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Conseil d’Etat, 14 novembre 2008, n° 316743, Ville de Paris

Afin, notamment, de mettre le juge de cassation en mesure d’exercer son contrôle, il appartient au juge des référés qui retient la condition d’urgence, de faire apparaître les raisons de droit et de fait pour lesquelles il estime que l’urgence justifie la suspension de l’acte attaqué ; que le respect de cette exigence s’apprécie au regard des justifications apportées dans la demande et de l’argumentation présentée en défense.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 316743

VILLE DE PARIS

M. Eric Combes
Rapporteur

Mme Claire Legras
Commissaire du gouvernement

Séance du 5 novembre 2008
Lecture du 14 novembre 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 9ème et 10ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux

Vu le pourvoi, enregistré le 2 juin 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présenté pour la VILLE DE PARIS, représentée par son maire en exercice dûment habilité à cet effet, domicilié en cette qualité à l’Hôtel de Ville à Paris (75004) ; la VILLE DE PARIS demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’ordonnance du 15 mai 2008 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris a, statuant en application de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, sur la demande du syndicat des copropriétaires de la résidence "Les Arquebusiers", suspendu l’exécution de la décision en date du 27 avril 2007 par laquelle le maire de Paris s’est opposé aux travaux de pose de grilles et de portails d’accès sur les voies privées de la résidence, décision confirmée par la décision implicite du 1er août 2007 de rejet du recours gracieux formé contre ladite décision, jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la requête tendant à l’annulation de cette décision ;

2°) réglant l’affaire au titre de la procédure de référé engagée, de rejeter la requête du syndicat des copropriétaires de la résidence "Les Arquebusiers" ;

3°) de mettre à la charge du syndicat des copropriétaires de la résidence "Les Arquebusiers" le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 6 novembre 2008, présentée pour la VILLE DE PARIS ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu la loi n° 2000-321 du 20 avril 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Eric Combes, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de Me Foussard, avocat de la VILLE DE PARIS et de la SCP Boutet, avocat du syndicat des copropriétaires de la résidence "Les Arquebusiers",

- les conclusions de Mme Claire Legras, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : "Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision" ;

Considérant qu’afin, notamment, de mettre le juge de cassation en mesure d’exercer son contrôle, il appartient au juge des référés qui retient la condition d’urgence, de faire apparaître les raisons de droit et de fait pour lesquelles il estime que l’urgence justifie la suspension de l’acte attaqué ; que le respect de cette exigence s’apprécie au regard des justifications apportées dans la demande et de l’argumentation présentée en défense ;

Considérant que, par décision en date du 27 avril 2007, le maire de Paris s’est opposé aux travaux déclarés par le syndicat des copropriétaires de la résidence "Les Arquebusiers" de pose de grilles et de portails d’accès sur les voies privées de la résidence qui sont grevées par le plan de sauvegarde et de mise en valeur du Marais d’une servitude de passage piétonnier en vue de l’accès au jardin public enclavé dans la résidence ; que sa décision a été confirmée par la décision implicite du 1er août 2007 qui a rejeté le recours gracieux formé contre elle ; que le juge des référés du tribunal administratif de Paris, saisi d’une demande tendant à la suspension de ces décisions, a estimé que la condition d’urgence était remplie en se fondant sur les troubles dans la jouissance de leur propriété subis par les copropriétaires de la résidence "Les Arquebusiers", sans se prononcer sur le moyen invoqué en défense par la ville et tiré de ce que le syndicat aurait lui-même contribué à créer la situation d’urgence, en tardant à saisir le juge des référés ; qu’en ne se prononçant pas sur ce moyen en défense, le juge des référés du tribunal administratif a insuffisamment motivé son ordonnance du 15 mai 2008 ; que, par suite et sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen du pourvoi, la VILLE DE PARIS est fondée à demander l’annulation de l’ordonnance attaquée ;

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de statuer sur la demande en référé, en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant, en premier lieu, que les troubles subis par les copropriétaires de la résidence "Les Arquebusiers" en raison de la présence dans les voies privées de cette résidence de personnes qui se livrent à des trafics, au tapage nocturne ainsi qu’à des bagarres et altercations, excèdent, par leur nature et leur fréquence, les sujétions que les riverains d’un jardin public sont normalement appelés à supporter ; que la pose de grilles et de portails d’accès sur les voies privées est de nature à remédier à ces graves nuisances sans compromettre l’accès au jardin public ; que l’opposition du maire de Paris à la réalisation de ces travaux fait perdurer une situation qu’il est urgent de faire cesser ; que, contrairement à ce que soutient la VILLE DE PARIS, le syndicat requérant n’a pas lui-même contribué à créer la situation d’urgence en tardant à saisir le juge des référés ; qu’en effet une précédente demande de suspension, formée le 25 octobre 2007 avait été rejetée le 14 novembre 2007 pour irrecevabilité, le syndicat n’établissant pas être autorisé à engager l’action et que c’est le 12 décembre 2007 qu’une assemblée générale a autorisé le syndicat à ester en justice ; qu’ainsi la condition d’urgence est remplie ;

Considérant, en second lieu, qu’en l’état de l’instruction, le moyen tiré de ce que la décision du 27 avril 2007 est entachée d’erreur de droit en ce qu’elle s’oppose aux travaux au motif qu’en l’absence d’une convention de servitude de passage, le projet ne garantit pas le maintien du passage piétonnier et qu’elle est ainsi contraire aux dispositions de l’article 6 du titre 1 du règlement du plan de sauvegarde et de mise en valeur du Marais est propre à créer un doute sérieux sur la légalité de cette décision ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le syndicat des copropriétaires de la résidence "Les Arquebusiers" est fondé à demander la suspension de l’exécution de la décision du maire de Paris en date du 27 avril 2007, confirmée par la décision implicite née du rejet du recours gracieux introduit à son encontre ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la VILLE DE PARIS la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par le syndicat des copropriétaires de la résidence "Les Arquebusiers" devant le tribunal administratif de Paris et le Conseil d’Etat ; que ces dispositions font obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge du syndicat des copropriétaires de la résidence "Les Arquebusiers" qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

Article 1er : L’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Paris en date du 15 mai 2008 est annulée.

Article 2 : L’exécution de la décision du maire de Paris en date du 27 avril 2007, confirmée par la décision de rejet du recours gracieux formé le 1er juin 2007, est suspendue jusqu’à ce qu’il soit statué sur la demande d’annulation de cette décision présentée devant le tribunal administratif.

Article 3 : La VILLE DE PARIS versera au syndicat des copropriétaires de la résidence "Les Arquebusiers" la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la VILLE DE PARIS et tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la VILLE DE PARIS et au syndicat des copropriétaires de la résidence "Les Arquebusiers".

 


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