LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE, siégeant en commission permanente
le 25 mars 1987,
Vu la lettre du 30 janvier 1987 de la société d’avocats
Fourgoux et associés saisissant, au nom du Bureau européen
des médias de l’industrie musicale (B.E.M.I.M.) et des exploitants
des discothèques, La Brocherie, Aristoclub, Nouba-Club, Auberge
du Coeur, Volant-Pacha Club, Centre de loisirs Etoile Foch, Le Xenon, L’Evasion
et Société fermière du casino du Mail, le Conseil
de la concurrence de pratiques de la Société des auteurs,
compositeurs et éditeurs de musique (S.A.C.E.M.) considérées
comme constitutives de l’exploitation abusive tant d’une position dominante
que d’états de dépendance ;
Vu la lettre du 11 mars 1987 du Président-directeur général
du Casino des Fleurs de Cannes, ayant le même objet ;
Vu l’ordonnance n°86-1243 du 1er décembre 1986 relative à
la liberté des prix et de la concurrence et le décret n°86-1309
du 29 décembre 1986 pris pour son application ;
Le commissaire du Gouvernement entendu ;
Sur la qualité des saisissants :
Considérant que les dispositions de l’article 11 de l’ordonnance
n°86-1243 du 1er décembre 1986 ne donnent qualité pour
saisir le Conseil de la concurrence qu’au ministre chargé de l’Economie,
aux entreprises et, pour toute affaire qui concerne les intérêts
dont ils ont la charge, aux organismes visés au deuxième
alinéa de l’article 5 de ladite ordonnance, au nombre desquels figurent
les organisations professionnelles et syndicales ;
Considérant que les discothèques, qui sont des entreprises
au sens de l’article 11 de l’ordonnance du 1er décembre 1986, ont
qualité pour saisir le Conseil de la concurrence ;
Considérant en revanche que le B.E.M.I.M. n’a pas communiqué
ses statuts et n’a pas justifié de sa nature professionnelle ou
syndicale, ni des intérêts dont il pourrait avoir la charge
; que, dès lors, la saisine de cet organisme doit être considérée
comme non recevable ;
Sur les faits invoqués dans la lettre de saisine :
Considérant qu’il est reproché à la S.A.C.E.M.
de contrevenir aux dispositions de l’article 8 de l’ordonnance susvisée
du 1er décembre 1986 ;
Considérant qu’il appartient aux saisissants d’apporter au Conseil
de la concurrence des éléments suffisamment probants pour
lui permettre d’apprécier, non seulement la réalité
des faits invoqués, mais aussi leur pertinence au regard d’une éventuelle
application de ce texte , que ces éléments doivent porter
en l’espèce :
-sur l’existence d’une position dominante de la S.A.C.E.M. sur le marché
intérieur ou une partie substantielle de celui-ci, ou sur l’état
de dépendance économique dans lequel se trouve vis-à-vis
d’elle un saisissant ne disposant pas par ailleurs de solution équivalente
;
- sur des comportements constitutifs d’abus ;
-sur l’objet ou sur l’effet de tels abus sur le jeu de la concurrence
;
Considérant qu’il est fait valoir à juste titre que la
S.A.C.E.M., seul organisme professionnel français de gestion des
droits des auteurs de musique, dispose d’un monopole de fait sur le marché
national de la perception et de la répartition des droits des auteurs,
compositeurs et éditeurs de musique ;
Considérant qu’il est reproché, à titre d’abus,
à la S.A.C.E.M. :
1) De refuser de faire connaître aux discothécaires la
liste des oeuvres inscrites à son répertoire propre, celle
des oeuvres inscrites aux répertoires des sociétés
d’auteurs étrangères qu’elle représente, celle des
oeuvres qui seraient « libres » ;
2) D’empêcher ainsi les utilisateurs d’offrir à leur clientèle
un sous-ensemble de répertoire et de pratiquer un système
de vente liée les obligeant à traiter uniformément
pour la totalité du répertoire mondial ;
3) De cloisonner le marché mondial des répertoires musicaux
en privant les utilisateurs de la possibilité de traiter directement
avec les sociétés d’auteurs étrangères ;
4) De percevoir des redevances dont le taux est excessif ;
5) D’inclure dans ces redevances un droit complémentaire de reproduction
mécanique non perçu à l’étranger ;
6) De traiter différemment les discothécaires selon qu’ils
appartiennent ou non à certains syndicats ;
7) D’abuser des voies de droit à l’encontre des discothécaires
qui refusent d’accepter ses conditions ;
Considérant, sur le premier reproche, qu’aucun élément
de preuve n’est apporté alors même que la loi n°85-660
du 3 juillet 1985, entrée en vigueur le 1er janvier 1986, dispose
dans son article 38 (quatrième alinéa) : « Les sociétés
de perception et de répartition des droits doivent tenir à
la disposition des utilisateurs éventuels la répertoire complet
des auteurs et compositeurs français et étrangers qu’elles
représentent », et qu’il était loisible à tout
utilisateur de soumettre au conseil de la concurrence la réponse
faite par la S.A.C.E.M. à une demande postérieure au ler
janvier 1986, ou l’absence de réponse ;
Considérant, sur les deuxième et troisième reproches,
que le dossier fourni ne comporte aucun document relatif à une démarche
faite auprès d’une société d’auteurs étrangère,
ni à un quelconque refus d’accord provoqué par une intervention
de la S.A.C.E.M. ;
Considérant, sur les quatrième et cinquième reproches,
qu’aucune indication n’est donnée sur l’objet ou l’effet que les
pratiques dénoncées, à les supposer établies,
pouffaient avoir sur le jeu de la concurrence ;
Considérant, sur le sixième reproche, que le jeu de la
concurrence entre discothèques peut être effecté si,
dans une même zone géographique, certaines d’entre elles bénéficient
d’avantages sans offrir en compensation des contreparties suffisantes et
de nature à permettre un début d’appréciation spécifique
n’est apporté par le dossier ;
Considérant, sur le septième reproche, que la prise en
considération d’un abus de voies de droit de la part de la S.A.C.E.M.
n’entre pas dans le champ de compétence du Conseil de la concurrence
;