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Le principe de précaution, outil effectif du processus de décision publique

Par Zia OLOUMI
Docteur en droit Avocat à la Cour au Barreau de Paris

Le principe de précaution s’adresse particulièrement au décideur public garant de l’intérêt général et capable d’assurer une gestion du risque à long terme. Son incidence sur la décision publique ne peut pas seulement se mesurer au regard de réformes institutionnelles et procédurales. Il ne nécessite pas simplement que soit corrigé le rôle des acteurs de ce circuit de décision, mais exige une refonte des mécanismes même de ce dernier. Il rend nécessaire l’introduction de la réflexion éthique dans une situation d’incertitude, au cœur de l’élaboration de la décision publique. A travers son contrôle de la légalité administrative, le juge apparaît comme le garant naturel de l’application du principe en amont de la prise de décision. Ainsi, le principe nécessite que le processus décisionnel soit quasi-permanent et réduise le caractère technocratique de la décision publique. En cela, le principe de précaution, se présente surtout comme un enjeu démocratique et de transparence. L’évolution actuelle du droit français vers une reconnaissance constitutionnelle du principe de précaution le placerait au sommet des normes de droit interne. Dès lors, on peut espérer une meilleure définition du champ d’application et du contenu du principe par le Conseil constitutionnel afin que sa généralisation ne paralyse pas l’action administrative. Une telle reconnaissance ouvrirait le chemin à une meilleure intégration dans la politique publique de la prise en compte de l’incertitude et du long terme, conformément aux exigences du développement durable.


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Comme le souligne un rapport public récent, la gestion du risque ne concerne pas seulement le décideur privé [1]. Bien au contraire, les personnes publiques jouent un rôle de plus en plus important à mesure que les risques sont assumés par le plus grand nombre de citoyens. Par personne publique il faut entendre les institutions politiques et administratives de l’Etat et des collectivités territoriales ainsi que de l’Union européenne. La prise de décision publique se fait au moyen de normes générales et impersonnelles, des décisions individuelles, en droit communautaire (règlements, directives et décisions) comme en droit interne (lois et divers actes administratifs). Il s’agit surtout des actes administratifs unilatéraux et des décisions de la Commission des Communautés européennes. Une série de questions se posent quant à la prise en compte des risques dans la rédaction de tels actes. Dans quelle mesure l’apparition de nouveaux risques affecte-t-elle les modalités de la prise de décision publique ? Quelles seraient alors les incidences du principe de précaution, concept aujourd’hui galvaudé et parfois utilisé à tort, sur les modalités de cette prise de décision ?

Le modèle classique de la gestion de risque reposait jusqu’à présent sur les deux caractéristiques principales suivantes. D’une part, il était fondé sur des justifications essentiellement scientifiques et la figure de l’expert, du sage, était celle du « conseiller du Prince ». D’autre part, il n’existait pas de séparation nette entre expertise et décision. Celle-ci ne faisant pas l’objet de transparence dans la mesure où les citoyens n’étaient censés intervenir que comme « récepteurs » d’information. La décision publique était donc légitimée par l’expert dont l’avis était fondé sur des certitudes.

Or, de nos jours, c’est l’incertitude qui caractérise le progrès scientifique. Confrontée aux incertitudes, les experts, savants ou sages, ne possèdent pas tout le savoir scientifique des effets futurs des actions présentes. Les décideurs évoluent dans un environnement marqué par la controverse. Alors qu’ils disposent de connaissances incomplètes marquées par l’incertitude les pouvoirs publics doivent paradoxalement prendre des décisions rapides. L’attente de sécurité et de transparence des citoyens, incite les décideurs à l’action pour légitimer leurs décisions et les faire accepter par le corps social. Dès lors, le juriste se doit de fixer le cadre dans lequel se place le processus décisionnel pour gérer l’incertain. Cette nouvelle situation nécessiterait-elle une révision des procédures d’instruction de la décision publique ? Si c’est bien l’incertitude qui justifie l’application d’un principe de précaution, il s’agit de savoir si ce principe imposerait le renouvellement des modes de décisions ou ne serait-il finalement qu’un avatar du principe de prévention, déjà prise en compte par le droit notamment d’assurance ?

Ce qui apparaît évident, c’est que le modèle classique - à savoir, une décision publique légitimée parce que fermement appuyée sur des experts sûrs de leurs connaissances - doit évoluer vers un nouveau régime. Il s’agit désormais de gérer des crises compliquées par un climat de controverses entre experts de divers bords. Le décideur se doit donc de légitimer sa décision d’une autre manière et rechercher autrement le consensus nécessaire des personnes concernées. Le nouveau modèle devra donc distinguer nettement les trois phases nécessaires à la prise de décision : l’évaluation des risques fondée sur des connaissances scientifiques, la gestion des risques s’appuyant sur des données technico-économiques et la communication et l’information du public. Ce nouveau régime est caractérisé par l’introduction des principes d’indépendance (de l’expertise à l’égard des groupes industriels privés), de transparence, de démocratie participative, par une organisation de l’expertise en comités, par la séparation nette entre l’évaluation scientifique des risques et la gestion des risques, et enfin par la traçabilité et la vigilance.

Précisément, le « principe de précaution » est un concept phare de ce changement de mentalités. Il s’adresse à des situations où le décideur dispose de connaissances incomplètes marquées par l’incertitude et où il est nécessaire malgré tout de gérer un risque sur le long voire le très long terme (risque de développement). C’est donc d’une révolution, du moins d’une adaptation, comportementale qu’il s’agit : savoir décider et agir même sans preuve. On a pu parler à ce sujet de « l’extension d’une action publique probabiliste » [2].

Dans sa définition issue de la loi Barnier de 1995 (articles L. 200-1 et L. 200-2 du Code rural) et intégrée désormais sous l’article L. 110-1 du Code de l’environnement, il est le principe selon lequel :

« l’absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l’adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l’environnement à un coût économiquement acceptable ».

Dès lors, il faut distinguer le principe de précaution avec les notions voisines comme le devoir de prudence ou la prévention. Le principe de précaution s’adresse à des situations particulières et nécessite deux conditions cumulatives : 1) « l’absence de certitudes » et 2) l’existence d’un « risque de dommages graves et irréversibles ».

Au moment de son introduction, le principe de précaution était présenté comme un principe d’orientation politique. Il a pour rôle d’éclairer la décision publique dans une situation marquée par l’incertitude. Ce qui implique un renouveau du processus décisionnel vers un plus grand pragmatisme et une plus grande transparence (I). Pour le juge de l’action publique, c’est davantage au moment de l’élaboration de la décision que le principe de précaution intervient. Il s’agit moins d’une règle de sanction a posteriori que d’un principe d’orientation de l’action public. Le juge confirme cette position en confinant son application au contentieux de la légalité. Sans pour autant se substituer à lui, il veille à ce que le décideur public applique le principe dans le processus décisionnel (II). Le principe impose au décideur public de vérifier l’acceptabilité sociale du risque en mettant en place un processus décisionnel ouvert à la participation du public concerné. Il opère un changement dans le processus de décision.

I. - Un outil nécessaire au décideur public confronté à des situations marquées par l’incertitude

La fin des certitudes marque la crise de la modernité. La modernité s’oppose à la société qui prétendait s’organiser conformément à une révélation divine ou à une essence nationale ; c’est au contraire la raison qui devient le seul principe d’organisation de la vie personnelle et collective. Or cette rationalisation suppose la suppression des liens sociaux, des coutumes et des croyances traditionnelles [3]. La règle de droit constitue le moyen rationnel de fonder et mettre en œuvre un ordre social. Le droit moderne reposait sur la figure de l’individu qui accepte la règle de droit à la création de laquelle il a participé selon les voies de la démocratie représentative.

Or la science est parfois incapable de fournir des certitudes. L’idée de rationalité ne suffit dès lors plus à légitimer l’existence de la règle de droit. De nos jours, le progrès scientifique ne s’impose plus d’elle-même mais doit être vérifiée. La modernité est en crise et il s’agit d’envisager la société postmoderne marquée à la fois par l’incertitude et une plus grande prise en compte du très long terme. Face aux controverses qui caractérisent le progrès scientifique, le principe de précaution, qui ne doit pas être confondu avec le principe de prévention, est avant tout un principe d’orientation politique qui fonde la décision publique (A) et implique la mise en place de nouveaux processus de décision garantissant la transparence et permettant la gestion du risque et un mécanisme de veille (B).

A - Un nouveau principe pragmatique d’orientation politique

Malgré une position contraire du Professeur Gilles Martin [4], une lecture rigoureuse des sources juridiques du principe de précaution en droit international, interne ou communautaire, nous permet d’affirmer que le principe de précaution s’impose essentiellement aux décideurs publics. Il est vrai que les personnes privées doivent se conformer à l’exigence générale de protection de l’environnement, mais c’est le plus souvent au nom du principe de prévention et moins en appliquant le principe de précaution qu’elles interviennent. De même, les règles de conduites élaborées par les pouvoirs publics sur le fondement du principe de précaution ne produisent pas directement d’obligations à destination des particuliers. Elles peuvent cependant servir de matrice à d’autres normes communautaires ou internes qui, elles, s’imposeront à tous, y compris les personnes privées. En effet, si les personnes privées participent à la gestion des risques, le principe de précaution ne concerne d’abord que la maîtrise de certains risques très spécifiques (incertains mais surtout dont les effets peuvent se révéler sur le long terme) et non des risques en général. Or lorsqu’il s’agit du long voire très long terme, la logique de l’entreprise, tournée naturellement vers le profit à court terme, trouve ses limites [5]. C’est en cela, qu’on peut affirmer que le principe de précaution s’adresse avant tout aux décideurs publics, garant de l’intérêt général et soucieux du long terme.

En droit international, les destinataires du principe de précaution sont clairement les gouvernements et parlements nationaux des Etats parties. La plupart des conventions et traités internationaux comportent de telles formulations [6].

Le droit communautaire également reconnaît l’importance du rôle du pouvoir politique dans l’application du principe de précaution. Les textes sont explicites sur le fait que le principe de précaution comporte une finalité politique et fonde la politique de la Communauté. Les destinataires du principe sont donc les Etats et les institutions de l’Union européenne. C’est en 1992, par le Traité sur l’Union européenne signé à Maastricht que le principe est introduit dans le droit communautaire (art. 130 R devenu 174 du Traité de l’Union). Le texte voit dans le principe de précaution non pas un objectif de la politique de la Communauté européenne mais un moyen d’atteindre les objectifs de la politique de la Communauté, notamment dans le domaine de l’environnement et du développement durable.

Quant au droit communautaire dérivé, l’article 4.1 de la directive du 12 mars 2001 relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés (OGM) dans l’environnement, énonce que :

« les Etats veillent, conformément au principe de précaution, à ce que toutes les mesures appropriées soient prises afin d’éviter les effets négatifs sur la santé humaine et l’environnement qui pourrait résulter de la dissémination volontaire ou de la mise sur le marché d’OGM ».

Dans une de ses Résolutions, le Conseil des Ministres de l’Union européenne demande à la Commission :

« de se laisser, à l’avenir, guider davantage encore par le principe de précaution lors de l’élaboration de propositions de législation et dans le cadre de ses autres activités liées à la politique des consommateurs, et d’élaborer de manière prioritaire des lignes directrices claires et efficaces en vue de l’application de ce principe » [7].

La Commission a par ailleurs adopté deux séries de communication. La communication du 2 février 2000 sur le recours au principe de précaution [8], souligne que le principe de précaution ne se traduit pas nécessairement par l’adoption de normes susceptibles de faire l’objet d’un contrôle juridictionnel. Selon ce document, « toute une palette d’actions est à la disposition des décideurs politiques lors du recours au principe de précaution. La décision de financer un programme de recherche ou encore la décision d’informer l’opinion publique quant aux possibles effets négatifs d’un produit ou d’un procédé peuvent, elle aussi, constituer des actes inspirés par le principe de précaution ». Dans une précédente communication du 30 avril 1997 sur la santé des consommateurs et la sûreté alimentaire, la Commission avait eu l’occasion de souligner que : « La Commission sera guidée dans son analyse de risque par le principe de précaution dans les cas où les bases scientifiques sont insuffisantes ou lorsqu’il existe quelques incertitudes ». Là encore le principe de précaution est non seulement appliqué par une autorité communautaire mais il s’apparente aussi à un principe d’orientation de l’action publique. Par ailleurs, ces communications témoignent du fait que le principe de précaution n’a plus comme seule finalité la protection de la nature. Il est désormais inséré de manière explicite dans un texte qui porte également sur la « santé des consommateurs ».

Dans la législation française, l’expression « principe de précaution » a été employée pour la première fois dans la loi dite Barnier de 1995. Le principe sera introduit à l’article premier de la Loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement. Ce texte précise que les politiques de protection de l’environnement « s’inspirent dans le cadre des lois qui en définissent la portée des principes » au nombre desquels figure le principe de précaution. Le principe de précaution est aujourd’hui affirmé dans l’article L.110-1 du Code de l’environnement, qui prévoit que les politiques de l’environnement s’inspirent du principe de précaution,

« selon lequel l’absence de certitude, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l’adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l’environnement à un coût économique acceptable ».

L’art. L. 110-2 du Code de l’environnement souligne que le respect du principe s’impose à la fois au décideur public et privé, mais il précise également que c’est la collectivité qui est le destinataire principal du principe :

« Les lois et règlements organisent le droit de chacun à un environnement sain et contribuent à assurer un équilibre harmonieux entre les zones urbaines et les zones rurales. Il est du devoir de chacun de veiller à la sauvegarde et de contribuer à la protection de l’environnement. Les personnes publiques et privées doivent, dans toutes leurs activités, se conformer aux-mêmes exigences. »

Bien que s’adressant à la fois au décideur public et privé, le principe de précaution intéresse prioritairement les personnes publiques, les pouvoirs législatif et exécutif. La nature même des risques auxquels il s’adresse exige que leur maîtrise soit collective, à l’échelle nationale voire européenne. Il s’agit de risques de dommages graves et irréversibles dont l’anticipation impose la mobilisation de multiples acteurs. C’est en amont de la décision publique que le principe de précaution trouve à s’appliquer. C’est à ce moment qu’il est nécessaire de déterminer les mesures que doit susciter ce principe au cas par cas. Un particulier ou une entreprise ne possède pas l’expertise ou l’information adéquate pour évaluer de manière correcte le contenu de ces mesures de précautions. Ils ne peuvent le faire que pour des mesures de prévention, c’est-à-dire lorsqu’il s’agit de gérer des risques avérés et pour lesquels il existe un consensus scientifique. Les mesures de précautions sont pour leur part, édictées dans l’incertitude sur la base de simples suspicions.

Principe d’orientation, il doit guider le décideur public dans l’appréciation de la mesure à prendre. On peut alors se demander comment les exigences du principe de précaution sont prises en compte par le décideur public ?

B - Vers un nouveau processus de décision publique plus transparent et plus consensuel

Toute prise de décision exige pour être efficace un processus de coordination entre les différents acteurs concernés. Ces processus sont de nombreuses natures : des règles qui prescrivent des comportements, des mécanismes de marché, des contrats, des représentations communes et des valeurs.

Les connaissances scientifiques qui fondaient la décision sont souvent mal affermies, disponibles trop tard et sujettes à controverses. Dès lors, pour retrouver une légitimité, la décision politique ne peut plus prendre appui sur le diagnostic scientifique. L’incertitude qui caractérise la prise de décision est d’abord facteur de complexité et de confusion. Aujourd’hui, la complexité de la prise de décision publique vient du fait qu’il s’agit d’intégrer de multiples paramètres, de réunir de nombreux acteurs pour que la décision soit applicable. Face à une réalité mouvante et complexe, il s’agit de développer une démarche pragmatique (au cas par cas) et de rechercher le consensus le plus large possible. Il faut rendre le risque et la décision socialement acceptable : le processus de décision est donc quasi-permanent.

Comment mettre en œuvre des processus de coordination alors que certaines notions qui les fondent sont entrées en crise. L’opinion a perdu une part de sa confiance dans les hommes politiques et surtout dans l’information que ceux-ci diffusent. Compte tenu du climat de controverse qui s’est durablement installé, elle ne peut pas facilement reporter sa confiance sur les scientifiques : il est impossible, en matière de risques controversés, de revenir à une méthode consistant à rechercher le meilleur expert et à s’en remettre à ses propositions.

Le risque zéro n’existant pas, il n’est pas possible de s’organiser pour réduire tous les risques environnementaux, alimentaires ou sanitaires. Les pouvoirs publics vont donc devoir mettre au point des procédures qui soient dignes de confiance. Ces procédures rendraient intelligible le débat sur le caractère plausible du risque, sur l’étendue des connaissances, et donc sur le choix de la ligne de conduite, interdiction, attente, limitation, recherche ou vigilance.

Il faut donc que la légitimité démocratique reprenne le dessus (sur la légitimité technocratique) et que la responsabilité politique revienne sur le devant de la scène. Il s’agit de retrouver la confiance perdue à la fois dans la science et dans le politique. Le décideur public est alors amené à trancher parmi des intérêts divergents [9]. Il doit ensuite assumer l’orientation choisie tout en sachant que sa décision ne satisfera pas tous les points de vue en présence.

La fonction première du principe de précaution est d’intervenir en amont de la prise de décision. Il doit orienter la production des politiques publiques. Pour cela les gouvernements et leur administration doivent décider des mesures qu’il conviendra de prendre sans attendre de disposer de certitudes. En France les procédures de justification de la décision à prendre sont à conforter voire à construire, autour de la délibération, du débat public et de la comparaison des coûts et avantages attendus des mesures de protection envisagées pour y parvenir.

Afin de disposer d’un outil d’aide à la décision, les pouvoirs publics français recherchent à réaliser le plus grand consensus afin de légitimer leur décision. Le processus de décision doit permettre la légitimation de l’action administrative par la recherche d’un consensus qui n’existe plus étant donnée que l’expertise scientifique est aussi soumise au doute. Le consensus ne peut désormais être atteint que par la concertation préalable pour obtenir l’adhésion des destinataires des mesures en les associant d’une manière ou d’une autre au processus de décision. C’est une modalité d’exercice de la « démocratie participative ».

L’incertitude scientifique implique donc la distinction entre l’évaluation et la gestion des risques. L’évaluation se fonde sur le travail des experts [10] alors la gestion des risques, utilise les connaissances issues de la phase d’évaluation dans le cadre des décisions publiques. Elle intègre également d’autres considérations de nature sociale ou politique. Ainsi, les gouvernants sont conduits à apprécier le niveau de risque socialement acceptable, à construire des scénarios d’action, à évaluer le coût des mesures qu’ils envisagent. Ils doivent se demander si les mesures qu’ils projettent sont applicables et si, en prévenant des risques, elles n’en induisent pas d’autres. La recherche du consensus s’appuie ensuite sur une communication élargie. Il est basé sur un échange interactif d’informations et d’avis sur les dangers et les risques, sur leur perception par les populations exposées. Tous les acteurs concernés y participent : les responsables de l’évaluation des risques et de la gestion des risques, les consommateurs, les entreprises du secteur agroalimentaire, les milieux universitaires et les autres personnes intéressées. Il comporte nécessairement l’explication des résultats de l’évaluation des risques et des fondements des décisions prises en matière de gestion des risques.

Enfin, le nouveau processus de décision nécessite une démarche structurée de vigilance de veille. A cet égard, les autorités publiques accordent une place privilégiée aux dispositifs de surveillance par le renforcement des réseaux de surveillance épidémiologiques, la création de l’Institut national de veille sanitaire (INVS) [11] et de l’Agence française de sécurité sanitaire pour les aliments (AFSSA) chargée spécifiquement de l’évaluation des risques alimentaires [12]. Des outils de traçabilité sont également mis en place et les sources d’information sont mises à disposition du public sur Internet [13] ou à travers les médias afin de répondre à la fois aux besoins du public et au principe de transparence.

A cette fin, la loi Barnier du 2 février 1995 qui a introduit le principe de précaution en droit interne crée un certain nombre d’organismes afin de favoriser cette recherche du consensus. Ainsi, dans son Titre premier consacré à la « participation du public et des associations », l’article deux prévoit la création d’une Commission nationale du débat public (CNDP) [14]. Cette Commission a offert des tribunes aux experts et aux riverains pour des débats publics qui ont souvent été bien accueillis par les populations concernées. De telles procédures commencent à être généralisées au-delà du domaine relativement restreint des grandes infrastructures auquel elles s’appliquent encore aujourd’hui. Il est probable qu’elles puissent être approfondies et adaptées à des contextes divers.

Plus tard, la mise en place de la Conférence nationale de la santé instaurée par la loi sur les droits des malades et la qualité du système de santé [15] contribuera à cette recherche. La France a choisi également de mettre en place un Comité de la prévention et de la précaution (CPP), auprès du Ministre de l’Environnement. Ce Comité a par exemple remis un rapport sur les risques sanitaires liés à l’utilisation des pesticides en février 2002 [16]. De même, le Premier ministre peut solliciter l’avis de la Commission Française de Développement Durable (CFDD), commission consultative chargée d’éclairer les pouvoirs publics français en matière de développement durable [17].

La pratique instaurée par les autorités danoises d’organiser des « Conférences de citoyens », a aussi été adopté en France. Inaugurée en 1998 à propos des organismes génétiquement modifiés (OGM), elles ont abouti au maintien provisoire de l’interdiction de commercialiser du maïs transgénique. Une seconde conférence de citoyens a été organisée à Paris en février 2002 sur le changement climatique [18]. Ces Conférences ont pour objectif d’enrichir le processus démocratique et de contribuer à créer un véritable espace public de débat sur des sujets où l’accès à l’expression et même à l’information est trop souvent réservé à certains groupes défendant des intérêts particuliers. Elles visent aussi à faire émerger des avis citoyens, formulés par des personnes n’ayant pas d’expertise particulière sur les questions posées, mais ayant accepté de mûrir leur réflexion sur la base d’un approfondissement préalable des dossiers leur permettant de franchir la barrière des connaissances. Au cours de ces conférences citoyennes ou de consensus s’opère une confrontation entre les savoirs des experts et les valeurs sociales, portées par un panel représentatif de citoyens.

La Commission Française du Développement Durable propose d’ailleurs aux pouvoirs publics d’avoir régulièrement recours à ce type de dispositif pour se donner les moyens, sur des sujets complexes qui nécessitent des choix aussi bien technologiques que sociaux et économiques, de s’appuyer sur un avis citoyen éclairé. Une telle formule offre l’avantage de permettre à l’opinion de s’identifier à des participants plus proches d’elle que les parlementaires. En ce sens elle peut contribuer à recréer une certaine confiance dans les discours publics sur le risque. Au regard du nombre trop limité de ces conférences, il nous semble prématuré d’affirmer qu’elles constituent une contribution efficace à l’élaboration de décisions en situation d’incertitude scientifique, conformément au principe de précaution. Précisons seulement que la pratique généralisée de telles conférences comporte néanmoins un risque. Celui de les voir aboutir à asseoir la légitimité des choix politiques à venir au lieu d’en définir le contenu en situation de complexité et d’incertitude. Les conclusions des « citoyens » visant à éclairer ou à inspirer la démarche gouvernementale n’ont pas été très influentes. Elles fournissent le plus souvent une tribune aux scientifiques et industriels soucieux de défendre leurs thèses devant un auditoire parfois déstabilisé par la complexité du sujet [19]. De même, cette formule présente l’inconvénient de créer une légitimité nouvelle, concurrente de la légitimité élective des parlements et des gouvernements.

A l’instar de ce qui a été tenté pour le changement climatique avec la mise en place du GIEC (Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat), les décideurs publics pourraient garantir que, au fur et à mesure que les connaissances progressent, sont opérés des points aussi précis que possible de l’état des connaissances. De la sorte, il est possible de renforcer en temps utile une action qui apparaîtrait insuffisante, ou au contraire de relâcher des précautions devenues excessives. Pour être comprises, ces inflexions de l’action publique devraient évidemment être débattues et les avancées de la connaissance clairement expliquées.

La question de la place respective de ces différents types de procédures reste largement ouverte. On peut essayer de le faire coexister. En tout cas il faut bien définir des procédures pour chaque situation et approfondir l’usage du débat préalable à la décision publique. Le principe de précaution répond bien à une attente démocratique. Il impose de repenser le lien entre savoir et pouvoir, entre expertise scientifique et décision publique. Il invite à la création de procédures adéquates pour la maîtrise des risques d’un genre nouveau.

Le principe de précaution joue d’abord un rôle de plus en plus important dans l’élaboration de la décision publique en matière de risque. Mais le principe de précaution n’est pas un simple principe éthique. L’étude de la jurisprudence administrative et communautaire en matière de contrôle de la légalité des actes administratifs nous le confirme. Le juge doit réussir l’équilibre en prenant en compte une situation marquée par l’incertitude tout en se gardant de faire œuvre de scientifique ou d’administrateur. Les juges administratif et communautaire s’en sont saisis afin d’en garantir le respect et l’application.

II. - Le juge de l’action publique garant du respect du principe

Le principe de précaution est prioritairement destiné à orienter la rédaction des décisions publiques (décisions communautaires, lois ou actes administratifs), en matière de maîtrise des risques sanitaires suspectés. Les juges administratif et communautaire acceptent de l’appliquer dans le contrôle de l’action publique. Ce contrôle juridictionnel du respect du principe de précaution par les administrations nationale ou communautaire soulève de nombreux problèmes. Les juridictions admettent qu’il appartient d’abord aux pouvoirs exécutifs et à leurs administrations de se saisir du principe de précaution. Les juges leur reconnaissent une marge d’appréciation importante. Le principe de précaution exige au contraire que le processus de décision soit permanent et évolue dans le temps en fonctions de l’état des connaissances. C’est pourquoi le juges refusent par exemple à ce jour d’appliquer le principe pour fonder la responsabilité du décideur public [20]. Ils l’appréhendent toujours comme un principe qui doit orienter la décision publique en amont. Quand ils l’appliquent c’est donc le contentieux de la légalité qui est concerné, renforçant l’idée que le principe invite davantage à la réflexion qu’à la sanction.

Lorsqu’une atteinte au principe de précaution est invoquée devant les ordres juridictionnels, le contrôle du respect du principe pourrait conduire le juge à se prononcer dans des domaines caractérisés par des controverses entre experts. Le juge veille alors à ne point trancher lui-même ces controverses. Confronté aux incertitudes scientifiques, alors que le juge communautaire distingue le principe de précaution de celui de la prévention, le juge administratif le confond souvent avec un simple principe de prévention renforcé. Ce qui rend encore plus complexe la distinction entre les deux notions.

C’est pourquoi, les juges sont prudents et adoptent la démarche pragmatique que nécessite le principe de précaution. Il s’agit pour eux de vérifier si les décideurs publics ont bien agi en amont de la décision. Les juges ne souhaitent pas substituer leur appréciation à celle des autorités en charge de la maîtrise du risque. Les deux ordres de juridiction, communautaire et national, confirment ainsi que le principe de précaution ne comporte pas d’obligation précise concernant la maîtrise des risques. Il est avant tout un principe d’orientation, comme nous l’avons vu, à partir duquel les mesures d’encadrement du risque doivent être adoptées. C’est pourquoi, les deux ordres limitent leur contrôle à la recherche de l’erreur manifeste d’appréciation. Cette imprécision de principe est gage de son efficacité. Il paraît en effet difficile de prévoir avec précision ce qu’il convient de faire à chaque fois que le risque se présente alors qu’il s’agit d’un risque potentiel. Les juges refusent ainsi de se placer au niveau du législateur ou du pouvoir exécutif pour définir les mesures qu’imposerait le principe de précaution. A l’inverse, ils vérifient que les risques concernés par le principe de précaution sont bien pris en compte.

A - L’application du principe de précaution par le juge communautaire

En droit communautaire, le principe de précaution pourrait orienter l’interprétation du contenu des notions à caractère scientifique par le décideur public, d’en préciser le sens et la portée. Il permet en tout cas d’apprécier la conformité du contenu d’une norme, une directive par exemple, à ses objectifs. La CJCE avait implicitement accueilli le principe dès 1993 à l’occasion du litige relatif à la définition de la longueur de filets de pêches dérivants, par un règlement du Conseil du 27 janvier 1992 [21]. La référence au principe figurait dans les conclusions de l’avocat général qui se fondait sur l’avis de la Commission en la matière. La Cour adoptera son raisonnement sans pour autant citer explicitement le principe de précaution [22]. L’application explicite du principe par les juridictions communautaires (Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) et Tribunal de première instance (TPI) s’est faite plus récemment. Désormais, ces juridictions contrôlent essentiellement la conformité des décisions de la Commission et des autorités administratives nationales aux principes de l’article 130 R (nouvel article 174) du traité CE.

En intégrant le principe dans le contrôle de la légalité des décisions publiques, la volonté de la jurisprudence communautaire est de contrôler la manière dont s’articule la décision publique, qu’il s’agisse de celle des Etats ou de la Commission des communautés européennes, avec l’état des connaissances scientifiques.

Les juges communautaires opèrent un contrôle juridictionnel de l’obligation de prise en compte de situations d’incertitude scientifique. Mais ils veillent dans leur entreprise à préserver la marge d’appréciation de l’auteur de la mesure de précaution. Le juge communautaire vérifie ensuite comment est « géré » cette situation d’incertitude scientifique.

1.- Contrôle de l’existence d’une incertitude scientifique et de sa prise en compte par le décideur

Clairement pour le juge communautaire le principe de précaution se distingue de celui de la prévention en cela qu’il apparaît seulement avec la problématique de l’incertitude scientifique. Principe directeur pour les autorités, il devient un principe d’interprétation de la conformité au droit communautaire des normes tant nationales que dérivées des Traités originaires. Le principe impose alors au décideur de prendre en compte l’incertitude de façon permanente. Le juge vérifie donc que l’auteur de la mesure de précaution s’est informé de l’existence d’une situation d’incertitude scientifique et dans quelle proportion il l’a fait.

Révisée en permanence pour s’adapter aux circonstances et aux nouvelles données scientifiques, la norme risque d’être inapplicable. C’est pourquoi, le juge se positionne au moment de la prise de décision pour apprécier les « données scientifiques disponibles ». Il vérifie d’abord si la mesure prise tient bien compte des connaissances scientifiques et techniques disponibles. Là encore le juge communautaire opère une distinction entre le principe de précaution et de prévention. Il n’applique le premier qu’en présence d’hypothèses non scientifiquement prouvées.

A cet effet, il a eu l’occasion de développer son raisonnement dans l’affaire de la « vache folle » (ou de la maladie de Creutzfeld-Jacob). Se prononçant sur une série de décisions des institutions communautaires fondées sur le principe de précaution, la CJCE fait expressément référence au principe dans un arrêt du 5 mai 1998 rendu dans le cadre de cette affaire [23]. Il en ressort que les institutions communautaires ou les Etats membres doivent prendre en compte le risque sanitaire, même si celui-ci ne résulte que de simples suspicions. De même, ils ne sont pas liés par l’appréciation des experts scientifiques. Les juges reconnaissent que la décision publique doit donc tenir compte de la réflexion des experts mais n’est nullement tenue d’en adopter les conclusions. Grâce au principe de précaution, l’auteur de la décision retrouve une marge de manœuvre par rapport à l’expertise sans encourir systématiquement le grief de n’avoir pas fondé scientifiquement son approche.

De même, la prise en compte du principe de précaution impose au décideur de tenir compte le mieux possible des connaissances scientifiques et techniques disponibles. Il doit donc suivre la progression de la connaissance scientifique jusqu’à ce que l’incertitude soit levée. Mais ce travail étant complexe la CJCE dans un arrêt du 29 avril 1999 précise que : « Dans le contrôle de la légalité (…), les juridictions nationales doivent tenir compte du large pouvoir d’appréciation dont disposent les Etats membres, lequel est inhérent à la complexité des évaluations qu’ils sont appelés à faire dans ce contexte » [24]. Ce qui conduit de fait la Cour à effectuer un contrôle restreint de la légalité de la décision. Une telle volonté est conforme à la jurisprudence traditionnelle de la Cour [25].

Après avoir vérifié l’existence de l’incertitude et de sa prise en compte par le décideur public, le juge communautaire contrôle la maîtrise de cette incertitude, pierre angulaire du principe de précaution.

2.- Contrôle de la maîtrise de l’incertitude scientifique

La mesure prise en application du principe de précaution est contrôlée à un double égard. D’une part lorsque le juge contrôle la procédure de la préparation de la mesure de précaution. D’autre part lorsqu’il contrôle l’adéquation de la mesure de précaution (de la décision prise) à la situation (contrôle de la proportionnalité).

Quant à la procédure, la vocation première du principe de précaution est d’orienter la préparation de la mesure de précaution au sein de l’Etat ou des institutions européennes. Il s’applique bien en amont de la prise de décision. Dans un arrêt du 21 mars 2000, à propos des autorisations de mise sur le marché OGM, la CJCE fait référence au principe de précaution, le définit et fonde sur lui une grande partie de son raisonnement [26]. Selon la Cour, le principe n’imposerait pas au juge national de l’action administrative de vérifier, dans son contrôle de la légalité externe de l’acte administratif si, au cours du processus de décision, tous les risques ont été envisagés. Seuls les « risques sérieux » doivent l’être. En revanche elle reconnaît à l’administration l’obligation de compléter en permanence son information.

Le juge communautaire ne contrôle donc pas la simple conformité des procédures intéressant la santé publique au principe de précaution. Bien plus, il examine l’adéquation de la décision prise à la situation d’incertitude dans laquelle elle intervient.

D’une part, le juge veille à ne pas réduire exagérément la marge d’appréciation dont doit bénéficier l’auteur de la mesure de précaution. Afin d’encadrer la liberté d’appréciation dont disposent les autorités publiques pour définir des mesures de précaution, le juge communautaire limite son contrôle de l’adéquation de la mesure de précaution à la recherche de l’erreur manifeste d’appréciation [27]. Il contrôle ensuite la nécessité de la mesure de précaution prise. Il veille ainsi à ce qu’elle ne soit pas manifestement inappropriée, conformément au principe de proportionnalité [28]. Agir en situation d’incertitude revient pour le juge à agir « en l’absence de critères objectifs d’appréciation de cette situation ». Aussi, le principe de précaution peut accroître la marge d’appréciation voire le pouvoir discrétionnaire de l’auteur de la mesure de précaution.

Il revient donc au juge d’encadrer ce pouvoir discrétionnaire sur le fondement du principe de proportionnalité. Le contrôle de la proportionnalité du juge porte à la fois sur les données scientifiques et socio-économique (comme par exemple, les principes de liberté de la concurrence et de libre circulation des marchandises). Le juge communautaire cherche d’abord à savoir si l’auteur de la mesure de précaution était informé et a étudié les données scientifiques disponibles au moment de décider.

D’autre part, le décideur public doit vérifier que les opérateurs privés, qui sont les destinataires des mesures prises sur le fondement du principe de précaution, puissent bénéficier du principe de sécurité juridique [29]. Le pragmatisme ne doit pas sacrifier cet élément. Même si aucun arrêt des juridictions communautaires ne procède explicitement à cet examen elles ont eu l’occasion de contrôler la conformité d’une décision de la Commission en univers incertain, aux principes de sécurité juridique et de confiance légitime de l’action [30]. Cette décision s’imposait dans un climat marqué par des controverses scientifiques et peut comporter des enseignements dans le cas du principe de précaution. Ainsi, la Commission doit se prononcer dans un délai le plus court possible et veiller à ce que la décision ne soit pas remise en cause par la suite. De même, elle devra afin d’évaluer complètement le risque, prendre en compte d’éventuelles controverses et hésitations, prendre le temps de décider et si nécessaire, adapter ou changer le sens de sa décision en fonction de l’évolution des connaissances scientifiques.

Si le juge communautaire distingue clairement le principe de prévention et celui de précaution, le juge administratif français n’adopte pas encore une position aussi tranchée.

B - L’application du principe de précaution par le juge administratif français

Le principe de précaution a investi le contrôle de la légalité des actes administratifs à l’occasion de l’affaire du « maïs transgénique ». En accueillant le 25 septembre 1998 expressément le principe de précaution comme un moyen qui « paraît, en l’état de l’instruction, sérieux et de nature à justifier l’annulation de l’arrêté attaqué », le Conseil d’Etat accepte son invocabilité directe [31]. Il franchit ainsi une nouvelle étape vers la reconnaissance du principe de précaution comme un principe général du droit [32]. En effet, dès lors qu’un recours peut être fondé sur la seule violation d’un principe, et ce indépendamment de tout texte, voire contrairement à une disposition existante et non abrogée, on peut parler de norme juridique existante sans pouvoir être ramené à une opinion doctrinale ou à une disposition de la loi [33]. Cette évolution de la position du Conseil d’Etat marque ses distances par rapport aux juridictions communautaires qui, quand elles prennent en considération le principe de précaution, ne l’appliquent qu’en référence à l’article 174 (ancien article 130 R) du Traité. Cette anticipation sur l’évolution de la jurisprudence internationale [34] et communautaire [35] n’est pas étrangère à la volonté de la Haute juridiction administrative française de marquer son rôle jurisprudentiel en introduisant le principe dans le contrôle de la légalité des actes administratifs qui lui sont soumis. L’ « affaire » était emblématique de la crainte de dérives suscitées par les progrès scientifiques et de toute la complexité du problème d’un point de vue strictement juridique [36]. Il avait été demandé au juge de se prononcer sur un problème qui n’avait pas été réglé par le pouvoir politique. Il est vrai que cette référence directe est faite à l’occasion d’une demande de sursis à exécution d’un arrêté ministériel [37] et n’a pas été confirméepar le Conseil dans sa décision postérieure prise quant au fond de l’affaire [38]. Le Conseil y a néanmoins vu une violation du principe de précaution [39].

Le principe de précaution a investit le champ du contrôle de la légalité. Sa définition au sein de la jurisprudence administrative n’est cependant pas encore tout à fait stabilisée. Elle manque encore d’unité. Toujours est-il qu’elle est marquée par la recherche systématique d’une situation complexe où règne l’incertitude et la controverse scientifique. La jurisprudence française refuse toujours, du fait même de l’absence d’une définition précise, à donner au principe de précaution une autre interprétation que celle d’un principe d’orientation politique [40]. Le juge en fait une application à la fois pragmatique et non extensive (a). Il ne se reconnaît pour autant pas le pouvoir de prendre la décision à la place du décideur public. Ainsi il admet que ce soit à ce dernier, dépositaire de la légitimité démocratique, que revienne le rôle d’assumer une responsabilité politique et de déterminer en final si le risque est accepté par la société (b). A cet effet, le juge administratif assure au cas par cas, un contrôle de la qualité de l’information sur les risques et l’équilibre de ces risques et veille à préserver la marge d’appréciation de l’auteur de la décision, tout en s’assurant que ce dernier tienne compte de risques simplement suspectés.

1.- Une application pragmatique et non extensive du principe de précaution

Le principe de précaution est par essence un principe pragmatique puisqu’il paraît impossible de créer un principe relatif aux risques en situation d’incertitude qui prévoit ce qu’il convient de faire à chaque fois qu’ils se présentent. Au regard du principe de précaution les actes administratifs doivent s’adapter au cas par cas à la situation concrète appréciée in concreto. La nature même des risques visés par le principe de précaution exige que leur maîtrise soit collective, à l’échelle nationale ou, mieux encore, européenne. Il s’agit de risques de dommages graves et irréversibles dont l’anticipation impose la mobilisation de multiples acteurs. C’est donc en amont de la décision publique que le principe de précaution doit s’appliquer. Le juge en garantit l’effectivité. Est-ce sa fonction ? Si le principe de précaution veut rester un outil efficace de la décision publique, il devrait rester un principe politique. C’est pourquoi le juge refuse encore aujourd’hui de se substituer au décideur public pour définir les mesures issues de ce principe. Il veille au contraire à ce que les risques concernés par le principe de précaution soient pris en compte dans la prise de décision.

Pour cela, il vérifie d’abord s’il existe bien une situation d’incertitude qui engendre un risque. Dans cette entreprise, le Conseil d’Etat confond le plus souvent, principe de précaution et principe de prévention qu’il assimile à un principe de prévention renforcée. Parfois cependant, il lui reconnaît une certaine autonomie. Si certains arrêts laissent penser que le juge administratif considère que le principe de précaution affermit celui de prévention et peut donc intervenir hors situation d’incertitude scientifique [41], un arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris infirme cette position. Dans un arrêt du 24 juin 1999 [42], la Cour administrative d’appel de Paris refuse de faire application du principe de précaution au motif qu’il n’existe pas en l’espèce de risques de dommages graves et irréversibles. Contrairement à d’autres juridictions administratives, la Cour administrative d’appel de Paris n’assimile pas les principes de prévention et de précaution et défend leur spécificité : « en l’absence de risque de dommages graves et irréversibles à l’environnement, susceptibles d’être imputables à la décision attaquée, celle-ci ne peut être regardée comme ayant méconnue le principe de précaution énoncé à l’article L. 200-1 du code rural ». Mais cette position de la Cour administrative de Paris n’est semble-t-il pas partagée par l’ensemble des juridictions de l’ordre administratif.

Il est nécessaire que la jurisprudence administrative se densifie afin de savoir si le principe de précaution s’adresse à tous les risques avérés ou non ou seulement à ceux qui surviennent en situation d’incertitude.

Toujours est-il que l’appréciation de l’incertitude est laissée à la discrétion de l’administration. Dans un arrêt du 28 juillet 1999 [43], le Conseil d’Etat devait se prononcer sur un recours tendant à l’annulation d’un arrêté ministériel déclarant d’utilité publique la réalisation d’une ligne électrique haute tension, enfouie dans le sol. Faisant application du principe de précaution, la Haute juridiction contrôle l’existence de mesures tendant à limiter la dégradation de l’environnement et conclut que la réalisation de ces travaux par EDF présentait moins d’inconvénients que d’avantages. Sans entrer au cœur du débat, le Conseil se contente d’étudier les arguments scientifiques en présence [44].

Si le Conseil d’Etat refuse encore de trancher un débat portant sur une situation d’incertitude scientifique, il peut encourager l’administration à affermir des mesures de prudence qui peuvent aller jusqu’à l’interdiction pure et simple. Dans un arrêt du 24 février 1999 [45], le Conseil contrôle un décret interdisant l’emploi de tous les tissus ou liquides corporels d’origine bovine ou ovine, en raison des risques potentiels de transmission de la « maladie de la vache folle ». La société requérante soutenait qu’en raison de sa généralité, cette interdiction procédait d’une erreur manifeste d’appréciation. Le Conseil d’Etat opère alors un raisonnement en deux temps. D’abord, il souligne l’existence d’une situation d’incertitude scientifique. Ensuite, sans faire expressément état du principe de précaution, il utilise l’expression « mesures de précaution qui s’imposent en matière de santé publique ». Il considère le caractère matriciel du principe de précaution qui incite à la création de nouvelles règles de droit.

De même, le Conseil d’Etat a eu plus récemment l’occasion de faire une application très pragmatique du principe de précaution dans l’affaire des OGM. Dans un récent arrêt du 1er octobre 2001 [46], la Haute juridiction refuse d’annuler une décision administrative qui ne prévoit pas pour les risques suspectés d’encadrement spécifique. Face à l’existence de risques suspectés, Greenpeace demandait l’annulation de la décision administrative par laquelle le gouvernement avait décidé de ne pas ordonner la destruction de cultures de maïs transgéniques [47]. Tout en reconnaissant l’existence de la situation d’incertitude et sans refuser ici d’appliquer le principe de précaution, le Conseil d’Etat indique qu’en l’occurrence le risque suspecté était « devenu tellement infime quantitativement qu’il n’existait plus ».

Le principe de précaution donne au juge administratif la possibilité d’élargir la portée du principe de prévention à une nouvelle catégorie de risques. Néanmoins, l’intensité du contrôle ainsi opéré demeure restreinte à l’erreur manifeste d’appréciation. Le principe de précaution conserve au sein de la jurisprudence administrative sa vocation initiale à savoir orienter la construction et le fonctionnement de procédures administratives de maîtrise des risques.

Dans un jugement récent [48], le Tribunal administratif de Rouen refuse d’appliquer le principe de précaution au motif que les deux conditions de gravité et d’irréversibilité ne sont pas réunies. Dès lors, il fait application du principe de prévention. La distinction entre les deux principes est plus nette, conformément à la position des juridictions communautaires. Selon cette jurisprudence, le principe de précaution ne s’applique pas à tous les risques et il faut distinguer les « mesures de précautions » et le « principe de précaution ». La référence du juge administratif à ce genre de mesures, ne signifie pas toujours que soient en cause des risques potentiels de dommages graves et irréversibles, comme le principe de précaution l’envisage.

En définitive, en accueillant le principe de précaution dans le contentieux de la légalité, le juge administratif lui reconnaît une valeur juridique. Le principe est souvent une simple extension du principe de prévention à des risques suspectés. Il serait important pour le décideur public que le juge exige comme condition d’application du principe de précaution, l’existence de dommages potentiels graves et irréversibles comme l’énoncé du principe le suggère. Rien ne serait à notre sens plus préjudiciable au principe de précaution lui même, que son assimilation au principe de prévention fut-il renforcé. La précaution renvoie à des situations très précises, à des risques précisément définis et fort heureusement rares en raison de leur caractère grave et irréversible. Il est indispensable d’être en présence d’une catégorie très particulière de risques pour satisfaire aux conditions d’application du principe de précaution, entendu de manière autonome. De ce fait, l’application du principe de précaution ne sera probablement pas fréquente. Ce qui nous semble salutaire, parce que l’appréciation contentieuse au regard de la lenteur de la justice devrait être écartée.

Les mesures de précaution prises sur le fondement du principe de précaution vont donc être adaptées à chaque cas. Le juge dans le cadre d’un contrôle restreint à l’erreur manifeste d’appréciation, laissera aux autorités publiques la marge de manœuvre nécessaire à cette adaptation au cas par cas. Cette démarche va dans le sens plus général du juge administratif français qui se méfie des solutions générales et définitives.

2.- Un contrôle restreint de la légalité par le juge administratif : Appréciation de l’erreur manifeste d’appréciation

Une application stricte du principe de précaution exigerait un contrôle normal mais face à la technicité des domaines et à la complexité des situations où le principe s’applique et du fait de son imprécision, le juge se refuse à se substituer au décideur public. Sans se substituer, le juge veille alors à ce que l’administration se saisisse bien de la question des risques en situation d’incertitude scientifique. Pour cela, le juge se place à la date où la décision a été prise pour apprécier cette légalité. Ce qui laisse une grande marge de manœuvre au décideur qui détient seul la légitimité démocratique pour assumer sa décision.

Pour résoudre l’équation à laquelle est confronté le juge administratif de la légalité, il lui faut d’une part être prudent afin de ne pas faire œuvre de chercheur en sciences fondamentales ou d’administrateur, d’autre part prendre en compte l’exigence d’une meilleure maîtrise, voire d’une meilleure anticipation des risques dont est notamment porteur le principe de précaution.

Le principe de précaution ne contient pas en lui-même d’indications sur le type de mesures qu’il convient d’adopter en présence de risques suspectés de dommages graves et irréversibles. Il oblige uniquement à prendre en compte sans attendre ces risques. Dans son rapport d’activité 2000, le Conseil d’Etat indique notamment que le principe de précaution doit aussi guider le contrôle du bilan auquel se livre le juge administratif pour juger de l’utilité publique d’une opération [49]. Le Conseil d’Etat a eu l’occasion de démontrer que l’incidence première de l’insertion du principe de précaution au sein du contentieux administratif de la légalité réside sans doute dans son inscription dans la théorie du bilan [50]. Avant que les mesures de précautions adéquates soient conçues, les risques concernés par le principe de précaution devront être confrontés à d’autres considérations, risques, intérêts, impératifs. La théorie du bilan permet cette pesée des risques et des intérêts écologiques, économiques ou sanitaires, par exemple.

Le principe de précaution impose normalement d’envisager le très long terme. Or, le juge administratif, lorsqu’il apprécie la légalité d’un acte, le fait à la date à laquelle cet acte a été adopté. S’agissant du contrôle du bilan, le juge administratif s’en tient à ce qui lui apparaît comme étant « raisonnablement prévisible ».

Le principe de précaution est une traduction de la prudence d’Aristote et incite à une plus grande responsabilité. Or si le juge élargie le champ de son contrôle à un contrôle de l’effectivité et de la proportionnalité des mesures prises par l’administration, le principe pourrait conduire à la déresponsabilisation du décideur et à l’inaction. Or précisément, il faudrait veiller à ce que le principe de précaution ne soit pas synonyme de principe d’immobilisme [51]. Face à des crises la tentation serait grande pour les pouvoirs publics de laisser au juge le soin de trancher le débat et de gérer le risque. Le juge administratif veille pour l’instant à ne pas se prononcer sur le fond de problèmes scientifiques très complexes et laisse ainsi une grande liberté d’appréciation aux responsables politiques qui seuls disposent de la légitimité démocratique. Ainsi, sauf dans les cas où le principe de précaution est assimilé à un principe de prévention renforcé, il n’aura pas à être appliqué par le juge. La procédure juridictionnelle ne semble d’ailleurs pas, du fait notamment de sa lenteur, être adaptée au pragmatisme que suppose le principe de précaution.

La Haute juridiction administrative française n’applique pas le principe à chaque fois qu’il est en présence d’une hypothèse de risque. Il veille en plus à ne pas conférer au principe une conception extensive et radicale qui pourrait parfois devenir absurde. Lorsque la mesure litigieuse est accompagnée d’une demande d’étiquetage ou d’une information régulière du consommateur lui offrant une liberté de choix, le juge administratif est plus permissif. Le juge refuse de contrôler la légalité d’une décision administrative au regard de risques à venir, lorsque ceux-ci ne sont plus raisonnablement prévisibles mais reposent sur une pure spéculation à long terme. En période de grande incertitude, le juge administratif restreint son contrôle à celui de l’erreur manifeste d’appréciation. A l’inverse, lorsque les risques sont répertoriés, le principe de précaution est intégré au nombre des éléments pris en compte dans le contrôle du bilan. Pourtant, le principe de précaution est également inséré dans le contrôle du bilan coûts-avantages qui caractérise le contrôle de la légalité des déclarations d’utilité publique.

La maîtrise du risque en situation d’incertitude doit évoluer avec la progression des connaissances scientifiques et il est donc important de conférer une marge de manœuvre suffisante à l’administration pour s’adapter pragmatiquement à cette évolution des connaissances. Même si la logique du principe de précaution aurait du conduire à l’exercice par le juge d’un contrôle normal (pour contrôler l’effectivité et la proportionnalité des mesures prises) de la décision, au contraire le Conseil d’Etat et l’ensemble des juridictions administratives se contentent d’un contrôle restreint. Ce choix est conforme aux traditions puisque lorsqu’il est confronté à une norme floue, le juge est souvent amené à limiter son contrôle à l’erreur manifeste d’appréciation. De même, le juge se limite à un contrôle restreint lorsque son appréciation doit porter sur le caractère dangereux ou risqué d’une activité [52].

Par ailleurs, le Conseil d’Etat a refusé de se prononcer sur le fond du problème scientifique posé au regard du principe de précaution. De la légitimité conférée à une opinion scientifique dépend le plus souvent la légalité d’une décision administrative. Le Conseil d’Etat se limitera très strictement à l’examen de la procédure prévue pour le gérer. Après avoir reçu les réponses à ses deux questions préjudicielles soulevées devant la CJCE [53], le Conseil a rendu son arrêt définitif le 22 novembre 2000 [54]. Il se place clairement sur le terrain de la procédure sans procéder à l’analyse des risques eux-mêmes. Le contrôle opéré est donc limité à celui de l’erreur manifeste d’appréciation. De même, le Conseil d’Etat se place à la date à laquelle la décision a été prise pour vérifier la légalité des mesures prises, se conformant ainsi à l’énoncé du principe de précaution qui se réfère à l’état des connaissances scientifiques et techniques « du moment ».

Conclusion

Le contexte dans lequel évolue le principe de précaution est marqué par les thèmes de participation, de pragmatisme, d’adaptabilité, de régulation, d’efficacité, de prise en compte du long terme, d’évaluation des politiques publiques dans le processus de réforme de l’Etat ou de « renouveau du service public ». Le principe ne contient pas de « recette miracle » qui s’appliquerait dès que survient une situation d’incertitude scientifique. Il pose seulement l’obligation de prendre en compte une telle situation et toutes les tentatives de lui donner un contenu unique et définitif sont, sans doute, vouées à l’échec.

La force du principe de précaution est qu’il se veut pragmatique en s’adaptant à une réalité mouvante, complexe et incertaine. S’il n’est pas trop généralisé, au risque de se confondre avec le principe de prévention sous sa forme renforcée, il implique avant tout une transformation du processus de décision publique afin de répondre aux nouveaux risques issus du progrès scientifique et technique. La principale exigence de cette éthique est une réduction du caractère technocratique de la décision publique.

L’incidence du principe sur la décision publique ne peut donc pas seulement se mesurer au regard de réformes institutionnelles et procédurales. Le principe de précaution ne nécessite pas simplement que soit corrigé le rôle des acteurs de ce circuit de décision. Il exige une refonte des mécanismes mêmes de ce dernier. Il rend nécessaire l’introduction de la réflexion éthique dans une situation d’incertitude, au cœur de l’élaboration de la décision publique.

L’esprit de la Loi Barnier était de faire du concept un simple principe d’orientation de la politique publique en matière de protection de l’environnement. Mais, le contrôle du juge sur l’usage qui en est fait par le décideur public en a fait un outil effectif du processus public de prise de décision en étendant son champ d’application aux domaines sanitaires et alimentaires. A travers son contrôle de la légalité de l’action administrative, le juge est le garant de l’application du principe en amont de la prise de décision. Tout en refusant d’établir a priori de « dogme » applicable en toutes circonstances, le juge confère une marge de manœuvre importante aux acteurs du processus public de décision. Il s’agit pour le décideur public, sous le contrôle du juge, de mettre en balance des risques, de calculer les avantages et les inconvénients d’une décision, sans idée préconçue.

L’évolution actuelle vers une constitutionnalisation du principe de précaution [55] le placerait au sommet des normes de droit interne. Ce qui impliquerait alors qu’un texte, qu’il soit national, communautaire ou international, ne pourrait être rendu exécutoire s’il déroge à un tel principe. Dès lors, on peut attendre une meilleure définition du principe par le Conseil constitutionnel afin que sa généralisation ne paralyse pas l’action administrative (le Conseil devra notamment répondre à la question de savoir s’il s’agit d’un principe autonome ou seulement appliqué aux activités soumises à autorisation administrative). Il est bon de veiller à ce que la définition retenue permette effectivement de réaliser un bon équilibre non seulement entre développement et progrès scientifique mais aussi, entre anticipation et prudence dans un souci de prise en compte du long terme. Gageons en tout état de cause que la reconnaissance de valeur constitutionnelle (juin 2003) [56] du principe va sans doute ouvrir le chemin à une meilleure intégration dans la politique publique de la prise en compte de l’incertitude et du long terme.

Avril 2003 [57]


[1] Cf. le Rapport du Commissariat général au Plan sur La décision publique face au risques, éd. La documentation Française, 2002, 166 p.

[2] Luc Rouban, « Quelle réforme pour l’Etat en France ?, Futuribles, avril 2001, n° 263, pp. 5-22, voir p. 10.

[3] Bruno Oppetit, Droit et modernité, PUF, coll. Doctrine juridique, 1998, 299 p.

[4] L’auteur rapproche les dispositions des articles L. 200-1 et L. 200-2 du Code rural. Cf. G. Martin, « Précaution et évolution du droit », in Le principe de précaution dans la conduite des affaires humaines, MSH et INRA, Paris, 1997, p. 331-351.

[5] Il faut cependant noter ces dernières années, la tendance à prise en compte par les entreprises elles-mêmes de leur responsabilité environnementale et sociale afin de préserver leur image auprès du public et des marchés financiers.

[6] voir les textes annexés à la fin du présent exposé, cf. Principe 15 de la Déclaration de Rio, l’Art. 2 §2 Convention OSPAR 1992, etc.

[7] Résolution du 13 avril 1999.

[8] Commission des Communautés européennes, Communication sur le recours au principe de précaution, COM (2000) I.

[9] Qu’il s’agisse des intérêts individuels des particuliers ou des entreprises, de celui des experts à qui l’on reproche d’être trop liés aux décideurs publics ou privés qui les financent ou des médias, qui se présentent comme le reflet de l’opinion publique.

[10] L’évaluation des risques répond à quatre préoccupations essentielles : identifier les problèmes potentiels ; déterminer les niveaux de risques en déterminant des seuils ; estimer l’exposition des individus au risque considéré ; qualifier les résultats en fonction des seuils déterminés.

[11] L’Institut de veille sanitaire est un établissement public de l’Etat, placé sous la tutelle du Ministre chargé de la santé, crée par la loi du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l’homme. Voir le site Internet de l’Institut :

[12] Etablissement public de l’Etat placé sous la tutelle des ministères de la Santé, de l’Agriculture et de la Consommation, l’Afssa a été créée le 1er avril 1999 en application de la loi du 1er juillet 1998 relative à la veille sanitaire et à la surveillance des produits destinés à l’homme. Les missions de l’AFSSA : Evaluer les risques nutritionnels et sanitaires des aliments depuis la production des matières premières jusqu’à la distribution au consommateur final ; Mener des activités de recherche et d’appui technique en matière de santé animale, hygiène des aliments et nutrition ; Assurer des missions spécifiques en matière de médicament vétérinaire : évaluation des dossiers d’autorisation de mise sur le marché, de limites maximales de résidus, contrôle de qualité, contrôle de la publicité, pharmacovigilance vétérinaire. Voir le site Internet de l’Agence :

[13] Les organes de veilles (AFSSA et IVS) mettent en ligne des information en temps réel sur leur site internet. De même les travaux des diverses commissions de débat et de consensus sont en ligne sur leur site Internet respectif.

[14] Cette institution, sur saisine ministérielle, réunit un conseiller d’Etat, des parlementaires, des élus locaux, des magistrats, des représentants des usagers et du secteur associatif et des personnalités qualifiées. Sa mission est d’instaurer un débat le plus large possible en amont de la réalisation des « grandes opérations publiques d’aménagement d’intérêt national de l’Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics et des sociétés d’économie mixte ». Voir le site de la CNDP : http://www.debatpublic.fr

[15] Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, JO, n° 54 du 5 mars 2002, p. 4118. La Conférence est composée selon l’article 34 de la loi « de représentants des professionnels de santé et des établissements de santé ou d’autres structures de soins ou de prévention, des représentants des conseils régionaux de santé, des usagers et des personnalités qualifiées ». Elle est notamment chargée de « faire des propositions aux pouvoirs publics et aux professionnels de santé en vue d’améliorer le fonctionnement du système de santé, la prise en charge des personnes malades et la réponse aux besoins de la population ». Elle doit « participer à l’organisation de débats publics permettant l’expression des « citoyens » sur des questions de santé ou d’éthique médicale ».

[16] Site du Comité de la prévention et de la précaution :
http://www.environnement.gouv.fr/ministere/comitesconseils/cpp-fiche-descriptive.htm

[17] Site de la Commission française de Développement durable (CFDD) :
http://www.cfddurable.org/fr/index.html

[18] Constatant que la conférence de citoyens sur les OGM (la première en France) organisée par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques n’a pas été suivie de nouvelles initiatives du même type, la CFDD a décidé d’organiser elle-même, en partenariat avec la Cité des Sciences et de l’Industrie, une conférence de citoyens sur "Changements climatiques et citoyenneté" ; elle s’est déroulée de décembre 2001 à février 2002. Rapport disponible sur le site de la CFDD :
http://www.cfddurable.org/fr/conference/conference.html.

[19] Voir notamment les remarques de Pierre-Benoît Joly, « Quand les ’candides’ évaluent les OGM, la Conférence de citoyens, nouveau modèle de démocratie technique ou manipulation médiatique ? », in Actes du colloque de la Villette, L’opinion publique face aux plantes transgéniques, Albin Michel, coll. Bibl. Idées, sept. 1999, pp. 137-155.

[20] Le juge administratif de la responsabilité fait application des deux éléments principaux du principe de précaution, sans le citer, à savoir la prise en compte d’un risque sanitaire non répertorié sur le fondement d’un régime de responsabilité subjective. Mais les décisions ne sont pas nombreuses pour déterminer la direction exacte. D’ailleurs, le juge judiciaire non plus n’a encore jamais appliqué le principe de précaution en tant que tel. Il est très peu probable que le juge pénal s’en serve un jour. Il est vrai que le juge civil accepte parfois de renverser la charge de la preuve dans certaines situations mais cela ne prouve nullement une quelconque volonté d’appliquer le principe de précaution. Par ailleurs, l’application du principe de précaution par le juge pénal s’oppose au principe de légalité des délits et des peines, au principe du caractère intentionnel de la faute, à la volonté actuelle du législateur d’encadrer très strictement la responsabilité pénale pour faute d’imprudence. Ce principe n’a donc pas encore d’incidence directe sur le droit privé de la responsabilité, ni sur sa fonction, ni sur ses conditions d’engagement.

[21] CJCE, 24 novembre 1993, Etablissements Mondiet, Affaire C-405/92, Rec. P. I-6133. La Cour était saisie sur plusieurs questions préjudicielles [posées par le tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon] relatives à la validité de l’article 1er, point 8, du règlement (CEE) n° 345/92 du Conseil, du 27 janvier 1992 prévoyant certaines mesures techniques de conservation des ressources de pêche.

[22] La Cour conclue que : « les mesures de conservation des ressources de pêche ne doivent pas être pleinement conformes aux avis scientifiques et l’absence ou le caractère non concluant d’un tel avis ne doit pas empêcher le Conseil d’adopter les mesures qu’il juge indispensables pour réaliser les objectifs de la politique commune de la pêche ».

[23] CJCE, 5 mais 1998, The Queen c/ Ministry of Agriculture, Fisheries and food, Commissioners of Custums and Excise, ex parte, National Farmers Union (demande de décision préjudicielle formée par la High Court of Justice de Londres sur la validité de l’article 1er de la décision 96/239/CE de la Commission en date du 27 mars 1996 et relative à certaines mesures d’urgence en matière de protection contre l’encéphalographie spongiforme bovine), Affaire C-157/96, Rec. p. I-2211.

[24] CJCE, 29 avril 1999, The Queen c/ Secretary of State for the Environment, Minister of Agriculture, Fisheries and Food, exparte, H.A. Standley, Affaire C-293/97, Rec. 1999, p. I-2603.

[25] Philippe Manin mentionne dans son ouvrage Les Communautés européennes, L’Union européenne, Pédone, 1998, 4e éd., p. 387, un arrêt de la CJCE du 25 janvier 1979, Racke, 98/78, Rec. p. 69, dans lequel « la Cour décide de son propre chef, de ne pratiquer qu’un contrôle ’restreint’ dans les cas où l’auteur de l’acte doit procéder à une appréciation de faits de caractère technique. Dans ce cas, elle se borne à vérifier que la décision ne repose pas sur des faits matériellement inexacts, n’est entaché d’aucune erreur de droit, d’aucune erreur manifeste d’appréciation ni de détournement de pouvoir ».

[26] CJCE, 21 mars 2000, Association Greenpeace France et Ministère de l’Agriculture et de la Pêche, décision rendue à titre préjudiciel sur saisine du Conseil d’Etat français, Affaire C-6/99, Rec. 2000, p. I-1651 ; Actualité juridique du Droit administratif (AJDA), 20 mai 2000, p. 451-452.

[27] Voir par exemple CJCE, 14 juillet 1998, Safety Hi-Tech Srl, C-284-95, Rec. 1998, p. I-4301 où la Cour déclare que : « en raison de la nécessité de la mise en balance de certains des objectifs et principes visés à l’article 130 R, ainsi que de la complexité de la mise en œuvre des critères, le contrôle judiciaire doit nécessairement se limiter au point de savoir su le Conseil, en adoptant le règlement, a commis une erreur d’appréciation manifeste quant aux conditions d’application de l’article 130 R du traité ». Voir aussi : CJCE, 21 janvier 1999, Upjohn, C-120/97, Rec. p. I-223, où la Cour indique (points 33 et 34) que le juge ne peut effectuer qu’un contrôle juridictionnel restreint en matière d’appréciations complexes en l’occurrence, relevant du domaine médico-pharmacologique. Enfin, dans un arrêt du 4 juillet 2000, Laboratoires pharmaceutiques Bergaderm et Jean-Jacques Goupil, Affaire C-352/98 P, Rec. 2000, p. I-5291, la CJCE a eu l’occasion de préciser que la Commission devait disposer dans les dossiers délicats et controversés, d’une marge d’appréciation et du temps nécessaires à l’analyse de problèmes complexes.

[28] Le contrôle de a proportionnalité de la décision est rendu difficile non seulement parce qu’elle résulte souvent de l’urgence mais aussi parce qu’une décision prise en situation d’incertitude rend difficile l’appréciation par le juge du caractère nécessaire d’une mesure. Le juge cherche d’abord à savoir si l’auteur de la mesure de précaution était informé et a étudié les données scientifiques disponibles au moment de décider. Voir CJCE, 5 mai 1998, National Farmers’ Union e.a., Affaire C-157/96, RFDA, mai-juin 2001.

[29] La CJCE définit ce principe comme celui qui « vise notamment à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques relevant du droit communautaire ». Cf. CJCE, 15 février 1996, Duff e.a., C-63/93, Rec. I-569, point 20.

[30] Voir TPI, 17 février 1998, Pharos SA c/ Commission, T-105/96, Rec. 1998, p. II-285 ; CJCE, 18 novembre 1999, Pharos SA, Affaire C-151/98 P. La CJCE confirmera l’arrêt de la TPI en reconnaissant l’absence de violation des principes mentionnés étant donné que la Commission était obligée de lever l’incertitude sur la nature du risque que présente le produit à l’origine de la demande d’autorisation. Elle précisera cependant, que la Commission n’est pas tenue de recueillir des avis scientifiquesen plus de ceux prévus par le droit positif.

[31] E 25 septembre 1998, Association Greenpeace France c/ Ministère de l’agriculture et de la pêche, n° 194348, Concl. M. Stahl. Voir pour les commentaires : Joël Andriantsimbazovina, « Le CE et le principe de précaution : L’affaire du maïs transgénique », Dr. adm., juin 1999, p. 4 et s. ; Martine Remond-Gouilloud, « Les OGM au Conseil d’Etat : Commentaire de l’arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 25 septembre 1998 », G.P., 22-23 janvier 1999, p. 13 (texte de l’arrêt p. 23) ; voir aussi la note de la revue Dr. Adm., octobre 1998, p. 18, n° 310. La Haute juridiction était saisi par des associations écologiques sur des autorisations accordées par le Gouvernement en novembre 1997 de mettre sur le marché un maïs dont l’organisme a été génétiquement modifié. Or une seule mutation d’un des gènes introduit risquait entraîner selon certains biologistes un phénomène de résistance aux céphalosporines, une nouvelle classe d’antibiotiques de plus en plus utilisée en médecine humaine. (L’Express, 5 février 1998, « Maïs transgénique : Les apprentis sorciers »). Le Conseil accorde le sursis à exécution de l’arrêté du 5 février 1998, du Ministère de l’agriculture et de la pêche portant modification du catalogue officiel des espèces et variétés de plantes cultivées en France, autorisant la dissémination du maïs transgénique Novartis. Les demandeurs avaient notamment fondé leur requête sur le « principe de précaution ».

[32] Nous avons eu l’occasion de déceler la tendance récente à la reconnaissance d’un principe général de droit par le juge administratif français. Zia Oloumi, « Vers un nouveau principe général de droit : le respect du principe de précaution », Revue d’actualité juridique Française, disponible sur Internet à l’adresse :
http://www.rajf.org/article.php3 ?id_article=1405.

[33] F. Terré, Introduction au droit, Dalloz, 1999, n° 254.

[34] Sur cet aspect voir la contribution de Patrice Reis, « Chapitre 3 : De l’impact de l’application ou de la non application du principe de précaution quant aux préjudices dans le cadre du commerce international », in Le Droit au défi de l’économie, Sous la direction de Yves Chaput, Publications de la Sorbonne, 2002.

[35] Pour aller plus loin sur la jurisprudence communautaire voir nota.Philippe Greciano, « Sur le principe de précaution en droit communautaire », Les Petites Affiches (PA), 20 mars 2001, n° 56, p. 4-7.

[36] Qu’il s’agisse du clonage des mammifères, du séquençage du génome, ou des organismes génétiquement modifiés. Le généticien A. Khan dresse un remarquable bilan des menaces et opportunités réelles en soulignant la particularité des progrès de la génétique : « Les hommes ont toujours été inquiets de l’avenir - source à la fois d’espoirs et de peurs. Mais cette inquiétude s’est sans doute accrue à mesure que le changement s’accélérait et qu’au sentiment de continuité se substituait l’anticipation de ruptures, donc celui d’une pluralité de futurs possibles… », in A. Kahn, « Les progrès de la génétique : Risques et opportunités, peurs et espoirs », Futuribles, n°223, septembre 1997, p. 5-27.

[37] En soulignant « qu’eu égard par ailleurs à la nature des conséquences que l’exécution de l’arrêté pourrait entraîner… », le Conseil d’Etat donne une formulation explicite du principe de précaution.

[38] Dans sadécision du 11 décembre 1998, le CE décide de ne pas se prononcer sur le fond, en renvoyant le problème devant la Cour de justice de la communauté européenne, chargée de lui indiquer l’étendue de ses propres compétences en la matière. En effet, le Conseil aurait pu saisir l’occasion de se prononcer sur les deux aspects induits du principe de précaution : quant à sa réception et à son application totale et quant à ses effets sur le droit de la responsabilité. Mais sur ces deux aspects, le Conseil d’Etat n’a pas voulu trancher, laissant sans doute le temps de la réflexion notamment au législateur.

[39] Il a également considéré que l’un des quatre risques évoqués par les associations requérantes, celui de l’apparition possible d’un gêne de résistance à un antibiotique, n’avait pas fait l’objet d’une évaluation complète dans le dossier rendu par la Commission d’étude de la dissémination des produits issus du génie biomoléculaire, ce qui constituait un vice de forme (au vu de la loi n°92-654 du 13 juillet 1992 autorisant la dissémination des OGM).

[40] Nous verrons qu’il refuse de l’appliquer dans le contentieux de la responsabilité et se cantonne à l’appréciation du respect du processus de la décision publique.

[41] voir par exemple, CE, 30 juin 1999, Mme Germain, Juridique éditions Lamy.

[42] CAA Paris, 24 juin 1999, Association pour la protection de Saint-Leu Taverny et leur environnement, Juridisque éditions Lamy.

[43] CE, 28 juillet 1999, Association intercommunale « Morbian sous très haute tension » et autres, Revue « Droit de l’environnement », n° 72, p. 13-14.

[44] Il considère qu’il « n’appartient pas au juge de l’excès de pouvoir d’apprécier l’opportunité de la décision d’EDF de ne pas procéder à l’enfouissement total ou partiel de la ligne ».

[45] CE, 24 février 1999, Société Pro-Nat, Juridisque éditions Lamy.

[46] CE, 1er octobre 2001, Association Greenpeace France, Req. n° 225008.

[47] Le Conseil d’Etat indique « qu’alors même que la culture de l’une des variétés génétiquement modifiées contenues dans les lots de semences en cause n’était pas autorisée, il ne ressort pas des pièces du dossier qu’en s’abstenant de prononcer la destruction des cultures litigieuses, l’auteur de l’acte attaqué ait commis une erreur manifeste dans l’appréciation des risques, ni qu’il ait pris une décision disproportionnée aux risques ainsi appréciés et méconnu le principe de précaution ».

[48] TA Rouen, 22 septembre 1999, Association pour la défense et le développement de la presqu’île de Brotonne, AJDA, février 2000, p. 176.

[49] Comme cela a été le cas dans CE, 28 juillet 1999, Association intercommunale « Morbihan sous très haute tension » et autres

[50] Sur la théorie du bilan, voir l’arrêt de référence, CE, 28 mai 1971, Ministre de l’Equipement et du Logement c/ Fédération de défense des personnes concernées par le projet actuellement dénommé « Ville Nouvelle Est », Rec. p. 409.

[51] Voir les recommandations en ce sens du Comité consultatif national d’éthique, avis n° 57, 20 mars 1998, Progrès technique, santé et modèle de société, la dimension éthique des choix collectifs, texte de l’avis disponible sur Internet : .

[52] Lire à ce propos, les conclusions du Commissaire du Gouvernement Jacques-Henri Stahl sous CE, 25 septembre 1998, Association Greenpeace France, non publiée. A l’appui de ces affirmations, le commissaire du gouvernement cite les arrêts CE, 23 avril 1982, Société pour l’étude et la protection de la nature en Bretagne, T, p. 725 ; CE, 27 avril 1951, Société Toni, Rec. p. 236, Ass., 28 février 1975, Herr et autres, p. 162 ; CE, 4 mai 1979, Département de la Savoie, p. 185 ; CE, 10 février 1984, Association Les Amis de la Terre, p. 52 et 23 mars 1990, Société Acopansa, p. 80.

[53] La CJCE a répondu dans son arrêt du 21 avril 2000, Association Greenpeace France et autres c/ Ministère de l’Agriculture et de la Pêche, Rec. 2000, p. I-1651 ; AJDA, 20 mai 2000, pp. 451 et s.

[54] CE, 22 novembre 2000, n°194348, 195511, 195576, 195611, 195612, Association Greenpeace France et autres ; Texte intégral disponible sur

[55] voir les travaux de la commission Yves Coppens sur la future Charte de l’environnement. Le Monde du 16 avril 2003

[56] A ce jour et jusqu’à son adoption définitive en juin 2003, deux versions distinctes ont été proposées, qu’il s’agisse de la version allégée ou renforcée. Voici les deux versions proposées : L’une ne fait qu’évoquer des mesures de « précaution » sans se référer au principe du même nom : « Quand un risque de dommage à l’environnement grave et difficilement réversible a été identifié sans qu’il puisse être établi avec certitude en l’état des connaissances scientifiques, les autorités publiques mettent en oeuvre, par précaution, des procédures d’évaluation et prennent les mesures appropriées. » ; L’autre version est plus ferme : « La préservation et la mise en valeur de l’environnement reposent sur les principes suivants : le principe de prévention - selon lequel les atteintes à l’environnement et à la santé doivent être corrigées par priorité à la source ; le principe de précaution - selon lequel, quand un risque de dommage grave ou irréversible à l’environnement ou à la santé a été identifié, sans qu’il puisse être établi avec certitude en l’état des connaissances scientifiques, l’autorité publique met en oeuvre un programme de recherche et prend les mesures provisoires et proportionnées propres à y parer ; le principe pollueur-payeur (...) ».

[57] Cet article est tiré d’une contribution au Séminaire « GEM Risques », Ecole des Mines de Paris, Pôle cindyniques, avril 2003.

© - Tous droits réservés - Zia OLOUMI - 12 juin 2004

 


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