CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 229920
SYNDICAT DE L’INDUSTRIE HOTELIERE DE SAONE-ET-LOIRE et autres
Mme Picard
Rapporteur
Mme Roul
Commissaire du gouvernement
Séance du 14 février 2003
Lecture du 5 mars 2003
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 4ème et 6ème sous-section)
Sur le rapport de la 4ème sous-section de la Section du contentieux
Vu la requête, enregistrée le 5 février 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour le SYNDICAT DE L’INDUSTRIE HOTELIERE DE SAONE-ET-LOIRE, dont le siège est 32, rue de Lyon, B.P. 40 à Mâcon (71002) et autres ; les requérants demandent au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir la décision de la commission nationale d’équipement commercial du 9 octobre 2000 accordant à la société Maconotel l’autorisation préalable en vue de l’extension de l’établissement "Etap Hotel" de Macôn Sud de 29 chambres ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de commerce ;
Vu la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 modifiée d’orientation du commerce et de l’artisanat ;
Vu le décret n° 93-306 du 9 mars 1993 modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de Mme Picard, Maître des Requêtes,
les observations de la SCP Laugier, Caston, avocat du SYNDICAT DE L’INDUSTRIE HOTELIERE DE SAONE-ET-LOIRE et autres,
les conclusions de Mme Roul, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de la décision de la commission nationale d’équipement commercial :
Considérant, en premier lieu, que l’article 30 du décret du 9 mars 1993 dispose : "La commission nationale d’équipement commercial ne peut valablement délibérer qu’en présence de cinq membres au moins" ; qu’il ressort du procès-verbal de la séance de la commission du 27 septembre 2000, au cours de laquelle la commission a adopté la décision attaquée, que six membres étaient présents ; qu’ainsi le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article 30 du décret du 9 mars 1993 doit être écarté ;
Considérant, en second lieu, que si eu égard à la nature, à la composition et aux attributions de la commission nationale d’équipement commercial, les décisions qu’elle prend doivent être motivées, cette obligation n’implique pas que la commission soit tenue de prendre explicitement parti sur le respect par le projet qui lui est soumis de chacun des objectifs et critères d’appréciation fixés par les dispositions législatives applicables ; qu’en se référant, pour motiver sa décision, notamment aux caractéristiques de l’établissement concerné, à sa localisation, au taux d’équipement des parties nord et sud de l’agglomération mâconnaise, à l’ampleur limitée du projet d’extension et à son absence d’influence négative sur le marché local de l’hôtellerie, la commission nationale a, en l’espèce, satisfait à cette exigence ;
Sur les moyens tirés d’insuffisances du dossier de la demande :
Considérant que l’article 18-2 du décret du 9 mars 1993 dispose : "Pour les projets d’établissements hôteliers définis au 7° du I de l’article 29 de la loi du 27 décembre 1973 susvisée, la demande comprend les éléments suivants : a) un plan indiquant le nombre de chambres existantes et envisagées ; b) des informations sur les modalités d’exploitation envisagées, l’enseigne, réseau de commercialisation, classement, etc) ; c) l’étude d’impact qui comporte : 1 ° La délimitation de la zone sur laquelle se fera sentir l’influence de l’ouverture de l’établissement projeté en identifiant l’intérêt touristique ou les autres motifs de fréquentation qui confèrent une certaine unité à l’espace considéré ; 2° la description du marché de ladite zone demande actuelle, degré d’adaptation de l’offre à la demande, demande potentielle ; 3° la liste des équipements hôteliers et des autres hébergements de la zone en mentionnant leur capacité et, si possible, le taux d’occupation des hôtels existants ; 4° l’évaluation du chiffre d’affaires annuel attendu du projet ; 5° l’estimation argumentée de l’impact du projet sur l’équilibre de la zone et sur les activités existantes ; 6° l’analyse des effets attendus du projet sur l’emploi sous la forme d’un bilan, établi en nombre d’emplois en équivalent temps plein, des emplois créés par le projet et des emplois, salariés, d’une part, et non salariés, d’autre part, dont l’existence est susceptible d’être menacée par celui-ci dans la zone considérée ; 7° l’indication des moyens mis en oeuvre pour atteindre les objectifs définis au cinquième alinéa de l’article 1er de la loi du 27 décembre 1 973 susvisée. / Un arrêté du ministre chargé du tourisme précise en tant que de besoin les modalités de présentation de la demande." ;
Considérant que le dossier de la demande présentée par la société Maconotel n’a pas fait une appréciation inexacte de la zone d’influence de l’établissement projeté en ne prenant pas en compte les établissements implantés à Saint-Albin et à Saint-Lambert ;
Considérant que l’étude d’impact présentée par le demandeur contient la liste complète des établissements hôteliers, y compris le sien, inclus dans la zone d’influence retenue ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du c-3° de l’article 18-2 du décret du 9 mars 1993 manque en fait ;
Considérant que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le dossier de demande d’autorisation comporte la liste des établissements exploités sous l’enseigne "Etap Hotel" dans le département, prévue par le point 3.1. du III de l’annexe à l’arrêté ministériel du 15 janvier 1997 ; que, dès lors, le moyen manque en fait ;
Considérant que la circonstance que l’étude d’impact n’a analysé que les effets attendus sur la création d’emplois et non ceux susceptibles de menacer les emplois existants doit être interprétée en l’espèce, compte tenu des indications qui figurent par ailleurs dans cette étude sur les caractéristiques du projet et sur son environnement, comme signifiant que l’extension projetée de l’établissement Etap Hotel de Mâcon Sud n’aurait pas d’effet négatif sur l’emploi ; que, par suite, cette étude n’a pas été établie en méconnaissance des prescriptions précitées du point c-6° de l’article 18-2 du décret du 9 mars 1993 ;
Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 1er modifié de la loi du 27 décembre 1973 et des articles L. 720-1 à L. 720-3 du code de commerce :
Considérant que l’article 1er modifié de la loi du 27 décembre 1973 dispose : "La liberté et la volonté d’entreprendre sont les fondements des activités commerciales et artisanales. Celles-ci s’exercent dans le cadre d’une concurrence claire et loyale. Le commerce et l’artisanat ont pour fonction de satisfaire les besoins des consommateurs, tant en ce qui concerne les prix que la qualité des services et des produits offerts. Ils doivent participer au développement de l’emploi et contribuer à accroître la compétitivité de l’économie nationale, animer la vie urbaine et rurale et améliorer sa qualité. Les pouvoirs publics veillent à ce que l’essor du commerce et de l’artisanat permette l’expansion de toutes les formes d’entreprises, indépendantes, groupées ou intégrées, en évitant qu’une croissance désordonnée des formes nouvelles de distribution ne provoque l’écrasement de la petite entreprise et le gaspillage des équipements commerciaux et ne soit préjudiciable à l’emploi (...)" ; qu’en application des dispositions du II de l’article L. 720-3 du code de commerce, issues des dispositions de l’article 28 de la loi du 27 décembre 1973 modifiée, "Dans le cadre des principes définis aux articles L. 720-1 et L. 720-2, la commission statue en prenant en considération 1° - L’offre et la demande globale pour chaque secteur d’activité pour la zone de chalandise concernée ; 2° - La densité d’équipement en moyennes et grandes surfaces dans cette zone ; 3° - L’effet potentiel du projet sur l’appareil commercial et artisanal de cette zone et des agglomérations concernées, ainsi que sur l’équilibre souhaitable entre les différentes formes dé commerce ; 4° - L’impact éventuel du projet en termes d’emplois salariés et non salariés ; 5° - Les conditions d’exercice de la concurrence au sein du commerce et de l’artisanat (. .. )" ; qu’aux termes de l’article L. 720-5-I du code du commerce : "(...) Outre,les critères prévues à l’article L. 720-3, elle statue en prenant en considération la densité d’équipements hôteliers dans la zone concernée" ;
Considérant que, pour l’application de ces dispositions combinées, il appartient aux commissions d’équipement commercial, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, d’apprécier si un projet soumis à autorisation est de nature à compromettre dans la zone de chalandise intéressée, et pour les équipements hôteliers, dans la zone d’influence pertinente, l’équilibre recherché par le législateur entre les diverses formes de commerce et, dans l’affirmative, de rechercher si cet inconvénient est compensé par les effets positifs que le projet peut présenter au regard notamment de l’emploi, de l’aménagement du territoire, de la concurrence, de la modernisation des équipements commerciaux et, plus généralement, de la satisfaction des besoins des consommateurs ;
Considérant que le projet attaqué a pour objectif de porter la capacité d’accueil de l’établissement-"Etap Hotel Macon Sud" classé tourisme en catégorie une étoile de 41 à 70 chambres ;
Considérant que le projet attaqué concerne l’extension d’un hôtel existant dont la capacité actuelle se révèle insuffisante pour satisfaire la demande de la clientèle à certaines périodes de l’année ; qu’il est situé dans la partie sud de l’agglomération mâconnaise, moins bien équipée en hôtels de catégorie économique que la partie nord, et que son extension, limitée au regard du parc hôtelier existant dans la zone d’influence concernée, où le taux moyen d’occupation des hôtels est élevé, lui permettra d’accueillir plus aisément une clientèle de groupe de passage ; qu’en se fondant sur ces critères pour estimer que sa réalisation n’était pas de nature à déséquilibrer le marché local de l’hôtellerie, la commission nationale d’équipement commercial a fait une exacte application des dispositions législatives précitées ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le SYNDICAT DE L’INDUSTRIE HOTELIERE DE SAONE-ET-LOIRE et autres ne sont pas fondés à demander l’annulation de la décision attaquée ;
Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser aux requérants la somme qu’ils demandent au titre des sommes exposées par eux et non comprises dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête du SYNDICAT DE L’INDUSTRIE HOTELIERE DE SAONE-ET-LOIRE et autres est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT DE L’INDUSTRIE HOTELIERE DE SAONE-ET-LOIRE et autres, à la commission nationale d’équipement commercial et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.