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Par Benoit Tabaka

Quelles sont les règles applicables aux contrats passés entre les collectivités territoriales et les avocats pour des prestations juridiques ?

A cette question, le pouvoir réglementaire avait statué en insérant un paragraphe 8°) b) à l’article 104 du Code des Marchés Publics. Par le décret du 27 février 1998, le gouvernement avait entendu ajouter les marchés de services ayant pour objet des services juridiques à la liste des marchés négociés qui devaient être précédés d’une mise en concurrence préalable lorsque le montant excède le seuil fatidique de 300.000 francs. Par le terme "services juridiques", cela incluait aussi bien les prestations de conseils juridiques que la représentation en justice de la collectivité territoriale. Ainsi, ce décret avait également pourt conséquence de soumettre ces marchés négociés à l’ensemble des règles applicables à ces marchés. Deux avocats ont contesté la validité de ce decret devant le Conseil d’Etat. Le Conseil d’Etat a décidé d’annuler l’article 5 de ce décret introduisant les marchés ayant pour objet des services juridiques, tout en nuançant sa décision.

I - L’obligation de respecter les principes applicables à la profession d’avocat.

Le Conseil d’Etat a considéré que les dispositions attaquées, en raison de leur généralité et notamment, en raison du fait qu’elles touchent notamment à la représentation en justice de la collectivité territoriale, portaient atteinte aux principes applicables à la profession d’avocat dont notamment, ceux relatifs au secret de la relation entre l’avocat et son client, et à l’indépendance de l’avocat.

En effet, par exemple, en matière de marchés négociés, les collectivités locales ont une obligation de comuniquer au préfet ces marchés. Or, lorsque ces marchés sont passés avec un avocat, on touche alors au principe du secret de la relation entre l’avocat et son client puisque la collectivité était dans l’obligation de dévoiler le contenu de la prestation pour laquelle elle avait décidé de faire appel au juriste, notamment en matière de représentation.

Par ailleurs, en principe, l’avocat est libre à tout moment d’interrompre sa prestation et cela dans un soucis d’indépendance. Or, en matière de marchés négociés, obligation est faite à la personne détentrice de ce marché de mener jusqu’à son terme l’exécution de ce marché. Ainsi, le décret, en raison de son caractère absolu, portait atteinte au principe d’indépendance de l’avocat en lui refusant toute possibilité d’interrompre sa prestation.

C’est pourquoi, le Conseil d’Etat a décidé que fautes de dérogations ou adaptations, le décret portait atteinte aux principes qu’il a rappelé. Cette solution n’est pas critiquable puisqu’elle reconnait de manière absolue l’existence de principes applicables à la profession d’avocat, principes s’imposant au pouvoir réglementaire, et donc, s’apparentant à des principes généraux du droit [PGD], « applicables même en l’absence de textes ». Par cette décision, le Conseil d’Etat en a profité pour rappeler les règles habituelles de hiérarchie des normes, selon lesquelles, les fameux « PGD » ont une valeur supradecrétale et infralégislative - à en croire le professeur Chapus - mais aussi, par reconnaître l’existence de principes protégeant la profession d’avocat. Elle ouvre aussi une porte au pouvoir réglementaire en lui indiquant - sans doute en abusant un peu de son pouvoir - les orientations que devront suivre les dispositions du futur décret.

II - La conservation de l’obligation de mise en concurrence.

Néanmoins, le Conseil d’Etat a souhaité atténuer sa décision en affirmant qu’aucun principe applicable à la profession d’avocat ne s’opposait à la mise en concurrence de plusieurs avocats lors de la passation de marchés. Ainsi, il a reconnu que les passations pouvaient être précédées d’une procédure de mise en concurrence préalable des candidats susceptibles d’exécuter le marché et cela sous la forme d’une « consultation écrite au moins sommaire » prévue par le code des marchés publics au dernier alinéa du I de l’article 104 de ce code.

Cette solution permet ainsi aux collectivités territoriales d’engager librement les discussions qui lui paraissent utiles avec les candidats de son choix afin d’attribuer le marché. Cette mise en concurrence est pour le moment inexistante et n’est pas encore prévue par les textes qui devront rapidement définir les contours de cette consultation écrite au moins sommaire et notamment son déroulement. Le prochain décret définira cette consultation qui devra être respectueuse des principes applicables à la profession d’avocat. Cela sera encore un jeu d’équilibriste de la part du gouvernement...

© - Tous droits réservés - Benoit Tabaka - 9 avril 1999

 


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