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Conseil d’Etat, 17 mars 2004, n° 233469, Ministre de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer c/ M. et Mme D.-B.

Les recours administratifs devant la commission communale d’aménagement foncier puis la commission départementale d’aménagement foncier constituent des recours administratifs obligatoires préalables aux recours contentieux formés contre les décisions relatives au remembrement. Lorsqu’un remembrement est effectué en vue de la réalisation d’un grand ouvrage public et qu’il apparaît inévitable de déroger aux dispositions de l’article 19 du code rural, les propriétaires pour lesquels, du fait de ces dérogations, des préjudices subsistent au terme des opérations de remembrement, sont fondés à demander au maître de l’ouvrage réparation des dommages résultant de ces opérations, constatés à l’issue de celles-ci, à titre de dommages de travaux publics. Les commissions communales et départementales d’aménagement foncier, qui sont dépourvues de compétence pour allouer des indemnités portant réparation de ces préjudices, ne peuvent connaître de demandes tendant à l’attribution de telles indemnités. Toutefois, la nature et l’étendue des dommages, dans la mesure où ils résultent de dérogations apportées aux règles qui s’appliquent aux opérations de remembrement, ne peuvent être constatées qu’une fois que la procédure administrative de remembrement a été menée à son terme. Le juge administratif ne peut être éventuellement saisi d’une demande de réparation des dommages pouvant subsister, à titre de dommages de travaux publics, qu’après que les opérations de remembrement ont été préalablement contestées devant la commission départementale d’aménagement foncier aux fins de supprimer ou, à tout le moins de réduire, les dommages subis .

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 233469

MINISTRE DE L’EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DU LOGEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER
c/ M. et Mme D.-B.

M. Christnacht
Rapporteur

M. Le Chatelier
Commissaire du gouvernement

Séance du 25 février 2004
Lecture du 17 mars 2004

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 7ème et 2ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 7ème sous-section de la Section du contentieux

Vu le recours sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 mai et 7 septembre 2001 au secrétariat de la section du contentieux, présentés pour le MINISTRE DE L’EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT ; le MINISTRE DE L’EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 13 mai 2001 par lequel la cour administrative d’appel de Douai a annulé partiellement le jugement du tribunal administratif de Lille du 8 juillet 1997 et mis à la charge de l’Etat le versement à M. et Mme D.-B. d’une somme de 35 000 F (5 335 euros), outre les intérêts et la capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice subi à la suite de l’attribution de parcelles dans le cadre du remembrement consécutif à la réalisation des travaux de la "rocade de Dunkerque" de l’autoroute A 16 ;

2°) de rejeter les conclusions d’appel de M. et Mme D.-B. ;

3°) de condamner M. et Mme D.-B. à payer à l’Etat la somme de 15 000 F (2 286 euros) au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural ;

Vu la loi n° 62-933 du 8 août 1962 ;

Vu la loi n° 80-502 du 4 juillet 1980 ;

Vu le décret n° 63-393 du 10 avril 1963 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Christnacht, Conseiller d’Etat,
- les observations de la SCP Parmentier, Didier, avocat du MINISTRE DE L’EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DU LOGEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER et de la SCP Defrenois, Levis, avocat de M. et Mme D.-B.,
- les conclusions de M. Le Chatelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par un arrêt du 13 mars 2001, la cour administrative d’appel de Douai, réformant le jugement du 8 juillet 1997 du tribunal administratif de Lille, a condamné l’Etat à verser à M. et Mme D.-B. une somme de 35 000 F, avec intérêts au taux légal à compter du 13 avril 1994 et capitalisation des intérêts échus le 30 juin 1997, en réparation du préjudice résultant de l’attribution d’une parcelle nouvellement cadastrée ZK5, au titre des opérations de remembrement de la commune de Ghyvelde (département du Nord) concomitantes à la réalisation de l’autoroute A 16 ; que le MINISTRE DE L’EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du recours ;

Considérant qu’aux termes de l’article 2-4 du code rural alors en vigueur : "Les décisions prises par la commission communale d’aménagement foncier peuvent être portées par les intéressés (.) devant la commission départementale d’aménagement foncier" ; qu’aux termes de l’article 2-7 de ce code : "La commission départementale d’aménagement foncier a qualité pour modifier les opérations décidées par la commission communale ou intercommunale d’aménagement foncier. Ses décisions peuvent, à l’exclusion de tout recours administratif, faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir (.) devant le tribunal administratif" ; qu’il résulte de ces dispositions que les recours administratifs devant la commission communale d’aménagement foncier puis la commission départementale d’aménagement foncier constituent des recours administratifs obligatoires préalables aux recours contentieux formés contre les décisions relatives au remembrement ;

Considérant qu’aux termes de l’article 10 de la loi du 8 août 1962, modifié par le VI de l’article 28 de la loi du 4 juillet 1980, alors en vigueur : "Lorsqu’un remembrement est réalisé en application du présent article, les dispositions du chapitre III du titre 1er du livre 1er du code rural sont applicables. Toutefois, sont autorisées les dérogations aux dispositions de l’article 19 du code rural qui seraient rendues inévitables en raison de l’implantation de l’ouvrage et des caractéristiques de la voirie mise en place à la suite de sa réalisation. Les dommages qui peuvent en résulter pour certains propriétaires et qui sont constatés à l’achèvement des opérations de remembrement sont considérés comme des dommages de travaux publics." ;

Considérant qu’il résulte de l’ensemble des dispositions qui précèdent que, lorsqu’un remembrement est effectué en vue de la réalisation d’un grand ouvrage public et qu’il apparaît inévitable de déroger aux dispositions de l’article 19 du code rural, les propriétaires pour lesquels, du fait de ces dérogations, des préjudices subsistent au terme des opérations de remembrement, sont fondés à demander au maître de l’ouvrage réparation des dommages résultant de ces opérations, constatés à l’issue de celles-ci, à titre de dommages de travaux publics ; que les commissions communales et départementales d’aménagement foncier, qui sont dépourvues de compétence pour allouer des indemnités portant réparation de ces préjudices, ne peuvent connaître de demandes tendant à l’attribution de telles indemnités ; que, toutefois, la nature et l’étendue des dommages, dans la mesure où ils résultent de dérogations apportées aux règles qui s’appliquent aux opérations de remembrement, ne peuvent être constatées qu’une fois que la procédure administrative de remembrement a été menée à son terme ; qu’il suit de là que le juge administratif ne peut être éventuellement saisi d’une demande de réparation des dommages pouvant subsister, à titre de dommages de travaux publics, qu’après que les opérations de remembrement ont été préalablement contestées devant la commission départementale d’aménagement foncier aux fins de supprimer ou, à tout le moins de réduire, les dommages subis ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme D.-B., qui ont saisi, par une lettre en date du 23 février 1992 adressée au directeur départemental de l’équipement du département du Nord, le maître de l’ouvrage d’une demande d’indemnisation, n’avaient pas contesté les opérations de remembrement dans la commune de Ghyvelde devant la commission départementale d’aménagement foncier, après l’avoir fait devant la commission communale ; que, dès lors, la cour administrative d’appel, en ne relevant pas que les requérants ne pouvaient demander réparation, à titre de dommages de travaux publics, du préjudice éventuellement né des opérations de remembrement consécutives à la réalisation de l’autoroute A 16, sans avoir préalablement contesté celles-ci devant la commission départementale d’aménagement foncier, a commis une erreur de droit ; qu’il y a lieu, par suite, d’annuler son arrêt du 13 mars 2001 ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 821-2 du code de justice administrative : "S’il prononce l’annulation d’une décision d’une juridiction administrative statuant en dernier ressort, le Conseil d’Etat peut (.) régler l’affaire au fond si l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie" ;

Considérant qu’ainsi qu’il vient d’être dit, M. et Mme D.-B. ne pouvaient former un recours contentieux tendant à obtenir réparation du préjudice résultant des dommages de travaux publics qu’ils auraient subis du fait des opérations de remembrement sans avoir préalablement contesté celles-ci devant la commission départementale d’aménagement foncier ; qu’il n’est pas contesté qu’ils n’ont pas saisi la commission départementale d’une telle contestation ; que, par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à M. et Mme D.-B. la somme qu’ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner M. et Mme D.-B. à payer à l’Etat la somme que le MINISTRE DE L’EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Douai du 13 mars 2001 est annulé.

Article 2 : Les conclusions de M. et Mme D.-B. devant la cour administrative d’appel de Douai et leurs conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du MINISTRE DE L’EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L’EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DU LOGEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER et à M. et Mme D.-B..

 


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