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Le renforcement du droit des consommateurs vis-à-vis de la prospection commerciale

Par Benoit Tabaka

Transposant les dispositions de la directive communautaire n° 97/66/CE du 15 décembre 1997 relative au traitement des données à caractère personnel dans le secteur des télécommunications, l’ordonnance n°2001-670 du 25 juillet 2001 tend à encadrer strictement la prospection commerciale non sollicitée par téléphone ou télécopie.

Afin d’éviter la création d’obstacles au marché intérieur des télécommunications et, dans un souci de protection des personnes physiques et morales, le Conseil et le Parlement européen ont adopté une directive tendant à "harmoniser les dispositions législatives, réglementaires et techniques adoptées par les Etats membres en ce qui concerne la protection des données à caractère personnel, de la vie privée et des intérêts légitimes des personnes morales, dans le secteur des télécommunications ".

En particulier, les auteurs de la directive précisent qu’il "importe de protéger les abonnés contre toute violation de leur vie privée par des appels ou des télécopies non sollicités ; que les Etats membres peuvent limiter cette protection aux abonnés qui sont des personnes physiques". Ainsi, l’article 12 de la directive pose le principe selon lequel "l’utilisation de systèmes automatisés d’appels sans intervention humaine (automates d’appel) ou de télécopieurs (fax) à des fins de prospection directe ne peut être autorisée que si elle vise les abonnés ayant donné leur consentement préalable".

Le troisième alinéa dudit article dispose néanmoins que les droits conférés " s’appliquent aux abonnés qui sont des personnes physiques. Les Etats membres garantissent également, dans le cadre du droit communautaire et des législations nationales applicables, que les intérêts légitimes des abonnés autres que les personnes physiques sont suffisamment protégés en ce qui concerne les appels non sollicités".

Transcrivant ces dispositions dans notre droit interne, le Gouvernement a adopté une ordonnance le 25 juillet 2001. Dans son article 16, le Gouvernement interdit "la prospection directe, par automates d’appel ou télécopieurs, d’un abonné ou d’un utilisateur d’un réseau de télécommunications qui n’a pas exprimé son consentement à recevoir de tels appels".

Pour identifier lesdits utilisateurs du réseau téléphonique qui souhaitent faire l’objet d’une prospection commerciale directe par fax ou par automates d’appel, les opérateurs ou leurs distributeurs fourniront gratuitement à ces abonnés les moyens d’exprimer leur consentement à recevoir ces appels. Cette liste doit, ensuite, être mise à la disposition de toute personne qui en fait la demande.

Un champ d’application très large

Alors que les dispositions communautaires n’imposaient qu’une interdiction vis-à-vis des personnes physiques, la France a choisi d’étendre cette interdiction à tous les abonnés et utilisateurs d’un réseau de télécommunications. Ainsi, les personnes morales sont également protégées par ces nouvelles dispositions.

Dans cette optique, le second alinéa de l’article 16 de l’ordonnance du 25 juillet 2001 modifie l’article 10 de la loi du 31 décembre 1989 relative au développement des entreprises commerciales et artisanales - dite loi Doubin. Cet article prévoyait la possibilité pour les personnes physiques ou morales de demander gratuitement à figurer sur un fichier public rassemblant les personnes qui ne souhaitaient pas faire l’objet d’un démarchage publicitaire par voie de télex ou télécopie. L’ordonnance du 25 juillet 2001 a retiré de cet article la référence à la télécopie, supprimant ainsi la présomption du consentement des personnes morales à faire l’objet d’un démarchage commercial au travers de cette technologie.

Le paradoxe français de l’opt-in et opt-out

A la suite de cette ordonnance, un véritable paradoxe voit le jour dans le cadre de la réglementation en matière de démarchage publicitaire. Deux grands principes sont en perpétuelle opposition. D’une part, il existe le principe de "l’opt-in " qui oblige les annonceurs à obtenir l’accord explicite des destinataires avant tout démarchage commercial. Tel est le cas en l’espèce du nouveau régime institué par l’ordonnance du 25 juillet 2001.

D’autre part, le second principe, celui de "l’opt-out", consiste à présumer l’accord des personnes physiques et morales à être sollicité commercialement. Cette seconde solution est actuellement envisagée par la France en matière de démarchage publicitaire au travers d’un courrier électronique. En effet, l’article 22 du projet de loi sur la société de l’information a pour objet d’insérer dans le Code de la consommation, un article L. 121-15-1 ainsi rédigé : "il est interdit d’adresser par courrier électronique des publicités ou des offres promotionnelles non sollicitées aux personnes qui, ne souhaitant pas être rendues destinataires de telles publicités ou offres, se sont inscrites sur des registres destinés à recevoir leur opposition ".

Deux registres existeraient donc :

- le premier faisant figurer, dans l’optique d’une solution "opt-in", la liste des personnes souhaitant faire l’objet d’un démarchage publicitaire par la voie d’automates d’appel ou de télécopie ;

- le second faisant figurer, dans l’optique d’une solution "opt-out", la liste des personnes ne souhaitant pas faire l’objet d’un démarchage publicitaire par la voie du courrier électronique.

Cette solution peut apparaître paradoxale. En effet, un courrier électronique utilise, de la même manière qu’une télécopie, les réseaux publics de télécommunication pour parvenir jusqu’au consommateur final. Ainsi, alors que le message publicitaire transitera matériellement par la même structure, le consommateur devra, soit manifester son opposition, soit donner son accord à en être le destinataire. En conséquence, une harmonisation de ces deux régimes est plus que souhaitable.

Enfin, une dernière interrogation est soulevée vis-à-vis de l’applicabilité de l’interdiction édictée par l’article 16 de l’ordonnance du 25 juillet 2001. Les opérateurs téléphoniques et leurs distributeurs sont-ils les seuls organes habilités à recevoir le consentement des abonnés faisant l’objet d’un démarchage publicitaire ? Dans tous les cas, la pratique du "mailing-fax" est à ce jour remise en cause, les fichiers utilisés n’ayant pas été constitués après l’obtention du consentement de chacun des destinataires.

Benoit Tabaka

© - Tous droits réservés - Benoit Tabaka - 2 août 2001

 


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