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Ordonnances : signature et nature

Par Anne-Marie LE POURHIET
Professeur à l’Université Rennes 1

Dans sa circulaire de Février 1999 publiée au N° 15 de la lettre de l’AFDC, notre chef d’atelier, Dominique Rousseau, nous invite « à partir du postulat qu’une controverse implique que le texte constitutionnel n’énonce pas clairement une norme ».

Dans sa circulaire de Février 1999 publiée au N° 15 de la lettre de l’AFDC, notre chef d’atelier, Dominique Rousseau, nous invite « à partir du postulat qu’une controverse implique que le texte constitutionnel n’énonce pas clairement une norme ». La notion de clarté d’une norme étant cependant elle-même sujette à controverse, je serai peut-être plus réservée que lui sur cette définition, d’autant qu’il m’a souvent paru que les constitutions sont plus claires que les acteurs politiques, les juges, ou les juristes, qui s’attachent parfois à les obscurcir.

 Quoiqu’il en soit, ce que souhaite, en revanche, très clairement notre chef d’atelier, c’est que les intervenants ne cherchent pas à savoir qui, dans la controverse, a tort ou a raison, mais qu’ils concentrent leur analyse sur les méthodes d’interprétation et d’argumentation, explicites ou implicites, utilisées par les protagonistes. N’étant pas, comme chacun sait, d’un naturel docile, je ne suis pas sûre, cependant, de résister totalement à le tentation de décerner un prix d’interprétation … essentiellement masculine car la parité n’est pas encore observable dans les controverses constitutionnelles.

 Ayant choisi le thème des ordonnances avant d’avoir lu le règlement d’atelier, j’avoue avoir éprouvé ensuite quelques regrets car il est certain que, sur le thème de la signature des ordonnances, Michel Troper avait déjà procédé à une excellente analyse de ce type dans la revue Pouvoirs en 1987(2) . Il est toutefois possible d’y apporter aujourd’hui quelques éléments supplémentaires, résultant d’une évolution de la conjoncture politique, et notamment d’une certaine accoutumance aux cohabitations et au phénomène d’essuie-glaces des alternances françaises.

 Mais outre cette controverse célèbre, parce que très politisée et médiatisée, sur la question de la signature (I), est aussi apparu un embryon de controverse, plus discret et en vérité avorté, concernant, cette fois, la nature des ordonnances et donc la juridiction compétente pour en connaître (II).
 

 I. LA SIGNATURE DES ORDONNANCES
 
On ne rappellera pas ici les faits bien connus qui ont conduit au développement de la controverse durant l’année 1986. 

Le premier caractère observable est que la dispute s’est essentiellement déroulée dans des quotidiens d’information politique et générale (notamment Le Monde et Le Figaro) et fût surtout le fait de professeurs de droit public (3).

Ce phénomène n’est nullement original puisqu’on le retrouve chaque fois que l’actualité politique soulève une question juridique brûlante, les spécialistes voulant alors chacun apporter immédiatement et publiquement leur réponse à la question posée. La conséquence de la précipitation fébrile à vouloir « dire le droit » aux médias et à l’opinion publique, dans des articles de presse par définition plus courts et concis que ceux des revues spécialisées, est parfois un manque de recul et de réflexion entachant lesdits articles de quelques insuffisances ou lacunes qui génèrent la riposte immédiate d’un autre spécialiste et nourrissent ainsi un effet de spirale qui fait enfler la controverse.

On observe aussi, parfois, dans ce type de mêlées juridico-médiatiques, quelques « mouches du coche » qui, soit reprennent exactement les mêmes arguments qu’un précédent savant, soit se bornent à rappeler les termes du conflit, sans se prononcer, et en renvoyant aux acteurs politiques ou aux juges le soin de résoudre la devinette. Leur contribution semble alors exclusivement destinée à satisfaire leur ego en plaçant leur signature sous les projecteurs.

Michel Troper avait choisi d’éliminer de son analyse les quelques arguments ouvertement fondés sur la morale politique, pour n’observer que les échanges strictement et apparemment juridiques. Il n’est pas certain cependant que la morale et le droit s’excluent mutuellement car, comme l’avait à juste titre relevé Jean Rivero, s’il fallait ôter du code pénal toutes les infractions que la morale ou la religion qualifient de fautes ou de péchés, il n’y resterait plus grand-chose. Je ne négligerai donc, en ce qui me concerne, aucun des arguments qui furent échangés par les protagonistes.

Globalement, ceux-ci se sont divisés en trois grandes catégories : les partisans de l’obligation présidentielle de signer toutes les ordonnances, ceux pour lesquels le président n’est jamais tenu de signer, et enfin ceux pour lesquels « ça dépend » soit de la nature des griefs présidentiels contre l’ordonnance (opportunité ou constitutionnalité) soit des domaines d’intervention de l’ordonnance (« domaine réservé  » ou pas).

Le caractère le plus frappant des arguments échangés est leur concentration sur quelques éléments d’interprétation précis et peu nombreux, que chacun accepte ou récuse, tandis que d’autres arguments importants sont curieusement restés absents du débat, mettant ainsi en lumière (ou en veilleuse) des considérations ou stratégies implicites.

A. Les arguments avancés

 Les éléments d’interprétation avancés ont été essentiellement au nombre de huit : l’utilisation par l’article 13 du présent de l’indicatif, l’absence de délai prescrit pour la signature des ordonnances, la comparaison avec la promulgation des lois, la comparaison avec le pouvoir d’exécution des lois, le respect de la volonté parlementaire, le contreseing des ordonnances, la nature de la délibération en conseil des ministres, et le cas d’inconstitutionnalité de l’ordonnance. On évoquera également, pour seule mémoire, une affirmation de l’impossibilité juridique d’adopter des ordonnances organiques, une interdiction morale faite à l’auteur du « coup d’Etat permanent » de se prévaloir d’une lecture présidentialiste de la Constitution, et quelques remarques allusives sur d’éventuelles ordonnances intéressant la défense nationale.

1. Le présent de l’indicatif dans l’article 13

L’indicatif présent a fait l’objet de trois types d’interprétation contraires. Certains n’y ont vu qu’un simple indice peu pertinent et très insuffisant pour conclure à l’obligation présidentielle de signer, Olivier Duhamel qualifiant même cette interprétation grammaticale d’absurde.
D’autres ont curieusement démontré que l’indicatif présent révélait incontestablement une simple faculté de signer, en se fondant sur le refus du général de Gaulle de convoquer une session extraordinaire malgré l’utilisation du présent de l’indicatif dans l’article 29. Jacques Robert a notamment rappelé que le général de Gaulle était « orfèvre en la matière », sans qu’on sache s’il s’agit d’une orfèvrerie en matière de violation ou d’interprétation orthodoxe de la Constitution.

Seul Jacques Larché, président de la commission des lois du Sénat, a vraiment défendu la thèse du caractère impératif de l’indicatif.

On voit donc, dés ce premier exemple, que le même élément, ici grammatical, est interprété dans deux sens totalement contraires.

2. L’absence de délai pour la signature des ordonnances

Cet élément d’interprétation littérale fondée sur la logique a été l’argument principal de la plupart des partisans du pouvoir d’empêcher. Jacques Robert, Jacques Fournier et Maurice Duverger ont ainsi avancé que si le Président est tenu de promulguer les lois c’est parce que la Constitution lui assigne un délai de quinze jours pour le faire, alors qu’elle n’impose, à l’inverse, aucun délai pour signer les ordonnances. Ceci signifierait, a contrario, selon eux, que le Président a toute latitude pour ne pas signer.  Les adversaires de la faculté d’empêcher ne ripostent pas à cet argument. Seul Guillaume Bacot, dans la Revue Administrative, indique qu’il ne voit pas ce que l’existence d’un délai apporte de plus impératif que son absence. Mais aucun des protagonistes n’a songé à analyser la signification profonde de la promulgation.

3. La comparaison avec la promulgation des lois

Outre la question du délai, la référence à l’article 10 a également été utilisée par analogie mais dans deux sens inverses. Pour certains, l’ordonnance intervenant dans le domaine de la loi et étant appelée à acquérir force de loi lors de sa ratification, le Président devrait signer l’ordonnance comme il doit promulguer les lois. C’est donc la similitude qui est retenue. D’autres, au contraire, insistent sur le caractère réglementaire de l’ordonnance qui conduit, selon eux, à distinguer l’obligation de promulguer de la faculté de signer. C’est donc, cette fois, la dissymétrie qui est déduite du même rapprochement.

4. La comparaison avec la signature des décrets

Le rapprochement avec l’article 21 aboutit également à des conclusions contradictoires. 
Jacques Larché s’appuie sur la lettre des articles 13 et 21 pour constater que l’article 13 est une exception au pouvoir réglementaire du Premier ministre. On s’attend donc logiquement à ce qu’il conclue que l’article 13 confie un «  pouvoir » et non un « devoir » réglementaire au chef de l’Etat. Mais il aboutit cependant au résultat inverse en considérant que le Premier ministre étant tenu d’exécuter les lois en vertu de l’article 21, le Président est également tenu de signer les ordonnances et les décrets en vertu de l’article 13. Il semble qu’il y ait là une confusion entre les différents degrés de liaison d’une compétence : être tenu d’agir (compétence liée au premier degré) ne signifie pas être tenu de prendre telle décision déterminée (compétence liée au second degré). Une autorité peut avoir l’obligation d’exercer sa compétence tout en conservant la faculté de choisir le contenu de la décision à prendre. 

Roland Drago défend une position proche de celle de Jacques Larché en la développant davantage, en ce qu’il considère que l’ordonnance étant un acte d’exécution de la loi d’habilitation, le Président est tenu d’exécuter cette loi comme le Premier ministre est tenu d’exécuter toutes les autres.

Jacques Robert considère à l’inverse qu’il n’y a aucune analogie entre les articles 13 et 21, et que si le Premier ministre est tenu d’assurer l’exécution des lois, le Président de la République n’est, en revanche, nullement tenu de signer les ordonnances. Mais il se borne à l’affirmer sans argumenter et conclut « Les deux compétences sont totalement distinctes et se déploient selon des modalités différentes. La compétence du Premier ministre est liée, celle du Président est discrétionnaire ». 

Enfin, Jacques Fournier estime que si l’on admet l’obligation de signer les ordonnances on doit étendre cette obligation aux décrets, ce qui, selon lui, serait «  manifestement contraire à l’esprit de la Constitution ». Aucune explication n’est cependant avancée ni sur la nature de cette contrariété ni sur la définition de l’ « esprit » de la Constitution de 1958, qui a toujours ressemblé, il est vrai, à une auberge espagnole où chacun met ce que bon lui semble.

5. La volonté parlementaire

L’obligation présidentielle de respecter la volonté parlementaire exprimée dans la loi d’habilitation est l’argument le plus important des partisans de la signature obligatoire, qui le rattachent plus ou moins explicitement d’une part à la séparation des pouvoirs, d’autre part à la lettre de l’article 38 visant « le gouvernement pour l’exécution de son programme  ». Le Président qui refuserait de signer une ordonnance s’opposerait donc à la volonté du législateur en s’arrogeant un droit de veto sur la loi d’habilitation, et contreviendrait à la lettre même de l’article 38. Certains développent cette interprétation de façon isolée, Yves Gaudemet la rapproche, quand à lui, de l’article 19 imposant le contreseing du Premier ministre et des ministres responsables sur les ordonnances. Il en déduit donc que la signature présidentielle se résume à une pure formalité d’authentification.

6. Les contreseings de l’article 19

Curieusement, Yves Gaudemet est le seul à citer l’article 19 de la Constitution et à rappeler que « le contreseing du Premier ministre et des ministres transfèrent à ceux-ci la responsabilité de l’acte  ». Il en conclut que la signature est une simple authentification du président du conseil des ministres. Guillaume Bacot approfondit aussi la signification et la portée de la signature mais sans faire référence à l’article 19, rappelant seulement qu’à la façon d’un président de jury signant un procès-verbal, le président du conseil des ministres doit signer les actes qui y sont délibérés sans pouvoir s’y opposer.

 7. La nature de la délibération en conseil des ministres

Plusieurs auteurs se sont interrogés sur la nature et la portée exactes de la délibération en conseil des ministres. Certains l’assimilent à une décision que le président dudit conseil aurait donc le devoir de signer. Bertrand Mathieu rappelle, au contraire, que selon la jurisprudence du Conseil d’Etat, la délibération en conseil des ministres n’est pas un acte exécutoire par lui-même et que seul le décret ou l’ordonnance issu de cette délibération, et revêtu de la signature et des contreseings prescrits constitue un acte administratif. Mais ceci ne préjuge pas, selon lui, du caractère obligatoire ou non de la signature présidentielle.

8. L’inconstitutionnalité de l’ordonnance

La nature des griefs présidentiels contre l’ordonnance constitue le dernier critère utilisé dans la controverse. Certains auteurs ont, en effet, considéré que, quelle que soit la solution retenue pour les ordonnances jugées inopportunes par le Président, il pourrait ou devrait en revanche refuser de signer une ordonnance inconstitutionnelle. 

Ainsi, Philippe Ardant n’envisage t-il que cette hypothèse en concluant que « lorsqu’une ordonnance ou un décret n’est pas conforme au texte de 1958 il doit refuser de signer ». De même, invoquant l’article 5, Olivier Duhamel affirme t-il qu’en cas d’ordonnance contraire à la Constitution le Président aurait l’obligation de ne pas signer, tandis qu’il devrait le faire dans le cas contraire. 

Le chef de l’Etat ne pourrait donc, selon ces auteurs, juger de l’opportunité des ordonnances mais seulement de leur régularité juridique. Mais ils restent cependant muets sur la manière d’apprécier cette régularité. Quid, par exemple, si l’ordonnance respecte les directives d’interprétation données par le Conseil Constitutionnel dans sa décision sur la loi d’habilitation, mais que le «  garant » de la Constitution rajoute des exigences à celles du juge ou même se livre à une interprétation en contradiction avec la sienne ? Quid, encore, lorsque face à des directives jurisprudentielles assez floues, le Président conclut à une inconstitutionnalité là où on pouvait conclure à l’inverse ? D’autre part le rôle de garant ainsi invoqué suppose que le Président ait été élu pour exercer un rôle d’arbitre et qu’il se comporte comme tel. Mais peut-on reconnaître un rôle de juge constitutionnel « en second » au capitaine d’une équipe vaincue ou victorieuse, de telle sorte que l’interprète soit à la fois juge et partie ? 

Tous ces questionnements  sont laissés de côté par les partisans du refus partiel ou total de signer, de telle sorte que les participants à la controverse soulèvent, en général, plus de questions qu’ils n’en résolvent. 

Mais, comme chacun sait, l’analyse d’un discours ou d’une controverse serait incomplète si elle ne portait que sur ce qui est dit, car plus éloquents que les paroles sont souvent les silences.

Or, la controverse sur la signature des ordonnances fait justement apparaître chez la plupart des protagonistes, quelle que soit la solution qu’ils préconisent, des non-dits, c’est à dire des arguments absents alors qu’ils auraient pourtant permis d’appuyer pertinemment leurs interprétations respectives. 

B. Les arguments délaissés

Plusieurs types d’argumentations auraient pu venir utilement au secours des protagonistes, qu’ils soient partisans de l’obligation ou du refus de signer, mais ont été curieusement délaissés.

1. Pour la faculté d’empêcher

En faveur d’une compétence présidentielle discrétionnaire, il était possible d’invoquer un autre et solide argument de texte.

 La faculté présidentielle d’empêcher pouvait trouver un appui sérieux sur l’article 21 de la Constitution, en l’utilisant différemment de ce qui a été fait. On pouvait, en effet, arguer que les articles 13 et 21 forment un couple fondé sur un système de vases communicants entre les compétences normatives du Président de la République et celles du Premier ministre. « Sous réserve des dispositions de l’article 13, il exerce le pouvoir réglementaire… » signifie qu’en signant les ordonnances et les décrets le chef de l’Etat exerce bel et bien un « pouvoir » réglementaire lui laissant donc le choix d’adopter ou non tel ou tel projet d’ordonnance ou de décret. Une telle interprétation, purement littérale, fait évidemment fi de la signification politique et parlementaire du contreseing, mais d’autre arguments grammaticaux moins sûrs ayant été utilisés, on comprend difficilement que celui-là ne l’ait pas été.

2. Pour l’obligation de signer

En faveur de l’obligation de signer, on pouvait recourir très utilement aux méthodes comparative et historique, pourtant singulièrement absentes de la controverse, hormis dans l’évocation de l’article 19 par Yves Gaudemet.

 On sait que dans tous les régimes parlementaires contemporains, qu’il s’agisse de monarchies constitutionnelles ou de républiques, quand la Constitution dit « le Roi » ou « le Président de la République  », il faut lire en réalité « le Gouvernement  » ou son chef. Cette grille de lecture est elle-même imposée par un seul article de la Constitution, celui qui prévoit le contreseing des actes du chef de l’Etat par les ministres. La compétence normative suit ainsi la responsabilité politique : le véritable décideur, celui qui a seul pouvoir de choisir la décision, est celui qui en est responsable. Le chef d’Etat parlementaire étant irresponsable, les pouvoirs que lui confèrent le texte ou la coutume sont donc purement théoriques et nominaux. En conséquence de quoi, tous les actes du Président de la Vème République soumis aux contreseings de l’article 19 relèvent en réalité de la compétence effective du Gouvernement, le chef de l’Etat ayant pour seule mission et obligation de les authentifier par l’apposition de son seing officiel.

 La France n’est pas le seul pays européen à connaître des délégations du pouvoir législatif à l’exécutif, mais elle est le seul où se pose la question de savoir si le chef de l’Etat peut ou non refuser sa signature à une décision gouvernementale. Or, il est frappant de constater qu’aucun des adversaires du pouvoir d’empêcher n’ait songé à faire état du fait que le Grand-Duc du Luxembourg, le Président de la République italienne, le Roi de Norvège ou celui de Belgique signent également des décrets législatifs sans que la question (saugrenue) d’un éventuel refus de signer ne se pose, tandis que, depuis la crise de Mai 1877, le Président de la République française a toujours été considéré comme tenu de signer les actes soumis au contreseing.

 L’interprétation historique et comparative avait de plus à son appui la lettre non seulement de l’article 38, mais encore de l’article 20 indiquant «  le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation », qui est aussi singulièrement restée absente du débat. 

3. Les travaux préparatoires de la Constitution, enfin, ont été également complètement ignorés par les protagonistes, bien qu’ils contiennent quelques indications, il est vrai très ambiguës, sur la question posée (4). Les discussions sur les futurs articles 13 et 21 de la Constitution ont, en effet, été prioritairement tournées vers le pouvoir de nomination qui préoccupait essentiellement les acteurs, de telle sorte que le traitement du pouvoir réglementaire a suivi celui du pouvoir de nomination sans avoir fait l’objet d’un débat propre. Il semble qu’il y ait eu une hésitation, lors de l’élaboration de la Constitution, entre le souci de faire pencher le pouvoir vers l’Elysée ou, au contraire, vers Matignon. L’avant-projet de Constitution préparé à la mi-Juin 1958 par Michel Debré prévoyait : «  Le pouvoir réglementaire appartient au Premier ministre », tandis que le projet du 23 Juin 1958 indiquait : « Le Président de la République signe les ordonnances et les décrets. Il peut déléguer ce pouvoir au Premier ministre ». Le texte a ensuite oscillé entre plusieurs tournures légèrement différentes avant d’aboutir à la rédaction définitive. Si, de bonne foi, on ne peut donc objectivement retirer aucun indice certain de cette partie des travaux, il eût cependant été possible aux adversaires de la faculté d’empêcher de replacer la discussion sur les articles 13 et 21 dans le débat sur le contreseing des actes présidentiels. Celui-ci ne laissait en effet pas beaucoup de doutes sur le sens à lui accorder puisqu’il a été clairement affirmé et admis, devant le Conseil d’Etat, que le décret de dissolution de l’Assemblée Nationale ne devait surtout pas être contresigné pour lui conserver son caractère d’arbitrage présidentiel et ne pas transférer ce pouvoir au Premier ministre (5). 

On constate donc que l’ensemble des participants à la controverse a utilisé quelques éléments d’interprétation grammaticale, analogique ou fonctionnelle, mais laissé de côté tant la méthode historique que la technique comparative, tout en négligeant aussi d’autres arguments de texte. C’est donc cette sélection étroite des types d’argumentation qui conduit à s’interroger sur les présupposés  éventuels des protagonistes. 

 Les présupposés politiques, au sens partisan du terme, de certains auteurs n’ont évidemment échappé à personne, soit qu’on les connaisse à l’avance, soit qu’on les devine au quotidien choisi pour s’exprimer, soit encore qu’ils apparaissent clairement dans les failles de l’argumentation. Ces présupposés devaient logiquement conduire les juristes « de gauche » à défendre le pouvoir d’empêcher du Président Mitterrand, et les juristes « de droite » à refuser le blocage du programme de Jacques Chirac.
 L’analyse des argumentations échangées ne me paraît cependant pas se résumer à cette opposition. Dans son article de la revue Pouvoirs, Michel Troper avait minimisé les présupposés d’ordre constitutionnel opposant les « présidentialistes » aux « parlementaristes  » au motif que, parmi les partisans de l’obligation de signer les ordonnances on repérait des partisans du régime présidentiel. Pour ma part, je crois, au contraire, que ce présupposé-là est omniprésent dans la controverse mais qu’il l’est de manière uniforme c’est à dire que tous les protagonistes sont en réalité  imprégnés d’un assez fort préjugé « présidentialiste  ».

 La situation politique en 1986 est telle que c’est l’auteur du « coup d’Etat permanent » qui se trouve assis dans le fauteuil présidentiel et qui a donc apparemment et paradoxalement intérêt à défendre le pouvoir élyséen, tandis que c’est l’héritier du gaullisme qui se trouve à Matignon et devrait logiquement défendre la seule volonté parlementaire. Mais, il est aussi déjà largement perceptible que le pourfendeur de la dérive présidentialiste gaullienne a finalement trouvé le costume du Général confortable, tandis que l’occupant de Matignon ne désespère pas de l’essayer « dans deux ans ». Aucun des deux cohabitants ne souhaite donc voir tomber définitivement la fonction présidentielle dans le fameux « pouvoir neutre » de Benjamin Constant, puisque chacun entend bien trouver (ou retrouver) tôt ou tard, à l’Elysée, le rôle du capitaine plutôt que celui de l’arbitre. Et cette ambiguïté des deux acteurs se retrouve évidemment chez leurs « supporters » juristes. Les juristes de droite ont sans doute un intérêt immédiat à prôner l’obligation de signer, mais, ce faisant, ils s’engagent à adopter la même interprétation si la situation venait un jour à s’inverser. Les juristes de gauche, quand à eux, sont encore plus mal à l’aise : en tant qu’hommes de gauche ils souhaitent, dans l’immédiat, défendre les prérogatives de François Mitterrand, tout en sachant aussi que si la situation s’inverse ils seront piégés par leur prise de position actuelle, mais, en tant que juristes scientifiques il leur est quand même plus difficile qu’au chef de l’Etat de «  tourner leur veste » spectaculairement sur la critique de la dérive présidentialiste du régime. 

 En tout état de cause, cependant, il faut bien reconnaître que toute une génération de constitutionnalistes, de gauche comme de droite, semble avoir largement accepté ladite présidentialisation, comme en témoignent aussi bien les manuels de droit constitutionnel que les articles de doctrine, ou les différents colloques, d’où la signification, voire la seule évocation, du contreseing tend souvent à disparaître ou à être marginalisée. Il n’est ainsi pas rare de lire dans des manuels de première année que le contreseing signifie « pouvoir partagé » c’est à dire co-décision alors que ce n’est pas le sens qu’il convient théoriquement de lui donner dans un régime parlementaire moderne. Mais il faut convenir que ce type de préjugé présidentialiste est, à vrai dire, omniprésent dans toutes les grandes controverses de la Vème République concernant, notamment, la durée du mandat présidentiel ou la responsabilité pénale du chef de l’Etat.

 C’est sans doute ce type de présupposés qui explique les retenues et réticences des participants à la controverse à aller au bout de leur logique respective en invoquant des arguments « lourds » qui les auraient immanquablement conduits à reposer globalement la question de la nature du régime. On ne saurait évidemment se voiler la face sur le fait que la question de la signature des ordonnances est inséparable de celle, plus large, du choix entre un régime parlementaire moniste où « le Roi règne mais ne gouverne pas », et un régime parlementaire dualiste où «  le trône n’est pas un fauteuil vide ». Dans la RFDA de 1987 Louis Favoreu écrit : « Lorsque que Gouvernement et Président de la République sont en harmonie, on peut penser que le programme du Gouvernement est aussi celui du Président de la République ; mais, au cas contraire, l’exigence de l’autorisation (présidentielle) d’exécution d’un programme n’a plus grand sens sauf à admettre qu’une double autorisation est nécessaire (de la part du Parlement et de la part du Président ) » (6). Cette notion de « double autorisation » qui résulterait effectivement de l’admission d’un droit de veto présidentiel sur les ordonnances, découle de celle de « double confiance » sur laquelle repose le parlementarisme orléaniste. C’est donc bien là que se situe encore tout le débat, mais il semble que les « controversants » sur la signature n’aient surtout pas voulu le redéployer dans son amplitude.

 Pour les partisans de l’obligation de signer, les arguments tirés des articles 19 et 20 de la Constitution, rapprochés de l’histoire constitutionnelle (notamment les expériences de Charles X et Mac Mahon) et du droit comparé, auraient sans doute été trop forts car susceptibles de remettre en cause toute l’évolution du régime. Pour les partisans du droit de veto, le rapprochement pertinent des articles 13 et 21 pour reconnaître pleine compétence normative au Président de la République, emportant avec lui tous les décrets réglementaires et de nomination délibérés en conseil des ministres, risquait aussi de les entraîner sur une pente trop glissante dans un contexte ambigu. C’est sans doute ce qui explique que la plupart des protagonistes se soit concentrée sur des arguments étroits (voire même mesquins comme celui du présent de l’indicatif) et assez faibles, comme s’ils avaient eu peur d’utiliser des méthodes d’interprétation qui, pour être plus convaincantes et efficaces, n’en auraient pas moins eu des répercussions beaucoup plus larges et, partant, plus compromettantes pour leurs présupposés partisans et/ou constitutionnels. 
 On doit encore ajouter une éventuelle réserve purement pratique à ces observations. S’étant essentiellement déroulée dans la presse écrite la controverse n’a peut-être pas non plus permis aux protagonistes de défendre des raisonnements très amples et développés, dans des articles que la rédaction des journaux souhaite généralement courts et concis. Il arrive même que les rédactions suppriment quelques phrases ou petits paragraphes à l’insu des auteurs, ce qui peut (aux yeux du juriste à défaut du journaliste) altérer quelque peu la qualité et la logique de la démonstration. On ne peut donc négliger l’éventualité de ce type de contraintes concrètes dans l’analyse de la controverse. 

 Quand à la question particulière du refus de signer seulement les ordonnances  inconstitutionnelles, il semble qu’elle ait trouvé un commencement de réponse, prudente et implicite, dans les décisions du Conseil Constitutionnel des 25-26 Juin 1986 et 1er-2 Juillet 1986. En effet, le Conseil y fait une allusion inhabituelle et appuyée à l’article 13, laissant entendre que le juge constitutionnel fait peut-être « du pied » au Président de la République pour l’inviter à refuser de signer les ordonnances qui seraient contraires à ses directives d’interprétation et d’application. La formule est sans doute trop allusive pour qu’on puisse en dégager une conclusion certaine, d’autant qu’elle soulèverait de difficiles problèmes. S’il peut y avoir des cas, en effet, où l’ordonnance est manifestement inconstitutionnelle et où l’on est donc certain que le Président ne se tromperait pas beaucoup en la sanctionnant, il en est d’autres où, compte tenu de la délicatesse de la vérification, l’appréciation présidentielle serait sujette à caution, et où il serait préférable de signer en s’en remettant à d’éventuels recours devant le juge ordinaire.

 Ceci nous amène donc à examiner une autre controverse, plus discrète et moins politisée, concernant la nature des ordonnances et donc le juge compétent pour en connaître.

 II . La nature des ordonnances

 Ici, point de joutes dans la grande presse ni de titres péremptoires du type «  Il doit » ou « Il peut », mais plutôt une querelle de chapelle qui rappelle de grands débats de la IIIème République, à cette différence prés que c’est un présupposé juridictionnel plutôt que juridique qui semble vouloir ranimer la dispute.
 Les ordonnances ont-elles une nature législative ou réglementaire ? Leur contrôle devrait-il relever du Conseil Constitutionnel ou du Conseil d’Etat ? On devine déjà, à la seconde question, que le doyen Favoreu est sûrement partie à la controverse qui apparaît effectivement dans son article publié à la RFDA de 1987, intitulé  : « Ordonnances ou réglements d’administration publique ? La destinée singulière des ordonnances de l’article 38 de la Constitution ».

 A vrai dire, je ne suis pas certaine qu’il s’agisse d’une controverse au sens où l’entend notre chef d’atelier, en ce sens que la tonalité irritée et un peu agressive adoptée par le doyen Favoreu dans son article semble s’adresser au Conseil d’Etat et à « la plupart des auteurs », mais cette dernière n’a manifestement pas souhaité rentrer dans la polémique, de telle sorte que l’on assiste à une sorte de controverse en solo. C’est prés de dix plus tard que le duel vinaigré prend corps entre Louis Favoreu et Pierre Delvolvé, dans la même revue, mais s’il naît à l’occasion du contrôle d’une ordonnance par le Conseil d’Etat, il ne porte cependant plus sur ce contrôle lui-même mais sur la place des principes généraux du droit dans la hiérarchie des normes (7) qu’on laissera donc ici de côté.

 Le doyen Favoreu introduit son offensive contre les ordonnances en indiquant : « La question des ordonnances est aujourd’hui l’une des plus complexes et des plus confuses qui soient. Ceci ne transparaît pas généralement chez la plupart des auteurs qui, campant encore une fois sur des positions  acquises au début des années 60, sont persuadés que la Constitution et le droit constitutionnel sont restés tels qu’ils étaient il y après de trente ans », et il ajoute que, justement, la querelle de la signature aurait masqué le débat de fond sur l’exercice du pouvoir normatif.

 L’auteur accuse le Conseil d’Etat d’avoir, en 1961, « entendu la cause avant qu’elle ne soit plaidée » en assimilant les ordonnances aux anciens décrets-lois, c’est à dire en qualifiant l’ordonnance non ratifiée d’acte administratif et en acceptant d’en connaître. Par voie de conséquence tous les juristes qui ne trouvent rien à redire à cette solution jurisprudentielle se trouvent suspectés de soixantardisme rétrograde. A plusieurs reprises Louis Favoreu prêche ainsi en faveur du caractère législatif des ordonnances qui auraient du, selon lui, échapper au contrôle du Conseil d’Etat. Ce contrôle est de surcroît qualifié de pur mythe par l’auteur, au motif qu’il n’aurait porté que sur trois ordonnances adoptées entre 1960 et 1967.
 Le doyen admet cependant que « selon l’interprétation que l’on fait du texte (de l’article 38) on peut y voir un acte législatif ou un acte réglementaire  », mais trouve des contradictions dans la jurisprudence qui tantôt semble prêter à l’ordonnance les caractères de la loi, tantôt ceux d’un acte réglementaire, et qualifie ce régime de « byzantin ».

 Le problème est que l’enjeu de la critique n’apparaît pas clairement, car son auteur n’indique nulle part s’il considère que l’ordonnance ne devrait faire l’objet d’aucun contrôle juridictionnel, ou si le Conseil d’Etat aurait du s’abstenir de « s’attribuer » cette compétence pour l’abandonner à un autre juge, et, dans ce cas, lequel.

 L’ordonnance est par nature un acte mixte, matériellement législatif et organiquement administratif, et son régime contentieux implique effectivement de choisir lequel des deux critères sera déterminant pour son contrôle. Cette question n’est pas nouvelle puisqu’elle avait animé de très importants débats sous la IIIème République, au sujet de la contestabilité des règlements d’administration publique. Ceux-ci étaient en effet, à l’époque, considérés comme émanant d’une délégation du pouvoir législatif et participant donc de la nature de la loi elle-même. Il en résultait que le recours pour excès de pouvoir était irrecevable contre ces règlements,  ainsi assimilés aux lois elles-mêmes. Cette assimilation était cependant apparue comme abusive à une partie de la doctrine qui s’inquiétait de ce que des actes normatifs généraux  pris par l’autorité exécutive ne puissent faire l’objet d’aucun contrôle. La doctrine se scinda alors en deux camps : les auteurs fidèles à l’idée de délégation continuèrent d’approuver l’irrecevabilité du recours (8), tandis que d’autres, abandonnant l’idée de délégation, se prononcèrent en faveur de sa recevabilité (9). Entre les deux thèses, Félix Moreau défendait une position originale en admettant la recevabilité du recours tout en restant fidèle à l’idée de délégation (10). C’est finalement cette solution médiane qu’a retenue le Conseil d’Etat en 1907, considérant que « si les actes du chef de l’Etat portant règlement d’administration publique sont accomplis en vertu d’une délégation législative (…) ils n’échappent pas néanmoins, et en raison de ce qu’ils émanent d’une autorité administrative, au recours pour excès de pouvoir (11). 

C’est donc le critère organique de l’auteur de l’acte qui emporte son régime contentieux. Le Conseil d’Etat étendra naturellement ensuite cette solution aux décrets-lois et aux ordonnances de l’article 38, ainsi qu’à toutes les décisions de l’exécutif non ratifiées prises dans le domaine de la loi (ordonnances prises sur le fondement de la loi du 3 Juin 1958, puis ordonnances référendaires), à l’exception des cas où la Constitution confère immédiatement force de loi auxdits actes (article 92) et de ceux que le juge administratif s’interdit de connaître au nom de la raison d’Etat (décisions de l’article 16), ou encore faute de normes de référence efficaces ( actes dits lois de Vichy, ordonnances du CFLN et du GPRF).
Louis Favoreu n’invoque cependant aucun argument en faveur de la soustraction des ordonnances non ratifiées au contrôle du Conseil d’Etat. Il juge qu’il eût été plus simple de leur reconnaître tout de suite un caractère législatif, mais sans indiquer sur quel fondement le juge administratif aurait pu décliner sa compétence.

Les arguments de texte ne manquent pas en faveur du contrôle du Conseil d’Etat, mais ils ne sont pas discutés par l’auteur de la controverse. Les ordonnances de l’article 38 ont bien valeur législative en ce sens qu’elles peuvent modifier et abroger les lois en vigueur, sauf à respecter une seule loi : la loi d’habilitation. Mais l’article 38 ne leur reconnaît nullement force de loi dés leur signature comme le faisait l’article 92. Seule la ratification parlementaire implicite ou explicite peut donc leur conférer une telle force et les soustraire au contrôle du juge ordinaire. En outre, l’article 61 de la Constitution ne permet aucune équivoque sur l’incompétence du Conseil Constitutionnel pour connaître directement des ordonnances. Enfin, l’ordonnance du 31 Juillet 1945 confiant au juge administratif le contrôle des actes « des autorités administratives », ne permettait guère au Conseil d’Etat de consacrer un soudain déni de justice à l’égard de décisions que seule leur mention expresse dans la Constitution distingue des anciens décrets-lois. A moins donc de considérer qu’une absence de contrôle des ordonnances non ratifiées eût constitué un progrès de l’Etat de droit, on voit mal ce que Louis Favoreu reproche exactement à la solution du Conseil d’Etat et à son approbation par la doctrine et le Conseil Constitutionnel, puisqu’il ne développe réellement aucune interprétation contraire.

Mais comme la controverse sur la signature a fait apparaître les présupposés « constitutionnels » des auteurs, il semble que la controverse sur la nature révèle le présupposé «  juridictionnel » de son initiateur. Le secret désir non pas de constitutionnalisation des ordonnances, au sens de soumission de celles-ci à la Constitution, mais plus encore de contrôle exclusif de celles-ci par le Conseil Constitutionnel, seul habilité par Louis Favoreu à mériter le label de juge constitutionnel, semble avoir motivé sa mauvaise humeur à l’égard d’un juge administratif et d’une doctrine accusés d’ignorer les innovations constitutionnelles. 

Comme la querelle sur la signature des ordonnances camouflait maladroitement un procès Elysée v. Matignon, la controverse isolée sur leur nature semble faire apparaître un procès Conseil Constitutionnel v. Conseil d’Etat, mais dans lequel l’avocat du premier ne formule pas explicitement ses prétentions.
 

En conclusion, quelle que soit l’exactitude (sûrement très discutable) de mon «  interprétation des interprétations », je tiens à remercier Dominique Rousseau de nous avoir invité à un exercice inhabituel et ludique de psychanalyse doctrinale et de sondage des penchants de nos collègues. Souhaitons que cet atelier soit de nature à inciter les chercheurs à approcher une discipline encore peu prisée des publicistes français : la sociologie du droit (12).
 

Notes de bas de page  :

1) Ce texte est issu d’une communication présentée au IVème congrés français de droit constitutionnel, Aix-en-Provence, 10,11 et 12 Juin 1999, Atelier n°3 : Contoverses constitutionnelles

2) « La signature des ordonnances – Fonctions d’une controverse », Pouvoirs, n°41, 1987, p.76

3) on trouvera la liste des principales contributions à la controverse, sur la période 1986-1987, à la fin de cette étude

4) Documents pour servir à l’histoire de l’élaboration de la Constitution du 4 Octobre 1958, Volumes 1 et 3, La documentation française

5) Documents pour servir…Volume 3, p. 80

6) Ordonnances ou règlements d’administration publique ? La destinée singulière des ordonnances de l’article 38 de la Constitution, RFDA, 1987, n°5, p.696

7) RFDA, 1996, n° 5

8) notamment Laferrière et Aucoc

9) notamment Esmein, Berthelemy, Duguit et Carré de Malberg

10) Le règlement administratif, Paris, 1902, p.291

11) CE – 6 Décemre1907 – Cie des chemins de fer de l’Est – D, 1909, III, p. 57, concl. Tardieu

12) Liste des principales contributions à la controverse étudiée :
- Ph. Ardant, L’article 5 et la fonction présidentielle, Pouvoirs, n°41, 1987, p. 40
- G. Bacot, La signature des ordonnances, Revue administrative,1986, p. 453
- Ch. Debbasch, La vertu faussement outragée, Le Figaro, 1er Avril 1986
- O. Duhamel, Ordonnances  : signer ou ne pas signer ? Le Monde, 12 Avril 1986
- R. Drago, Mitterrand commet un abus de pouvoir, Le Figaro, 16 Juillet 1986. 
- M. Duverger, Le Président de la République n’est pas obligé de signer, Le Monde, 22 Mars 1986
- L. Favoreu, La politique saisie par le droit, Economica, p. 123 et « Contradictions », Le Monde, 22 Juillet 1987
- P. Ferrari, Le Républicain lorrain, 25 Avril 1986
- J. Fournier, Politique gouvernementale : les trois leviers du Président, Pouvoirs, n°41, 1987, p.67
- Y. Gaudemet, Le Président est tenu de signer, Le Monde, 18 Avril 1986
- Léo Hamon, La Croix, 23 Avril 1986
- J. Larché, Le Président de la République est tenu de signer les ordonnances, Le Monde, 29 Mars 1986 et Le Quotidien, 3 Avril 1986
- B. Mathieu, Les rôles respectifs du Parlement, du Président de la République et du Conseil Constitutionnel dans l’édiction des ordonnances, RFDA, 1987, n°5, p.700
- B. Pecquerie, Le Matin, 11 Avril 1986
- O. Pignon, Le Figaro, 11 Avril 1986 
- J. Robert, M. Mitterrand peut refuser de signer, Le Monde 18 Avril 1986

© - Tous droits réservés - Anne-Marie LE POURHIET - 24 octobre 2000

 


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