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19 mai 2002

Décision n° 87-D-27 du 1er septembre 1987 relative à la situation de la concurrence dans le secteur des sables et graviers du département de la Somme

LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE,

Vu la lettre du 29 avril 1985 du président du Conseil général de la Somme saisissant la Commission de la concurrence de la situation de la concurrence dans le secteur départemental des sables et graviers, ensemble la délibération du Conseil général de la Somme du 25 mars 1985 mandatant son président à cette fin ;

Vu les ordonnances n° 45-1483 et n° 45-1484 du 30 juin 1945 modifiées relatives, la première aux prix, la seconde à la constatation, la poursuite et la répression des infractions à la législation économique ;

Vu l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, relative à la liberté des prix et de la concurrence, modifiée, ensemble le décret n° 86-1309 pris pour son application

Vu le Code minier ;

Vu les observations présentées par le commissaire du Gouvernement et par le Conseil général de la Somme ;

Le rapporteur, le commissaire du Gouvernement et le rapporteur général entendus ;

Retient les constatations (I) et adopte la décision (II) ci-après exposées :

I. - Constatations

a) Caractéristiques générales du marché

Les sables, graviers et enrochements, désignés sous le terme plus général de granulais, sont utilisés en proportion approximativement égale par l’industrie du bâtiment (pour fabriquer les bétons hydrauliques) et par celle des travaux publics (pour viabiliser les terrains). Ils proviennent de carrières exploitées jusqu’à présent par des entreprises de dimensions modestes (au nombre, en 1984, de 2 655 pour 5 000 sites, les trente premiers exploitants ne réalisant que 20 p. 100 de la production nationale), mais des prises de participation croissantes de la part des grands cimentiers français ont été observées au cours de ces dernières années.

Les prix des granulais sont libres depuis le 23 avril 1986. En raison du caractère pondéreux des produits, le coût du transport représente un élément très important du prix : selon les professionnels, ce coût multiplie par deux le prix des granulais lorsqu’ils sont livrés à une quarantaine de kilomètres de leur lieu d’extraction.

Le marché de ce produit est donc nécessairement de dimensions géographiques restreintes.

Le marché est approvisionné à partir de carrières, lesquelles sont soumises à un régime juridique spécifique établi par les articles 105 et suivants du Code minier et par le décret n° 79-1108 du 20 décembre 1979 : si le droit d’exploitation est accordé par le propriétaire du sol par contrat Fixant les obligations des parties, son exercice est subordonné, dans le cas général où la superficie est supérieure à 500 mètres carrés, à la délivrance par arrêté préfectoral d’une autorisation d’ouverture et d’un permis d’exploitation temporaire et renouvelable ; pour les opérations les plus importantes, les avis du Conseil municipal et de la Commission départementale des carrières sont recueillis lors d’une enquête publique ; enfin, schémas d’urbanisme et plans d’occupation des sols doivent être respectés.

b) Caractéristiques particulières du marché dans le département de la Somme

Si le département de la Somme est, dans son ensemble, déficitaire en sables et graviers - 2 800 000 tonnes ont été consommées en 1982 pour une production avoisinant 2 100 000 tonnes -, l’arrondissement d’Abbeville, avec une production la même année de 1 300 000 tonnes de granulais de très bonne qualité peut satisfaire non seulement ses propres industries mais également, en partie, celles du domaine occidental du département, y compris la ville d’Amiens, principal centre de consommation.

La localisation des productions, concentrées sur deux sites principaux, l’un, de loin le plus important, constitué par les carrières situées de part et d’autre de la baie de Somme, et notamment sur la commune du Crotoy, l’autre établi sur la vallée de la Bresle, et l’influence du coût du transport sur la valeur marchande du produit, font qu’il est possible de délimiter un marché local des granulais comprenant l’arrondissement d’Abbeville et la partie Ouest de l’arrondissement d’Amiens.

Sur ce marché opèrent deux offreurs importants, exploitant tous deux des carrières sises sur le territoire de la commune du Crotoy, la société Oscar Savreux (ayant pour associé majoritaire la société Jean Lefèbvre) et la société Eurarco (contrôlée par la société Les Sablières modernes elle-même filiale du groupe des Ciments français).  Leur production a représenté en 1984 la moitié de la production totale du département (29 p. 100 pour Oscar Savreux, 21 p. 100 pour Eurarco), alors que la troisième plus grosse entreprise, le groupe Lhotelier, n’intervenait que pour 11,6 p. 100 dans cette même production.

Les productions annexes en sables et graviers de la société Galet de mer français, installée sur la rive Sud de la baie de Somme et spécialisée dans les silex abrasifs, ne sont pas sans importance puisqu’elles représentaient en 1984 près de 5 p. 100 de la production départementale. Cette société avait conclu en janvier 1982 un contrat de livraison de granulais avec l’une des sociétés du groupe Lhotelier, l’entreprise tréportaise de concassage. La prise de contrôle de Galet de mer français par Sablières modernes à la fin de l’année 1983 s’étant traduite par une augmentation du prix des livraisons à l’entreprise tréportaise celle-ci avait intenté une action judiciaire qui devait trouver sa conclusion dans une décision de la cour d’appel d’Amiens, laquelle, par arrêt du 31 octobre 1985 non frappé de pourvoi en cassation, devait déclarer nulle pour indétermination du prix de vente des matériaux livrés la convention passée par la demanderesse avec Galet de mer français.

C’est cette situation, accentuant l’emprise de Sablières modernes et, par cette société, du groupe Ciments français sur la production des granulais dans la Somme, qui a conduit le Conseil général et son président à faire part à la Commission de la concurrence de leur crainte de voir s’établir deux positions dominantes, celle des Ciments français sur le marché local du bâtiment, celle de Jean Lefebvre sur le marché local des travaux publics.

L’enquête a montré qu’en réalité la production cumulée des sociétés relevant des deux groupes était destinée à près de 80 p. 100 au secteur du béton.

Prises séparément, aucune des sociétés contrôlées par les deux groupes n’occupe une position dominante sur le marché tel qu’il a été défini.

Il existe cependant des liens structurels entre les deux plus importantes de ces sociétés, puisque Oscar Savreux détient 35 p. 100 du capital d’Eurarco et que trois de ses administrateurs, dont le président-directeur général, siègent au conseil d’administration d’Eurarco.

c) Comportement des deux principales sociétés et des groupes dont elles relèvent

Les groupes Ciments français et Jean Lefebvre ont, en matière de carrières, des politiques nationales différentes.  Alors que le groupe Ciments français a, pour maîtriser ses approvisionnements, créé une filiale spécialisée, les Sablières modernes, installée dans plusieurs régions, et qui extrait plus de 5 p. 100 des granulais français, le groupe Jean Lefebvre ne pratique pas jusqu’à présent l’intégration verticale, et Eurarco est la seule société dans laquelle ce groupe a des intérêts communs avec Sablières modernes.

Quant aux deux sociétés opérant sur le marché considéré, Eurarco et Oscar Savreux, leurs politiques commerciales se sont avérées, comme il ressort de l’enquête administrative, assez nettement différentes, tant en ce qui concerne leurs activités (exclusivement consacrées à l’extraction et à la vente de granulais pour Eurarco, partagées avec les travaux publics et le transport pour Oscar Savreux) que leurs tarifs et que les prix qu’elles pratiquent effectivement ; des manifestations de concurrence ont, par ailleurs, été constatées dans la recherche de clientèle.

Des parallélismes de comportements ont en revanche été observés à l’occasion de l’ouverture de nouvelles carrières sur des terrains jouxtant ceux exploités par l’une ou l’autre des deux sociétés, lesquelles ont fait part à la municipalité du Crotoy de leur opposition à l’arrivée de tiers en se prévalant des conventions passées avec la commune.

Ces conventions avaient été signées avec Eurarco et Oscar Savreux respectivement les 12 avril 1978 et 5 février 1982, à des dates où elles n’avaient pas encore été reprises par les grands groupes nationaux, mais leurs effets persistent.

Ces conventions, accordées par la commune dans la perspective d’un réaménagement futur des carrières en plans d’eau, comportent une clause de préférence par laquelle la commune s’engage à faciliter l’observation par ses contractants des autorisations nécessaires à la mise en valeur des terrains adjacents.

L’avis défavorable donné par la commune aux candidatures de nouveaux carriers n’a cependant pas empêché ceux-ci, en l’occurrence MM. Boinet et Michel Savreux, d’obtenir satisfaction.

Il n’existe pas d’éléments probants établissant qu’une ou des concertations ont eu lieu entre Eurarco et Oscar Savreux en vue de s’opposer à l’arrivée de concurrents au Crotoy.

En dehors des zones concernées par les conventions, si la cession entre tiers d’un terrain « Verdure » a bien fait l’objet d’un examen conjoint par les deux sociétés sans que la portée de cet examen ait pu être déterminée, des signes de comportements divergents ont en revanche été relevés en matière de recherche de nouveaux terrains sur la commune de Rue, voisine du Crotoy.

II. - A la lumière des constatations qui précèdent

LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE,

Considérant qu’un marché local des sables et graviers peut être défini dans les limites de l’arrondissement d’Abbeville et de la partie occidentale de l’arrondissement d’Amiens en raison de la structure de la production, de la localisation de la demande et de la part du coût des transports dans le prix de ces produits pondéreux  ;

Considérant qu’opèrent sur ce marché deux offreurs importants, dont la production satisfait plus des deux tiers des besoins de l’industrie du béton : la société Eurarco, qui relève par son actionnaire majoritaire les Sablières modernes du groupe Ciments français, et la société Oscar Savreux, qui a pour actionnaire majoritaire la société Jean Lefebvre ,

Considérant qu’aucune de ces deux sociétés n’occupe à elle seule une position dominante sur le marché, et que la prise de contrôle de la société Galet de mer français par Les Sablières modernes à la fin de 1983 n’a pas affecté les positions respectives dans le département des groupes dont elles dépendent ;

Considérant qu’il existe des liens entre les deux sociétés, Oscar Savreux détenant 35 p. 100 du capital d’Eurarco et y disposant de sièges d’administrateurs ; que les groupes dont ces deux sociétés relèvent n’ont pas d’autres liens connus que ceux décrits ci-dessus ;

Considérant que les liens existant entre Oscar Savreux et Eurarco ne pourraient constituer les deux sociétés en « groupe d’entreprises détenant une position dominante » au sens du dernier alinéa de l’article 50 de l’ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 que s’ils traduisaient une volonté commune de pratiquer une politique d’approvisionnements ou de ventes coordonnée ;

Considérant qu’Oscar Savreux, dont les activités sont plus diversifiées que celles d’Eurarco, ne pratique sur les granulais ni les mêmes tarifs, ni les mêmes remises que celle-ci et que la recherche de clientèle a mis en certaines occasions les deux sociétés aux prises ;

Considérant qu’Oscar Savreux et Eurarco, qui exploitent leurs carrières sur le territoire de la commune du Crotoy, ont eu des comportements similaires en intervenant auprès de la municipalité lors de l’arrivée de nouveaux carriers sur des terrains jouxtant leurs sites ;

Mais considérant que ces comportements s’appuient sur les dispositions de conventions passées par l’une et l’autre des sociétés avec la commune du Crotoy, et plus précisément sur une clause de préférence par laquelle la commune s’est engagée à faciliter l’accès de ses contractants aux terrains adjacents à ceux déjà concédés ;

Considérant, en tout état de cause, qu’aucun élément probant n’établit que ces comportements résultent d’une politique coordonnée ou d’une entente entre les deux sociétés destinée à faire pression sur la municipalité du Crotoy pour empêcher l’installation de nouveaux concurrents sur le territoire de la commune ,

Considérant que si, dans d’autres domaines du secteur examiné, sont apparus des signes de concertation, alors que d’autres faits suggèrent à l’inverse l’existence d’une compétition, il n’est pas établi que le jeu de la concurrence ait pu en être empêché, restreint ou faussé ;

Considérant que, dans ces conditions, il n’est pas établi que les deux sociétés constituent un groupe d’entreprises occupant une position dominante caractérisée par une concentration manifeste de la puissance économique et dont les activités ont eu pour objet ou ont pu avoir pour effet d’entraver le fonctionnement normal du marché, ni qu’elles ont formé une entente tombant sous le coup des dispositions de l’article 50 paragraphe 1er de l’ordonnance du 30 juin 1945 ;

Considérant enfin que les demandes du Conseil général de la Somme tendant à ce que soient étudiés, d’une part, les effets à terme des prises de contrôle par les deux groupes nationaux de carrières situées dans le département de la Somme, et, d’autre part, la politique à suivre dans l’avenir en matière d’ouverture de carrières, ne relèvent pas de la compétence du Conseil de la concurrence dans les conditions de la présente saisine ; que la demande du Conseil général relative aux effets d’une éventuelle concertation sur les offres concernant les travaux routiers intéresse le secteur aval de celui qui vient d’être examiné, secteur dans lequel l’enquête administrative n’a relevé aucun signe décisif d’entente,

D E C I D E  :

Il n’y a pas lieu de poursuivre la procédure.

Délibéré en section, sur les observations de M. J. GOURLET, dans sa séance du 1er septembre 1987 où siégeaient  : M. BETEILLE, vice-président, présidant MM. BON, CERRUTI, Mme LORENCEAU, MM. MARTIN LAPRADE et SCHMIDT, membres.

 


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