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Conseil d’Etat, 12 février 2003, n° 248111, Préfet de Haute-Saone c/ M. Bilgehan G.

Le requérant, de nationalité turque, est né en France en 1977 où il a vécu jusqu’à l’âge de 12 ans. Après le décès de sa mère, son père qui réside régulièrement en France s’est trouvé dans l’obligation de le faire prendre en charge par sa seconde épouse résidant en Turquie. Il est revenu en France en 2000 où vit toute sa famille proche, dont une partie a la nationalité française et n’a plus qu’une belle-mère et une demi-soeur dans son pays d’origine. Dans ces circonstances particulières, la mesure de reconduite à la frontière porte atteinte au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 248111

PREFET DE LA HAUTE-SAONE
c/ M. G.

M. Courson
Rapporteur

M. Stahl
Commissaire du gouvernement

Séance du 15 janvier 2003
Lecture du 12 février 2003

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 1ère et 2ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 1ère sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête, enregistrée le 24 juin 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-SAONE ; le PREFET DE LA HAUTE-SAONE demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler le jugement du 10 mai 2002 par lequel le président du tribunal administratif de Besançon a annulé son arrêté du 30 avril 2002 décidant la reconduite à la frontière de M. Bilgehan G. et fixant la Turquie comme pays de renvoi ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. G. devant le tribunal administratif ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales,

Vu l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Courson, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par M. G. ;

Considérant qu’aux termes de l’article 12 bis de l’ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : " (...) 7° A l’étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n’entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d’autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus " ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que M. G., de nationalité turque, est né en France en 1977 où il a vécu jusqu’à l’âge de 12 ans ; qu’après le décès de sa mère, son père qui réside régulièrement en France s’est trouvé dans l’obligation de le faire prendre en charge par sa seconde épouse résidant en Turquie ; qu’il est revenu en France en 2000 où vit toute sa famille proche, dont une partie a la nationalité française ; qu’il n’a plus qu’une belle-mère et une demi-soeur dans son pays d’origine ; que, dans ces circonstances particulières, la mesure de reconduite à la frontière prise à l’encontre de M. G. porte au droit de celui-ci au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que le PREFET DE LA HAUTE-SAONE n’est, par suite, pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Besançon a annulé son arrêté du 30 avril 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de M. G. et fixant la Turquie comme pays de renvoi ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner l’Etat à payer à M. G. la somme de 760 euros qu’il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête du PREFET DE LA HAUTE-SAONE est rejetée.

Article 2 : L’Etat versera à M. G. une somme de 760 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA HAUTE-SAONE, à M. Bilgehan G. et au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

 


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