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Conseil d’Etat, 8 août 2008, n° 282986, Centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand

Il résulte des dispositions législatives et des stipulations contractuelles précitées que l’Etablissement français du sang doit être regardé comme ayant repris l’ensemble des obligations du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT FERRAND résultant de contaminations transfusionnelles et comme venant aux droits de ce centre dans toute instance relative à la réparation des conséquences de telles contaminations, en cours à sa date de création ou qui serait ultérieurement introduite.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 282986

CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT FERRAND

M. Philippe Ranquet
Rapporteur

M. Jean-Philippe Thiellay
Commissaire du gouvernement

Séance du 27 juin 2008
Lecture du 8 août 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 5ème et 4ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 5ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la décision du 30 novembre 2007 par laquelle le Conseil d’Etat statuant au contentieux a :

1°) annulé l’arrêt du 24 mai 2005 de la cour administrative d’appel de Lyon rejetant la requête du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT FERRAND tendant à l’annulation du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 15 décembre 1998 en tant que celui-ci l’a condamné à verser à la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de l’Allier la somme de 183 077, 62 euros en raison de sa responsabilité dans les conséquences dommageables ayant résulté des transfusions sanguines subies par M. P. le 1er décembre 1981 ;

2°) réglant l’affaire au fond, sursis à statuer sur les conclusions de la requête d’appel du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT FERRAND ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Philippe Ranquet, Auditeur,

- les observations de Me Le Prado, avocat du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT FERRAND, de Me Brouchot, avocat de Mme Yvonne P. et de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de l’Etablissement français du sang,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par un jugement du 15 décembre 1998, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a déclaré le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT FERRAND responsable de la contamination de M. P. par le virus de l’hépatite C à l’occasion de transfusions sanguines subies le 1er décembre 1981 et l’a condamné à verser diverses indemnités aux consorts P., à la CPAM de l’Allier et à la Mutuelle Bourbonnaise ; que par une décision du 30 novembre 2007, le Conseil d’Etat statuant au contentieux a annulé l’arrêt du 24 mai 2005 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon avait rejeté la requête du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT FERRAND tendant à l’annulation de ce jugement en tant qu’il le condamne à verser la somme de 183 077, 62 euros à la CPAM de l’Allier ; que, réglant l’affaire au fond en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d’Etat a sursis à statuer afin que l’Etablissement français du sang soit mis en mesure de produire ses observations dans l’instance ; qu’un mémoire ayant été présenté pour ce dernier, il y a lieu de statuer sur la requête du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT FERRAND devant la cour administrative d’appel de Lyon ;

Sur les conclusions relatives aux droits de la CPAM de l’Allier :

Considérant que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT FERRAND ne conteste pas le principe de sa responsabilité dans la contamination de M. P. par le virus de l’hépatite C à l’occasion des transfusions sanguines reçues le 1er décembre 1981 ; qu’il conteste en revanche l’évaluation par les premiers juges des éléments du préjudice subi par M. P. au titre desquels la CPAM de l’Allier exerce un recours subrogatoire ; qu’il y a lieu de statuer sur ce point poste de préjudice par poste de préjudice, en application des dispositions de l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale modifié par la loi n°2006-1640 du 21 décembre 2006, qui s’appliquent à la réparation des dommages résultant d’événements antérieurs à la date d’entrée en vigueur de cette loi dès lors que, comme en l’espèce, le montant de l’indemnité due à la victime n’a pas été définitivement fixé avant cette date ;

En ce qui concerne les dépenses de santé :

Considérant que la CPAM de l’Allier fait état de débours correspondant à trois hospitalisations de M. P. entre le 24 septembre 1995 et le 30 mars 1996, pour un montant de 167 335, 98 euros, ainsi que d’autres frais médicaux et pharmaceutiques pour un montant de 3 742, 29 euros ;

Considérant, en premier lieu, qu’aux termes du huitième alinéa de l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " L’intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d’assuré social de la victime de l’accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun ou réciproquement. (.) " ; qu’il résulte de ces dispositions que la caisse de sécurité sociale recevable à demander le remboursement des frais supportés par l’assurance maladie en conséquence d’un dommage dont un tiers est responsable est la caisse à laquelle la victime de ce dommage est affiliée ; qu’il en est ainsi même quand les frais en cause correspondent à une hospitalisation dans un établissement dont les dépenses prises en charge par l’assurance maladie le sont, en application des articles L. 174-1 et L. 174-2 du code de la sécurité sociale, sous la forme d’une dotation globale versée par la caisse primaire d’assurance maladie dans la circonscription de laquelle il est implanté ; que dans cette hypothèse, la caisse à laquelle est affiliée la victime poursuit le remboursement des frais supportés par l’assurance maladie dans les conditions prévues à l’article L. 174-3 du code de la sécurité sociale, aux termes duquel : " Dans les établissements mentionnés à l’article L. 174-1, une tarification des prestations fixée par arrêté servira de base : (.) 3°) à l’exercice des recours contre tiers. " ; que, dès lors et contrairement à ce que soutient le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT FERRAND, la CPAM de l’Allier est recevable à demander le remboursement des frais correspondant aux hospitalisations de M. P., quel qu’ait été le régime de financement de l’établissement où elles ont eu lieu ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’il résulte de l’instruction et notamment du rapport de l’expertise ordonnée en référé que les trois hospitalisations en cause étaient nécessaires au traitement de la cirrhose dont était atteint M. P. ou de ses complications, la première pour réaliser un bilan préalable à une transplantation hépatique, la deuxième pour soigner une infection du liquide d’ascite, l’ascite étant une complication de la cirrhose, la troisième pour réaliser deux greffes de foie, seul choix thérapeutique possible compte tenu de la gravité de l’affection ; que la cirrhose doit elle-même être regardée comme la conséquence directe de la contamination de M. P. par le virus de l’hépatite C par voie transfusionnelle, l’allégation du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT FERRAND selon laquelle elle serait d’origine éthylique étant contredite par les résultats des analyses biologiques ;

Considérant, en revanche, que la CPAM de l’Allier ne justifie en aucune manière, pas même en indiquant les dates des actes auxquels ils correspondent, que les autres frais médicaux et pharmaceutiques dont elle réclame le remboursement soient en lien avec la contamination de M. P. par le virus de l’hépatite C et ses suites ;

Considérant qu’il y a par suite lieu d’évaluer le préjudice de M. P. consistant en des dépenses de santé à 167 335, 98 euros ; que ce poste de préjudice ayant été intégralement pris en charge par l’assurance maladie, la CPAM de l’Allier a droit au remboursement de cette somme ;

En ce qui concerne les pertes de revenus :

Considérant que la CPAM de l’Allier justifie avoir exposé une somme de 6 786, 30 euros au titre d’indemnités journalières versées à M. P. du 1er janvier au 31 août 1995, période pendant laquelle il a subi une détérioration de son état de santé liée à la cirrhose dont il était atteint ; qu’il y a lieu d’évaluer à ce montant le préjudice subi par M. P. au titre des pertes de revenus ; que la CPAM de l’Allier, qui l’a intégralement pris en charge, a droit au remboursement de cette somme ;

En ce qui concerne les autres dépenses liées au dommage corporel :

Considérant que la CPAM de l’Allier justifie avoir exposé, à titre de capital décès, la somme de 5 213, 09 euros ; qu’il résulte de l’instruction que M. P. est décédé des suites de la cirrhose dont il était atteint, laquelle était, comme il a été dit ci-dessus, en lien direct avec sa contamination par le virus de l’hépatite C ; qu’il y a par suite lieu d’évaluer à ce montant le préjudice subi par M. P. au titre de ce poste ; que la CPAM de l’Allier, qui l’a intégralement pris en charge, a droit au remboursement de cette somme ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la CPAM de l’Allier a droit au remboursement des frais supportés par l’assurance maladie du fait de la contamination de M. P. par le virus de l’hépatite C pour un montant total de 179 335, 37 euros ; que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT FERRAND est par suite fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand l’a condamné à verser 183 077, 62 euros à la CPAM de l’Allier ;

Sur les conclusions tendant à ce que l’Etablissement français du sang soit substitué au CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT FERRAND comme débiteur des condamnations prononcées par la présente décision :

Considérant que l’article 18 de la loi du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l’homme règle les conditions du transfert à l’Etablissement français du sang des activités des établissements de transfusion sanguine ; qu’aux termes du sixième alinéa du B de cet article : " Des conventions conclues entre, d’une part, l’Etablissement français du sang et, d’autre part, chaque personne morale concernée fixent les conditions dans lesquelles les droits et obligations, créances et dettes liées à ces activités sont, le cas échéant, transférés à l’Etablissement français du sang ainsi que les conditions dans lesquelles les biens nécessaires à ces activités sont cédés à l’Etablissement français du sang ou mis à sa disposition " ;

Considérant que sur le fondement de ces dispositions, une convention conclue le 11 octobre 1999 lie l’Etablissement français du sang et plusieurs établissements hospitaliers dont le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT FERRAND, regroupés au sein du GIP Auvergne-Nivernais ; qu’aux termes l’article 6 de cette convention : " Un état annexé à la présente convention recense les fonds, créances et dettes dont le GIP Auvergne-Nivernais se déclare propriétaire, créancier ou débiteur. / Celles des créances et dettes, figurant dans l’état annexé, dont le paiement sera dû après la création de l’EFS, sont cédées par le GIP Auvergne-Nivernais à l’Etablissement français du sang, qui l’accepte. / (.) Hors les dettes liées aux contentieux transfusionnels, l’Etablissement français du sang ne s’oblige pas de plein droit à reprendre celles des dettes nées avant la date de l’état annexé aux présentes, et qui seraient révélées après la signature de la présente convention. " ; qu’aux termes du dernier alinéa de l’article 9 de cette même convention : " (.) l’Etablissement français du sang s’engage à intervenir, après sa création, à toute instance introduite ou en cours devant une juridiction en raison de contaminations transfusionnelles imputées (aux établissements hospitaliers signataires) en leur qualité de gestionnaire d’un centre de transfusion sanguine, à les garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre en cette qualité et à assurer leur défense et celle de leurs agents à ce titre, devant toute juridiction. " ;

Considérant qu’il résulte des dispositions législatives et des stipulations contractuelles précitées que l’Etablissement français du sang doit être regardé comme ayant repris l’ensemble des obligations du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT FERRAND résultant de contaminations transfusionnelles et comme venant aux droits de ce centre dans toute instance relative à la réparation des conséquences de telles contaminations, en cours à sa date de création ou qui serait ultérieurement introduite ; que contrairement à ce que soutient l’Etablissement français du sang, la convention du 11 octobre 1999 ne subordonne pas le transfert des dettes résultant de contaminations transfusionnelles dont les centres hospitaliers avaient connaissance avant de signer la convention à leur inscription dans l’état qui y est annexé en vertu de l’article 6 ; que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT FERRAND est par suite fondé à demander que l’Etablissement français du sang lui soit substitué comme débiteur de toute indemnité qui serait mise à sa charge par la présente décision en raison de sa responsabilité dans la contamination de M. P. par le virus de l’hépatite C à l’occasion de transfusions sanguines ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soient mises à la charge du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT FERRAND, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, les sommes que demandent Mme P. et la CPAM de l’Allier au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; qu’il y a en revanche lieu de mettre à la charge de l’Etablissement français du sang la somme de 3 000 euros que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT FERRAND demande au même titre ;

D E C I D E :

Article 1er : La somme que l’Etablissement français du sang, venant aux droits du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT FERRAND, est condamné à verser à la CPAM de l’Allier est ramenée à 179 335, 37 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 15 décembre 1998 est réformé en ce qu’il a de contraire à la présente décision.

Article 3 : L’Etablissement français du sang versera au CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT FERRAND la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT FERRAND devant la cour administrative d’appel de Lyon est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de Mme P. et de la CPAM de l’Allier devant la cour administrative d’appel de Lyon tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

 


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