COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE LYON
N° 02LY02405
M. Charles B.
M. JOUGUELET
Président
M. BESLE
Rapporteur
M. BOURRACHOT
Commissaire du Gouvernement
Arrêt du 20 mars 2003
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE LYON
(4ème chambre),
Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 26 décembre 2002 sous le 02LY02405, présentée pour M. Charles B., par la SCP Delaporte et Briard, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de Cassation ;
M. Charles B. demande à la cour :
1°) d’annuler l’ordonnance n° 0204323, en date du 10 décembre 2002, par laquelle le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté, d’une part, sa demande tendant à l’annulation de la décision, en date du 27 mai 2002, du directeur régional des douanes et des droits indirects de Chambéry lui refusant la communication du rapport établi le 2 février 1995 par M. CATELIN relatif à la situation des débits de boissons gérés par deux sociétés qu’il dirige, d’autre part, ses conclusions aux fins d’injonction et d’astreinte et tendant au remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2°) d’annuler ladite décision de refus de communication ;
3°) d’enjoindre au directeur régional des douanes et des droits indirects de Chambéry, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter d’un délai de 15 jours suivant la notification de la décision de la cour, de lui communiquer le document demandé ;
4°) de condamner l’Etat à lui payer une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés en première instance et 3 000 euros au titre de la procédure d’appel, en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal ;
Vu la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
Vu le décret n°88-465 du 28 avril 1988 relatif à la procédure d’accès aux documents administratifs ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 20 mars 2003 :
le rapport de M. BESLE, premier conseiller ;
les observations de Me VAUDESCAL, avocat de M. B. ;
et les conclusions de M. BOURRACHOT, commissaire du gouvernement ;
Considérant que par lettre du 2 mai 2002, M. Charles B. a demandé, par l’intermédiaire de son avocat, au directeur régional des douanes de Chambéry de lui communiquer, en application de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978, un rapport établi le 2 février 1995 par M. CATELIN, accompagné de Mme SEGALA, inspecteur des impôts indirects, à la suite d’une visite des débits de boissons exploités par deux sociétés qu’il dirige ; qu’en réponse, par courrier du 27 mai 2002, le directeur régional des douanes a rejeté sa demande ; que la commission d’accès aux documents administratifs, saisie par M. Charles B. par lettre du 2 juillet 2002 du refus de communication, a déclaré, par lettre du 14 août 2002, la demande sans objet au motif que le directeur général des douanes et des droits indirects l’avait informée qu’il ne disposait d’aucun rapport établi par M. CATELIN, ce dernier n’appartenant d’ailleurs pas à l’administration des douanes ; que, par l’ordonnance attaquée du 10 décembre 2002, le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de M. Charles B. comme manifestement irrecevable au motif que la direction des douanes et des droits indirects de Chambéry ne détenait pas un document intitulé " rapport de M. CATELIN " puisque ce dernier n’appartenait pas à cette administration ; que, la saisine de la commission d’accès aux documents administratifs constituant un préalable obligatoire à la saisine du juge, M. Charles B. doit être regardé comme demandant l’annulation de la décision implicite de rejet né à l’expiration du délai de deux mois suivant la saisine de ladite commission ;
Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 1er de la loi susvisée n° 78-753 du 17 juillet 1978 : " - Le droit de toute personne à l’information est précisé et garanti par le présent titre en ce qui concerne la liberté d’accès aux documents administratifs. - Sont considérés comme documents administratifs, au sens du présent titre, tous dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, directives, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives, avis, prévisions et décisions, qui émanent de l’Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics ou des organismes de droit public ou privé chargés de la gestion d’un service public. Ces documents peuvent revêtir la forme d’écrits, d’enregistrements sonores ou visuels, de documents existant sur support informatique ou pouvant être obtenus par un traitement automatisé d’usage courant. - Ne sont pas considérés comme documents administratifs, au sens du présent titre, les actes des assemblées parlementaires, les avis du Conseil d’Etat et des juridictions administratives, les documents de la Cour des comptes mentionnés à l’article L. 140-9 du code des juridictions financières et les documents des chambres régionales des comptes mentionnés à l’article L. 241-6 du même code, les documents d’instruction des réclamations adressées au Médiateur de la République, les documents préalables à l’élaboration du rapport d’accréditation des établissements de santé prévu à l’article L. 6113-6 du code de la santé publique et les rapports d’audit des établissements de santé mentionnés à l’article 40 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 " ; qu’aux termes de l’article 2 de la même loi : " Sous réserve des dispositions de l’article 6, les autorités mentionnées à l’article 1er sont tenues de communiquer les documents administratifs qu’elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent titre. Le droit à communication ne s’applique qu’à des documents achevés. Il ne concerne pas les documents préparatoires à une décision administrative tant qu’elle est en cours d’élaboration. Il ne s’exerce plus lorsque les documents font l’objet d’une diffusion publique. Il ne s’applique pas aux documents réalisés dans le cadre d’un contrat de prestation de service exécuté pour le compte d’une ou de plusieurs personnes déterminées. L’administration sollicitée n’est pas tenue de donner suite aux demandes abusives, en particulier par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique. " ; qu’aux termes de l’article 7 de ladite loi : " Le refus de communication est notifié au demandeur sous forme de décision écrite motivée (...) " ; et, d’autre part, qu’aux termes de l’article 20 de la loi susvisée n° 2000-321 du 12 avril 2000 : " Lorsqu’une demande est adressée à une autorité administrative incompétente, cette dernière la transmet à l’autorité administrative compétente et en avise l’intéressé. Le délai au terme duquel est susceptible d’intervenir une décision implicite de rejet court à compter de la date de réception de la demande par l’autorité initialement saisie. Le délai au terme duquel est susceptible d’intervenir une décision implicite d’acceptation ne court qu’à compter de la date de réception de la demande par l’autorité compétente. Dans tous les cas, l’accusé de réception est délivré par l’autorité compétente. " ;
Considérant que si aucune disposition de la loi du 17 juillet 1978 susvisée ne fait obligation à une autorité administrative, saisie d’une demande de communication de documents administratifs, de rechercher auprès d’autres organismes les pièces qui ne sont pas en sa possession, celle-ci est néanmoins tenue, en application des dispositions précitées de l’article 20 de la loi du 12 avril 2000, lorsqu’elle est saisie d’une demande suffisamment précise pour lui permettre d’identifier l’autorité compétente, de la transmettre à cette dernière ; qu’en application de l’article 2 du décret susvisé n° 88-465 du 28 août 1988, le défaut de transmission de la demande à l’autorité compétente ne fait pas obstacle à ce que celle-ci soit réputée avoir opposée une décision implicite de rejet née deux mois à compter de la saisine de l’autorité initialement saisie ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier qu’un rapport a été établi par M. CATHELAIN, agent relevant des services de la préfecture de police, à la suite de la visite, effectuée en compagnie d’un inspecteur des droits indirects, des établissements exploités par les sociétés dirigées par M. Charles B. ; que bien que ce dernier se soit adressé au directeur régional des douanes et des droits indirects pour avoir communication dudit rapport, sa demande était précise et permettait d’identifier le service dont émanait le rapport ou le détenant ; que, par suite cette demande a fait naître une décision implicite de refus de communication prise par l’autorité compétente ; que, par suite, c’est à tort que, par l’ordonnance attaquée le président du tribunal administratif a déclaré la demande de M. Charles B. manifestement irrecevable au motif que la direction régionale des douanes et des droits indirects ne détenait pas le document dont la communication lui était demandée ; qu’ainsi ladite ordonnance du président du tribunal administratif de Grenoble en date du 10 décembre 2002 doit être annulée ;
Considérant qu’il y a lieu de renvoyer M. Charles B. devant le tribunal administratif de Grenoble pour qu’il soit statué sur sa requête ;
D E C I D E :
ARTICLE 1er :. L’ordonnance du tribunal administratif de Grenoble en date du 10 décembre 2002 est annulée.
ARTICLE 2 : M. B. est renvoyé devant le tribunal administratif de Grenoble pour qu’il soit statué sur sa requête.