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Conseil d’Etat, 7 juillet 2008, n° 300836, Etablissement public foncier de la région Nord-Pas de Calais

Les titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d’une part, s’ils justifient, à la date à laquelle ils l’exercent, de la réalité d’un projet d’action ou d’opération d’aménagement répondant aux objets mentionnés à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n’auraient pas été définies à cette date et, d’autre part, s’ils font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 300836

ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER DE LA REGION NORD-PAS DE CALAIS

Mme Laure Bédier
Rapporteur

Mlle Anne Courrèges
Commissaire du gouvernement

Séance du 21 mai 2008
Lecture du 7 juillet 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 1ère et 6ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 1ère sous-section de la Section du contentieux

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 janvier et 23 avril 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour l’ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER DE LA REGION NORD-PAS DE CALAIS, dont le siège est 17, rue Edouard Delesalle à Lille (59000) ; l’ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER DE LA REGION NORD-PAS DE CALAIS demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 16 novembre 2006 par lequel la cour administrative d’appel de Douai a rejeté sa requête tendant, d’une part, à l’annulation du jugement du 26 mai 2005 du tribunal administratif de Lille annulant sa décision du 7 janvier 2003 d’exercer le droit de préemption délégué par la commune de Somain sur divers immeubles appartenant à M. Daniel Ma., Mme Louise Q. et la Société Fourmisienne des Pétroles et, d’autre part, au rejet des demandes présentées en première instance tendant à l’annulation de cette décision ;

2°) réglant l’affaire au fond, d’annuler le jugement du tribunal administratif et de rejeter les demandes tendant à l’annulation de la décision du 7 janvier 2003 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu le décret n° 90-1154 du 19 décembre 1990 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Laure Bédier, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de l’ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER DE LA REGION NORD-PAS DE CALAIS et de SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de Me M.,

- les conclusions de Mlle Anne Courrèges, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 7 janvier 2003, le directeur de l’ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER DE LA REGION NORD-PAS DE CALAIS a exercé le droit de préemption délégué à cet établissement par la commune de Somain, en application d’une délibération de son conseil municipal du 19 juin 2002, sur plusieurs immeubles situés rue Wilson à Somain ; que, par un jugement en date du 26 mai 2005, le tribunal administratif de Lille a annulé pour excès de pouvoir cette décision ; que, par un arrêt du 16 novembre 2006, contre lequel l’ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER DE LA REGION NORD-PAS DE CALAIS se pourvoit en cassation, la cour administrative d’appel de Douai a confirmé ce jugement en retenant trois motifs d’annulation fondés respectivement sur la méconnaissance des articles L. 324-1 et L. 324-7 du code de l’urbanisme, sur l’absence d’avis du service des domaines et sur la méconnaissance des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l’urbanisme ;

Considérant qu’il résulte des termes mêmes du décret du 19 décembre 1990 qui l’a institué que l’ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER DE LA REGION NORD-PAS DE CALAIS est un établissement public d’aménagement de l’Etat relevant des articles L. 321-1 et suivants du code de l’urbanisme, alors en vigueur et non un établissement public foncier local régi par les articles L. 324-1 et suivants de ce code ; que, par suite, l’article L. 324-7 du code de l’urbanisme qui soumet les actes et délibérations des établissements publics fonciers locaux au contrôle de légalité prévu par les articles L. 2131-1 à L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales ne lui est pas applicable ; qu’ainsi, en jugeant illégale cette décision au motif qu’elle n’avait pas été transmise au représentant de l’Etat dans le cadre du contrôle de légalité dans le délai de deux mois suivant la réception de la déclaration d’intention d’aliéner, la cour administrative d’appel de Douai a commis une erreur de droit ;

Considérant, toutefois, en premier lieu, qu’aux termes du premier alinéa de l’article R. 213-21 du code de l’urbanisme : " Le titulaire du droit de préemption doit recueillir l’avis du service des domaines sur le prix de l’immeuble dont il envisage de faire l’acquisition dès lors que le prix ou l’estimation figurant dans la déclaration d’intention d’aliéner ou que le prix que le titulaire envisage de proposer excède le montant fixé par l’arrêté du ministre des finances prévu à l’article 3 du décret du 5 juin 1940 modifié " ; que cette formalité présente un caractère substantiel ; que si l’ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER DE LA REGION NORD-PAS DE CALAIS soutient qu’un avis du service des domaines avait été émis peu de temps avant la décision de préemption litigieuse, à la suite d’une précédente déclaration d’intention d’aliéner relative aux mêmes immeubles, de sorte qu’une nouvelle consultation n’était pas nécessaire, et s’il produit à l’appui de son pourvoi quatre courriers du directeur des services fiscaux datés du 30 novembre 2002 et relatifs aux immeubles préemptés, il ressort des pièces du dossier que cette argumentation et ces pièces sont nouvelles en cassation ; que, par suite, et en tout état de cause, l’ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER DE LA REGION NORD-PAS DE CALAIS n’est pas fondé à soutenir que la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit en jugeant qu’il ne justifiait pas avoir procédé à la consultation requise du service des domaines et en retenant le motif tiré de l’absence d’avis de ce service pour juger irrégulière la décision de préemption ;

Considérant, en second lieu, qu’aux termes de l’article L. 210-1 du code de l’urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l’intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objectifs définis à l’article L. 300-1 (.). / Toute décision de préemption doit mentionner l’objet pour lequel ce droit est exercé (.) " ; qu’aux termes de l’article L. 300-1 du même code : " Les actions ou opérations d’aménagement ont pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l’habitat, d’organiser le maintien, l’extension ou l’accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs, de lutter contre l’insalubrité, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels (.) " ; qu’il résulte de ces dispositions que les titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d’une part, s’ils justifient, à la date à laquelle ils l’exercent, de la réalité d’un projet d’action ou d’opération d’aménagement répondant aux objets mentionnés à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n’auraient pas été définies à cette date et, d’autre part, s’ils font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption ; qu’en jugeant que la décision de préemption du 7 janvier 2003 ne satisfaisait pas aux exigences résultant de ces dispositions, après avoir relevé que cette décision se bornait à faire référence à un projet de restructuration du quartier des Cheminots que " la commune de Somain a décidé de réinvestir progressivement ", compte tenu de " la présence d’équipements publics structurant et d’équipements commerciaux, appelés à être renforcés à court et moyen terme " et selon " une problématique générale de prévention sociale et de mutation des activités et équipements destinés aux habitants ", la cour administrative d’appel de Douai n’a pas commis d’erreur de droit ni entaché son appréciation de dénaturation ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée en défense, que sur les trois motifs retenus par la cour administrative d’appel de Douai pour juger illégale la décision de préemption du 7 janvier 2003 et rejeter la requête de l’ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER DE LA REGION NORD-PAS DE CALAIS, les deux motifs tirés, d’une part, de l’absence d’avis du service des domaines et, d’autre part, de la méconnaissance des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l’urbanisme justifient légalement le dispositif de l’arrêt attaqué ; que, par suite, l’ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER DE LA REGION NORD-PAS DE CALAIS n’est pas fondé à en demander l’annulation ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER DE LA REGION NORD-PAS DE CALAIS le versement à Me M., liquidateur de Mme Q. et de la Société Fourmisienne des Pétroles, de la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : Le pourvoi de l’ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER DE LA REGION NORD-PAS DE CALAIS est rejeté.

Article 2 : L’ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER DE LA REGION NORD-PAS DE CALAIS versera à Me M., liquidateur de Mme Q. et de la Société Fourmisienne des Pétroles, la somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l’ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER DE LA REGION NORD-PAS DE CALAIS, à M. Daniel Ma., à la SCI des petits-fils de Victor Ma. et à Maître Dominique M..

 


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