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Conseil d’Etat, 15 février 2008, n° 277295, Société anonyme Fortis Banque France

Si, en vertu de l’article 321 du code des marchés publics alors en vigueur, les travaux, fournitures et services dont le montant annuel présumé était inférieur à 300 000 francs, toutes taxes comprises, pouvaient être réalisés en dehors des conditions posées par le titre I du livre III du code, relatif aux règles de passation des marchés passés par les collectivités territoriales et leurs établissements publics, cet article ne les dispensait pas de l’application des dispositions des autres titres de ce livre.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 277295

SOCIETE ANONYME FORTIS BANQUE FRANCE

M. Philippe Mettoux
Rapporteur

M. Bertrand Dacosta
Commissaire du gouvernement

Séance du 23 janvier 2008
Lecture du 15 février 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 7ème et 2ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 7ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 février et 6 juin 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SOCIETE ANONYME FORTIS BANQUE FRANCE, dont le siège est 56 rue de Châteaudun à Paris (cedex 75427), représentée par son représentant légal ; la SOCIETE ANONYME FORTIS BANQUE FRANCE demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 7 décembre 2004 par lequel la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l’annulation du jugement du tribunal administratif de Fort de France du 28 septembre 1999 ayant rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire du département de la Martinique et de l’Etat à lui verser la somme 160 540, 50 francs (24 474, 24 euros) avec intérêts au taux légal à compter du 20 mai 1992 ;

2°) réglant l’affaire au fond, de condamner solidairement l’Etat et le département de la Martinique, au paiement des sommes susmentionnées et des intérêts à compter du 22 septembre 1999, capitalisés ;

3°) de mettre en outre à leur charge le versement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics,

Vu le code monétaire et financier,

Vu le code de justice administrative,

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962,

Vu le décret n° 81-862 du 9 septembre 1981 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Philippe Mettoux, Conseiller d’Etat,

- les observations de Me Le Prado, avocat de la SOCIETE ANONYME FORTIS BANQUE FRANCE et de la SCP Boulloche, avocat du département de la Martinique,

- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la société Banque parisienne de crédit a procédé à la notification à la paierie départementale de la Martinique d’une créance de 160 544, 50 francs qui lui avait été cédée par la société Contraintes International au titre de travaux d’études que cette dernière aurait réalisés pour le département de la Martinique ; que le département a contesté la validité de cette créance ; que saisi par la Banque parisienne de crédit, le tribunal administratif de Fort de France a, par jugement du 28 septembre 1999, rejeté sa demande de condamnation du département de la Martinique et solidairement de l’Etat au paiement de cette somme avec intérêts au taux légal à compter du 20 mai 1992 ; que la SOCIETE FORTIS BANQUE FRANCE, qui a succédé à la Banque parisienne de crédit, se pourvoit contre l’arrêt du 7 décembre 2004 par lequel la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté l’appel de la Banque parisienne de crédit contre le jugement du tribunal administratif de Fort-de-France ;

Considérant que la société appelante avait invoqué devant les juges du fond, pour demander le paiement de la somme correspondant à la facture cédée par la société Contraintes International, sa transmission à la paierie départementale avec un bordereau comportant l’ensemble des mentions légales ; que la cour a suffisamment motivé son arrêt en écartant ce moyen au motif que, faute notamment d’avoir produit l’exemplaire unique du marché, la SOCIETE FORTIS BANQUE FRANCE n’établissait pas la réalité de l’exécution de ces prestations permettant de justifier du paiement de cette facture ; que ce faisant, elle n’a pas dénaturé les pièces du dossier ;

Considérant que si, en vertu de l’article 321 du code des marchés publics alors en vigueur, les travaux, fournitures et services dont le montant annuel présumé était inférieur à 300 000 francs, toutes taxes comprises, pouvaient être réalisés en dehors des conditions posées par le titre I du livre III du code, relatif aux règles de passation des marchés passés par les collectivités territoriales et leurs établissements publics, cet article ne les dispensait pas de l’application des dispositions des autres titres de ce livre ; qu’ainsi, les travaux litigieux, bien qu’inférieurs à ce seuil de 300 000 francs, étaient soumis aux dispositions du titre III, notamment à celles de l’article 360, lesquelles prévoyaient l’application des dispositions de l’article 188 ; qu’aux termes de ces dispositions : " L’autorité qui a traité avec l’entrepreneur ou fournisseur remet à celui-ci une copie certifiée conforme de l’original revêtue d’une mention dûment signée, comme l’original, par l’autorité dont il s’agit et indiquant que cette pièce est délivrée en unique exemplaire en vue de la notification éventuelle d’une cession ou d’un nantissement de créances. " ; que la cour n’a donc pas commis d’erreur de droit en jugeant que le paiement d’une créance correspondant à des travaux entrant dans le champ de l’article 321 était néanmoins soumis, en cas de cession de la créance, à l’établissement de la réalité de la prestation, par la production de l’exemplaire unique du marché ; qu’elle n’a en conséquence ni dénaturé les pièces du dossier, ni entaché son arrêt d’une contradiction de motifs en jugeant que la seule identification de la créance ne permettait pas d’établir, dans ces conditions, la réalité de l’exécution de la prestation ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la requête de la société FORTIS BANQUE FRANCE doit être rejetée ;

Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par la SOCIETE FORTIS BANQUE FRANCE soit mise à la charge du département de la Martinique et de l’Etat qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance ; qu’il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société FORTIS BANQUE FRANCE la somme de 3 000 euros que demande le département de la Martinique en application de ces dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SOCIETE ANONYME FORTIS BANQUE FRANCE est rejetée.

Article 2 : La société anonyme FORTIS BANQUE FRANCE versera au département de la Martinique la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE ANONYME FORTIS BANQUE FRANCE, au département de la Martinique et au ministre de l’économie, des finances et de l’emploi.

 


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