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Conseil d’Etat, 5 juin 2002, n° 204741, SA Charrier

En jugeant les opérations effectuées par la société requérante constitutives de "livraisons de biens meubles corporels" au sens du II de l’article 256 du code général des impôts, dès lors qu’elles consistaient à fabriquer et livrer de tels biens, nécessaires aux activités de production de leurs acquéreurs, et ce, nonobstant les circonstances que la société concourait à la conception de ces produits et que la valeur de la matière première n’entrait dans le prix de ces derniers que pour une faible part, la cour administrative d’appel a, contrairement à ce que soutient la requérante, donné aux opérations litigieuses une qualification juridique exacte.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 204741

S.A. CHARRIER

M. Fabre, Rapporteur

M. Courtial, Commissaire du gouvernement

Séance du 15 mai 2002

Lecture du 5 juin 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux,

(Section du contentieux, 9ème et 10ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 février et 16 juin 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la S.A. CHARRIER, dont le siège est Z.I. de la Fossette à Douvres-la-Délivrande (14.440) ; la S.A. CHARRIER demande au Conseil d’Etat d’annuler l’arrêt du 15 décembre 1998 par lequel la cour administrative d’appel de Nantes a rejeté sa requête aux fins de décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été assigné au titre de la période du 1er avril 1986 au 31 décembre 1989 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Fabre, Conseiller d’Etat,
- les observations de Me Blondel, avocat de la S.A. CHARRIER,
- les conclusions de M. Courtial, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité de l’arrêt attaqué :

Considérant, en premier lieu, qu’en écartant le moyen tiré par la S.A. CHARRIER de ce que le jugement du tribunal administratif de Caen dont elle faisait appel n’aurait pas été régulièrement motivé en ce que le tribunal avait jugé qu’elle ne se prévalait pas utilement d’instructions administratives, au motif que les premiers juges avaient soutenu sur ce point leur décision par deux motifs, à l’encontre desquels la société ne formulait, d’ailleurs, aucune critique, la cour administrative d’appel de Nantes, qui n’a pas, ainsi, dénaturé les éléments du dossier dont elle était saisie, a, contrairement à ce que soutient la S.A. CHARRIER, suffisamment motivé, elle-même, à cet égard, l’arrêt attaqué ;

Considérant, en second lieu, qu’en écartant comme inopérant, au regard de l’application de la loi fiscale, le moyen tiré par la S.A. CHARRIER de ce que les contrats qui la lient à ses clients seraient des "contrats d’entreprise" au sens du droit civil, la cour administrative d’appel a régulièrement motivé son arrêt sur ce point ; qu’elle n’a pas davantage entaché celui-ci d’une insuffisance de motivation du fait qu’elle s’est abstenue, dans l’analyse qu’elle a faite de l’activité de la société, de commenter en particulier les pièces versées au dossier par cette dernière en vue d’éclairer les juges du fond quant à la nature des opérations qu’elle effectue ;

Sur le bien-fondé de l’arrêt attaqué :

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d’appel que la S.A. CHARRIER a pour activité l’élaboration de moules en acier destinés à la production en série d’objets, tels que des flacons de parfum, et qui lui sont commandés, par exemplaire unique, par des entreprises industrielles qui lui en fournissent les spécifications, dessins ou plans, sous réserve des modifications qu’elle peut suggérer d’y apporter afin de les rendre techniquement réalisables ; que, lorsqu’elle a fabriqué le moule ainsi défini, la société en fait livraison au client, et facture alors à celui-ci le prix, ferme et définitif, convenu entre eux dès la conclusion du marché ; que, toutefois, le moule devant encore être soumis à des essais qui entraînent fréquemment des rectifications, le client ne verse, en général, à la société, lors de la livraison, qu’un acompte, et ne complète le règlement du prix facturé que lorsque le moule est regardé comme ayant acquis sa forme définitive ; qu’une vérification de la comptabilité de la S.A. CHARRIER portant sur la période du 1er avril 1986 au 31 décembre 1989 ayant fait apparaître que celle-ci n’acquittait la taxe sur la valeur ajoutée qu’au fur et à mesure des encaissements réalisés de la sorte, l’administration, estimant que la livraison d’un moule constituait le fait générateur de la taxe due à raison de la totalité du prix facturé lors de cette livraison, a, de ce fait, assigné à la société le complément de taxe litigieux, correspondant à l’insuffisance qu’auraient présentée ses versements à la date du 31 décembre 1989 ;

En ce qui concerne l’application de la loi fiscale :

Considérant qu’aux termes de l’article 256 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l’espèce : "I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens meubles et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. II. La livraison d’un bien meuble s’entend du transfert de propriété d’un bien meuble corporel... III. Les opérations autres que celles définies au II :.. sont considérées comme des prestations de services" ; qu’en vertu des dispositions de l’article 269 du même code, la taxe est exigible, pour les livraisons de biens meubles, lors de la réalisation du fait générateur que constitue la délivrance des biens, et, pour les prestations de services, lors de l’encaissement des acomptes, prix ou rémunérations ;

Considérant, en premier lieu, qu’en jugeant la circonstance, alléguée par la S.A. CHARRIER, que les marchés conclus avec ses clients auraient, au regard du droit civil, le caractère de "contrats d’entreprise" indifférente au point de savoir si les opérations constituant l’objet de ces marchés devaient, pour l’application des dispositions précitées du code général des impôts prises pour l’adaptation de la législation nationale à la 6ème directive n° 77/388/CEE du 17 mai 1977, être qualifiées de "livraisons de biens meubles", ainsi que l’a estimé l’administration, ou de "prestations de services", ainsi que le soutenait la requérante, la cour administrative d’appel n’a, contrairement à ce que soutient cette dernière, pas commis d’erreur de droit ;

Considérant, en second lieu, qu’en jugeant les opérations effectuées par la S.A. CHARRIER constitutives de "livraisons de biens meubles corporels" au sens du II précité de l’article 256 du code général des impôts, dès lors qu’elles consistaient à fabriquer et livrer de tels biens, nécessaires aux activités de production de leurs acquéreurs, et ce, nonobstant les circonstances que la société concourait à la conception de ces produits et que la valeur de la matière première n’entrait dans le prix de ces derniers que pour une faible part, la cour administrative d’appel a, contrairement à ce que soutient la requérante, donné aux opérations litigieuses une qualification juridique exacte ;

En ce qui concerne l’application de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales :

Considérant, en premier lieu que, si l’administration a exposé, dans une instruction 3-CA-79 du 15 février 1979, que doivent, notamment, être regardées comme des prestations de services "toutes les opérations qui relèvent du louage d’industrie ou du contrat d’entreprise", c’est en précisant qu’elle visait ainsi les situations, telles que d’entremise, dans lesquelles "une personne s’oblige à exécuter, moyennant une rémunération déterminée, un travail quelconque" ; qu’en jugeant que la S.A. CHARRIER ne se prévalait pas utilement de cette interprétation, dès lors que son activité consistait à fabriquer et livrer des objets dont elle percevait le prix, la cour administrative d’appel a fait une exacte application de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en second lieu, que la documentation administrative de base 3 B 22, telle que mise à jour à la date du 1er novembre 1981, dont la S.A. CHARRIER s’est prévalue devant les juges du fond en ce qu’elle a trait à l’exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux recettes issues de l’exécution de marchés d’études précise qu’elle vise ainsi les marchés dont l"’objet ne consiste pas dans la livraison d’un matériel déterminé, mais dans l’étude des moyens de réalisation et des spécifications que doit comporter un matériel pour répondre aux conditions d’emploi et de rendement imposées par le client", à l’exclusion, notamment, de ceux qui prévoient "la fourniture d’un seul appareil, lequel est susceptible d’un emploi normal en fonction duquel il est fabriqué" ; que la cour administrative d’appel a fait, dès lors, une exacte application de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales en jugeant que la S.A. CHARRIER ne pouvait utilement invoquer ladite instruction, à défaut de remplir toutes les conditions auxquelles celle-ci subordonne l’application des règles qu’elle énonce ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la S.A. CHARRIER n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;

Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à la S.A. CHARRIER la somme que celle-ci réclame en remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la S.A. CHARRIER est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la S.A. CHARRIER et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

 


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