non plus applicable ;

Vu, enregistré au greffe de la Cour administrative d’appel le 1er octobre 2001, le mémoire en défense présenté pour la ville de Marseille par Me Gilbert Sindres, avocat ; la commune défenderesse conclut au rejet de la requête et à la confirmation du jugement attaqué ;

La ville de Marseille soutient :

- qu’en appliquant la jurisprudence selon laquelle la production d’une œuvre artistique doit rester autonome et ne pas se trouver soumise à un lien de subordination, le tribunal administratif a fait une juste application des dispositions de l’article 3 du décret précité ; que les définitions de la production d’une œuvre artistique données tant par le code de la propriété intellectuelle que par le code du travail sont inopérantes s’agissant d’un cumul d’emplois publics ; que les dérogations prévues par l’article 3 du décret précité ne concernent que le cumul d’une activité publique et d’une activité privée et ne s’appliquent donc pas au cas de l’appelante ; que le présent litige se rapporte à la limitation du cumul des rémunérations et non à celle d’un cumul d’emplois ; que la circonstance que le Conseil d’Etat ait reconnu la licéïté d’un cumul d’emploi ne fait pas obstacle à l’application de l’article 9 dudit décret, relatif au cumul des rémunérations ; que c’est à bon droit qu’il a été fait application dudit article ; qu’en outre, la requérante ayant la qualité de titulaire, c’est à bon droit que le Tribunal administratif de Marseille a considéré que son traitement principal, devant servir de base aux retenues opérées, était celui qu’elle percevait en cette qualité ;

Vu, enregistré le 28 octobre 2002, le mémoire présenté pour Mme. G., qui commente les arrêts du Conseil d’Etat en date du 8 novembre 2000, en soutenant que c’est l’ensemble du régime des cumuls, y compris les règles relatives au cumul des rémunérations, qui a été jugé inapplicable à la création d’œuvres artistiques, telle que l’activité de musicien d’orchestre ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l’ordonnance de clôture d’instruction en date du 7 août 2001 ;

Vu l’ordonnance de réouverture d’instruction en date du 4 octobre 2001

Vu le décret-loi du 29 octobre 1936, modifié, relatif aux cumuls de retraites, de rémunérations et de fonctions ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel en vigueur jusqu’au 31 décembre 2000, ensemble le code de justice administrative entré en vigueur le 1er janvier 2001 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 12 novembre 2002 :
- le rapport de Mme GAULTIER, premier conseiller ;
- les observations de Me Cheneau pour Mme Josiane G. ;
- les observations de Me Singer substituant Me Sindres pour la ville de Marseille ;
- et les conclusions de M. BOCQUET, premier conseiller ;

Considérant que Mme G., professeur d’enseignement artistique titulaire auprès du Conservatoire de musique de Marseille, exerce également les fonctions de musicien contractuel à l’opéra municipal ; qu’elle demande à la cour d’annuler le jugement du 8 juin 2000 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande en annulation de la décision du directeur général du personnel de la ville de Marseille, en date du 5 mai 1998, confirmant les retenues sur salaires effectuées en application de l’article 9 du décret-loi du 29 octobre 1936, relatif aux cumuls de retraites, de rémunérations et de fonctions, et rejetant la demande de restitution des sommes en cause ;

Sur la légalité de la décision en date du 5 mai 1998 :

Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 1er du décret-loi susvisé du 29 octobre 1936, dans sa rédaction résultant du décret du 11 juillet 1955 : " ...la réglementation sur les cumuls : - d’emplois ; - de rémunérations d’activité ; - de pensions et de rémunérations ; - et de pensions ; s’applique aux personnels civils, aux personnels militaires, aux agents et ouvriers des collectivités et organismes suivants : 1° Administrations de l’Etat, des départements et des communes ... " ; qu’aux termes de l’article 3 du même décret : " Les dispositions de l’article 1er ne s’appliquent pas à la production des œuvres scientifiques, littéraires ou artistiques... " ; que l’article 9 du même décret-loi prévoit que : " La rémunération effectivement perçue par un fonctionnaire, agent ou ouvrier des collectivités ou services susvisés à l’article 1er ne pourra dépasser, à titre de cumul de rémunérations, le montant du traitement principal perçu par l’intéressé majoré de 100 p. 100 ... " ;

Considérant que l’activité de musicien d’orchestre doit être regardée comme une production d’œuvre artistique, au sens de l’article 3 du décret du 29 octobre 1936, lequel exclut clairement et globalement une telle activité du champ d’application de l’ensemble des règles relatives aux cumuls d’emplois et de rémunérations, tel qu’il est défini par l’article 1er précité, du décret-loi du 29 octobre 1936, modifié ; que, compte-tenu de la rédaction même dudit article 3, les modalités selon lesquelles est exercée la dite activité sont sans incidence sur sa qualification de production d’œuvre artistique, et sur ses conséquences au regard de l’application de la réglementation ci-dessus mentionnée ; que dès lors la ville de Marseille n’est pas fondée à soutenir que la circonstance que cette activité artistique est exercée, en l’espèce, dans le cadre d’un emploi contractuel constituant un second emploi public, a pour effet de la soumettre aux règles de plafonnement de rémunérations prévues à l’article 9 précité du même décret, le dit article ne pouvant faire l’objet d’une application indépendante de celle des articles 1er et 3 susmentionnés qui déterminent le champ d’application de la réglementation des cumuls d’emplois et de rémunérations ; qu’il suit de là que la décision litigieuse est entachée d’erreur de droit et doit être annulée ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que Mme G. est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande en annulation de la décision du directeur général du personnel de la ville de Marseille en date du 5 mai 1998 ;

Sur les conclusions indemnitaires :

Considérant que, dans ses conclusions indemnitaires, Mme G. se borne à demander la restitution des retenues sur salaires effectuées par la commune de Marseille à compter du 1er juillet 1996 ; qu’il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que ces retenues ont été effectuées par suite d’une application irrégulière du décret-loi du 29 octobre 1936 ; que Mme G. est, dès lors, fondée à en demander la restitution ; que le montant total réclamé par elle à ce titre, soit 199 755.67 F, n’est aucunement discuté ; qu’il y a lieu, par suite, de condamner la commune de Marseille à lui reverser la somme en cause, assortie des intérêts légaux à compter de la date de la demande de restitution présentée par l’intéressée, soit en l’espèce le 27 janvier 1998 ;

Sur la demande tendant à l’application de l’article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative en condamnant la commune de Marseille à verser à Mme G. une somme de 300 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1 : Le jugement du Tribunal administratif de Marseille en date du 8 juin 2000, ainsi que la décision du directeur général du personnel de la ville de Marseille en date du 5 mai 1998, sont annulés.

Article 2 : La commune de Marseille est condamnée à verser à Mme G. une somme de 199 755,67 F(cent quatre-vingt dix-neuf mille sept cent cinquante-cinq francs et soixante-sept centimes) soit 30 452,56 euros (trente mille quatre cent cinquante-deux euros et cinquante-six centimes), assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 1998.

Article 3 : La commune de Marseille est condamnée à verser à Mme G. une somme de 300 euros (trois cents euros) au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G., à la ville de Marseille et au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

 


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