COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE LYON
N° 01LY01514
MINISTRE DE L’EDUCATION NATIONALE
c/ Mme Hafida B.
Mme JOLLY
Président
M. MONTSEC
Rapporteur
M. KOLBERT
Commissaire du Gouvernement
Arrêt du 2 décembre 2003
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE LYON
(3ème chambre),
Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 23 juillet 2001, présenté par le MINISTRE DE L’EDUCATION NATIONALE ;
Le ministre demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n° 004392, en date du 22 juin 2001, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 23 octobre 2000 de l’inspecteur d’Académie de la Drôme refusant à Mme Hafida B. de réviser son classement dans le corps des instituteurs, opéré au 1er échelon, en tant que cette décision se rapporte à la période de janvier 1992 jusqu’au jour de la rentrée scolaire 1992-1993, et a fait injonction au recteur de l’Académie de Grenoble de reclasser Mme B. au titre de sa titularisation dans le corps des instituteurs en prenant en compte l’ancienneté résultant des services qu’elle a accomplis de janvier 1992 jusqu’au jour de la rentrée scolaire 1992-1993, et de lui verser le montant des suppléments de traitement afférents à ce reclassement ;
2°) de rejeter les demandes présentées par Mme B. devant le Tribunal administratif de Grenoble ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 86-487 du 14 mars 1986 modifié, notamment, par décret n° 91-1022 du 4 octobre 1991 ;
Vu le décret du 31 mai 2000 portant délégation de signature ;
Vu l’arrêté du 26 mars 1992 relatif à la formation professionnelle spécifique des élèves instituteurs mentionnés aux articles 23-1 et 23-2 du décret n° 86-487 du 14 mars 1986 modifié ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 4 novembre 2003 :
le rapport de M. MONTSEC, premier conseiller ;
et les conclusions de M. KOLBERT, commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité du recours :
Considérant que le mémoire d’appel du MINISTRE DE L’EDUCATION NATIONALE, établi le 19 juillet 2001 et enregistré au greffe de la Cour le 23 juillet 2001, a été signé pour celui-ci par M. Louis Jouve, administrateur civil adjoint au sous-directeur des affaires juridiques de l’enseignement scolaire, qui disposait pour ce faire d’une délégation de signature, par décret du 31 mai 2000, régulièrement publié au Journal officiel le 3 juin 2000 ; que la fin de non recevoir opposée au recours du ministre par Mme B., tirée de l’absence de qualité pour agir du signataire de ce mémoire, doit par suite être écartée ;
Sur la légalité de la décision de l’inspecteur d’Académie de la Drôme en date du 23 octobre 2000 :
Considérant qu’aux termes de l’article 6 du décret susvisé du 14 mars 1986 modifié, relatif au recrutement et à la formation des instituteurs : " Une liste complémentaire de candidats ayant subi les épreuves peut être établie par ordre de mérite afin de permettre le remplacement des candidats inscrits sur la liste principale qui ne peuvent être nommés et de pourvoir les vacances d’emplois d’instituteur survenant après la date du concours... " ; qu’aux termes de l’article 9 : " ...les élèves instituteurs nommés sur un poste vacant d’instituteur dans les conditions prévues à l’article 6 ci-dessus ne sont affectés en institut universitaire de formation des maîtres ou école normale qu’à compter de la rentrée scolaire suivante... La durée de la formation professionnelle en institut universitaire de formation des maîtres ou école normale est fixée à deux années " ; qu’aux termes de l’article 16 : " ...La période pendant laquelle les élèves instituteurs ont éventuellement exercé les fonctions d’instituteur entre la date de leur nomination en cette qualité et celle de leur affectation en institut universitaire de formation des maîtres ou école normale est prise en compte dans l’ancienneté d’échelon... " ; que cependant, aux termes de l’article 23-1 de ce même décret, issu de l’article 2 du décret n° 91-1022 du 4 octobre 1991 : " Par dérogation aux dispositions de l’article 9, les élèves instituteurs nommés, à compter de la rentrée scolaire de 1991, sur un emploi vacant d’instituteur par application des dispositions de l’article 6 bénéficient d’une formation professionnelle spécifique de deux années qui tient compte de leurs obligations d’enseignement et dont les modalités sont définies par arrêté du ministre chargé de l’éducation nationale " ; qu’aux termes de l’article 23-3 : " Les dispositions des deuxième et quatrième alinéas de l’article 16 ne sont pas applicables aux élèves instituteurs mentionnés aux articles 23-1 et 23-2 ci-dessus " ; qu’aux termes de l’article 23-4 : " La période pendant laquelle les élèves instituteurs mentionnés aux articles 23-1 et 23-2 ci-dessus ont exercé les fonctions d’instituteur entre la date de leur nomination en cette qualité et la date du début de leurs deux années de formation professionnelle spécifique est prise en compte dans l’ancienneté d’échelon lors de leur titularisation " ;
Considérant qu’il ressort de la combinaison de ces dispositions du décret du 14 mars 1986 modifié par le décret du 4 octobre 1991 que, pour les élèves instituteurs inscrits sur liste complémentaire et recrutés sur un poste vacant d’instituteur lors de la rentrée scolaire de 1991 ou postérieurement à celle-ci, les activités qu’ils ont effectuées, incluant des fonctions directes d’enseignement et des sessions de formation, ont globalement constitué, au plan statutaire, la période de formation professionnelle spécifique prévue à l’article 23-1 dudit décret ; que seule la période pendant laquelle certains d’entre eux auraient exercé les fonctions d’instituteurs entre la date de leur nomination et la date de début des deux années de formation professionnelle spécifique pouvait, aux termes de l’article 23-4 de ce même décret, être prise en compte dans le calcul de leur ancienneté au moment de leur titularisation ; que, contrairement à ce qu’a considéré le tribunal administratif, ces dispositions dérogatoires étaient suffisamment claires sur ce point pour être immédiatement applicables, sans attendre la publication de l’arrêté prévu à l’article 23-1 du décret du 14 mars 1986 modifié ;
Considérant qu’il résulte des pièces du dossier que Mme B., qui avait été inscrite sur liste complémentaire suite à la session de 1991 du concours de recrutement d’instituteurs, a été nommée sur un poste vacant d’instituteur, en qualité d’élève institutrice, le 11 janvier 1992, par arrêté de l’inspecteur d’Académie de la Drôme du 10 janvier 1992, et a été titularisée, par arrêté de la même autorité en date du 11 janvier 1994, à compter de cette date, à l’issue de la période statutaire de formation professionnelle spécifique de deux ans prévue par les dispositions susmentionnées ; que, même si Mme B. n’a été appelée à suivre une formation à l’institut universitaire de formation des maîtres qu’à compter de la rentrée scolaire de 1992, les services qu’elle a effectués à compter du 11 janvier 1992 ont été ainsi accomplis par elle en exécution de " l’obligation d’enseignement " visée à l’article 23-1 du décret du 14 mars 1986 modifié et ne sont pas dissociables de cette période de formation professionnelle spécifique, alors même qu’une partie d’entre eux a été assurée par elle avant que n’intervienne, sur le fondement de ce même article 23-1, l’arrêté ministériel du 26 mars 1992 précisant les modalités de cette formation professionnelle ; que, dans ces conditions, dès lors qu’elle ne justifie pas par ailleurs d’une période d’activité d’enseignement antérieure à sa titularisation et excédant la durée statutaire de formation de deux ans, Mme B. ne pouvait prétendre à la prise en compte de cette période du 11 janvier 1992 jusqu’à la rentrée scolaire de 1992, pour le calcul de son ancienneté au moment de sa titularisation ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que c’est à tort que le Tribunal administratif de Grenoble s’est fondé sur ce motif pour annuler la décision du 23 octobre 2000 par laquelle l’inspecteur d’Académie de la Drôme a refusé à Mme B. de réviser son classement dans le corps des instituteurs, opéré au 1er échelon, en tant que cette décision se rapporte à la période de janvier 1992 jusqu’au jour de la rentrée scolaire 1992-1993 ;
Considérant toutefois qu’il appartient à la Cour administrative d’appel, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner l’autre moyen soulevé par Mme B. devant le Tribunal administratif de Grenoble ;
Considérant que Mme B. ne peut utilement invoquer la circonstance que des collègues, placés dans la même situation qu’elle, auraient bénéficié d’un tel avantage dans d’autres académies ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L’EDUCATION NATIONALE est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision du 23 octobre 2000 de l’inspecteur d’Académie de la Drôme, en tant qu’elle se rapporte à la période de janvier 1992 jusqu’au jour de la rentrée scolaire 1992-1993, et a fait injonction au recteur de l’Académie de Grenoble de reclasser Mme B. en prenant en compte l’ancienneté résultant des services qu’elle a accomplis pendant cette période et de lui verser le montant des suppléments de traitement afférents à ce reclassement ;
Sur les conclusions incidentes de Mme B. :
Considérant que, par voie de conséquence de ce qui précède, les conclusions incidentes présentées en appel par Mme B., tendant notamment à ce que la période à prendre en compte soit étendue jusqu’à la rentrée scolaire 1993-1994 et à la condamnation de l’Etat à lui verser une provision de 20.000 francs au titre du rappel de traitement qui lui resterait dû, ne peuvent en tout état de cause qu’être rejetées ;
D E CI D E :
ARTICLE 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Grenoble en date du 22 juin 2001 est annulé.
ARTICLE 2 : Les demandes présentées par Mme Hafida B. devant le Tribunal administratif de Grenoble et ses conclusions devant la Cour administrative d’appel de Lyon sont rejetées.