COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE NANTES
N° 00NT00610
Consorts M.
M. SALUDEN
Président de chambre
Mme THOLLIEZ
Rapporteur
M. MILLET
Commissaire du gouvernement
Séance du 18 décembre 2003
Lecture du 30 décembre 2003
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE NANTES
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 31 mars 2000, présentée pour :
Mme veuve M. et son fils mineur David
Mme Sylvia M.
et M. Johnny M.
par Me CARRIOU, avocat au barreau de Nantes ;
Les consorts M. demandent à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n° 98-831 du 3 février 2000 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à ce que le centre hospitalier universitaire (C.H.U.) de Nantes soit condamné à leur verser une somme de 900 000 F en réparation du préjudice subi par M. Gwénaël M., leur mari et père à l’occasion de soins reçus au C.H.U. de Nantes ;
2°) d’ordonner une nouvelle expertise ;
3°) de condamner ledit centre hospitalier à leur verser une somme de 900 000 F en réparation des préjudices subis par M. M. ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 18 décembre 2003 :
le rapport de Mme THOLLIEZ, premier conseiller,
les observations de Me CAOUS-POCREAU, substituant Me CARRIOU, avocat des consorts M.,
les observations de Me DORA, substituant Me SALAÜN, avocat du C.H.U. de Nantes,
et les conclusions de M. MILLET, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’à la suite d’une crise de pancréatite aiguë à l’origine de violentes douleurs épigastriques, M. M. a subi entre avril et mai 1996 deux alcoolisations cœliaques au centre hospitalier universitaire de Nantes ; que si, du fait de ce traitement, les douleurs éprouvées ont été atténuées, la mise en œuvre de celui-ci s’est également accompagnée de troubles fonctionnels invalidants qui ont nécessité une intervention chirurgicale en octobre 1996 qui n’a pu les faire disparaître complètement ; que les consorts M., après avoir repris l’instance engagée par leur mari et père devant le Tribunal administratif de Nantes, en vue d’obtenir la condamnation du centre hospitalier universitaire de Nantes à l’indemniser des préjudices résultant des traitements pratiqués, relèvent appel du jugement du 3 février 2000 du Tribunal administratif de Nantes rejetant leur demande d’indemnisation ;
Sur la responsabilité sans faute :
Considérant que lorsqu’un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l’existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public d’hospitalisation est engagée si l’exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l’état initial du patient comme avec l’évolution prévisible de cet état et présentant un caractère d’extrême gravité ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. M. était suivi depuis des années pour une pancréatite chronique calcifiante compliquée d’un syndrome douloureux et de diarrhée ; que l’apparition d’une diarrhée hydrique importante et persistante qui a suivi les deux alcoolisations cœliaques effectuées au centre hospitalier universitaire de Nantes ne peut donc être regardée comme sans rapport avec son état initial, ni avec l’évolution prévisible de celui-ci ; que, par suite, la responsabilité sans faute du centre hospitalier universitaire de Nantes ne peut être engagée ;
Sur la responsabilité pour faute :
Considérant que lorsque l’acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l’art, comporte des risques connus de décès ou d’invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que, si cette information n’est pas requise en cas d’urgence, d’impossibilité, de refus du patient d’être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu’exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation ;
Considérant que si les consorts M. soutiennent que la respon-sabilité du centre hospitalier universitaire serait également engagée, dès lors qu’il n’aurait pas informé M. M. des risques de déclenchement de troubles fonctionnels par des alcoolisations cœliaques même effectuées dans les règles de l’art, il résulte de l’instruction, et notamment de l’article médical produit, qui ne fait état que d’une seule complication de même nature que celle subie par M. M. sur plus de mille cas étudiés par les auteurs, qu’au moment où elles ont été réalisées les risques invoqués n’étaient nullement connus ; qu’il suit de là qu’aucune faute ne peut être retenue à l’encontre du centre hospitalier universitaire de Nantes ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’ordonner une nouvelle expertise, que les consorts M. ne sont pas fondés à se plaindre de ce que le Tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à obtenir réparation des préjudices subis par M. M. ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête des consorts M. est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Martine M., à Mme Sylvia M., à M. Johnny M., au centre hospitalier universitaire de Nantes et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.