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Conseil d’Etat, 30 juillet 2003, n° 244051, GIE Soccram/Dalkia et Société ACE Europe

En limitant le jeu de la subrogation légale que prévoit l’article 1251 du Code civil à la seule hypothèse d’une cession de la convention d’affermage au profit du G.I.E, sans rechercher si ce dernier pouvait être juridiquement tenu au paiement de cette dette par d’autres circonstances de droit ou de fait, la cour a entaché son arrêt d’une erreur de droit.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 244051

G.I.E. SOCCRAM/DALKIA
SOCIETE ACE EUROPE

M. Lenica
Rapporteur

M. Piveteau
Commissaire du gouvernement

Séance du 25 juin 2003
Lecture du 30 juillet 2003

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil dEtat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 7ème et 5ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 7ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête, enregistrée le 13 mars 2002, présentée d’une part pour le G.I.E. SOCCRAM DALKIA, venant aux droits du G.I.E. SOCCRAM ESYS-MONTENAY, lui-même venant aux droits du G.I.E. SOCCRAM MONTENAY, dont le siège est 44-46, allée Léon-Gambetta, BP 228 à Clichy, représenté par ses dirigeants en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège et d’autre part pour la société ACE EUROPE, dont le siège est au Colisée, 8, avenue de l’Arche, à Courbevoie (92419), représentée par ses dirigeants en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège ; le G.I.E. SOCCRAM DALKIA et la société ACE EUROPE demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 4 décembre 2001 par lequel la cour administrative de Paris a annulé le jugement du 24 mars 1987 par lequel le tribunal administratif de Paris avait condamné le département de Seine-Saint-Denis à leur verser respectivement la somme de 281 130 F et de 325 626 F en réparation de dommages causés au réseau de chauffage urbain de la ville de Villepinte ;

2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter l’appel formé par le département de Seine-Saint-Denis contre le jugement du tribunal administratif de Paris ;

3°) de condamner le département de Seine-Saint-Denis à leur verser la somme cumulée de 6 726 euros au titre des frais exposés par eux en appel et en cassation ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil, notamment son article 1251-3° ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique
- le rapport de M. Lenica, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Gatineau, avocat du G.I.E. SOCCRAMIDALKIA et de la SOCIETE ACE EUROPE et de la SCP Bouzidi, avocat du conseil général de la Seine-Saint-Denis,
- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’aux termes de l’article 1251 du code civil : "La subrogation a lieu de plein droit : (...) 3°) au profit de celui qui, étant tenu avec d’autres ou pour d’autres au paiement de la dette, avait intérêt de l’acquitter (...)" ;

Considérant que pour annuler le jugement du 24 mars 1987 du tribunal administratif de Paris, qui avait condamné le département de Seine-Saint-Denis à verser au G.I.E. SOCCRAM-MONTENAY, aux droits duquel est venu le G.I.E SOCCRAM DALKIA, et à la société CIGNA, aux droits de laquelle est venue la société Ace Europe, des indemnités à la suite des dommages causés au réseau de chauffage urbain de la commune de Villepinte par le réseau d’assainissement des eaux de la commune géré par le département, la cour administrative d’appel a estimé qu’à défaut de la mise en oeuvre de la procédure de cession prévue par l’article III de la convention du 22 février 1978 par laquelle le réseau de chauffage urbain avait été solidairement affermé aux sociétés Arrizoli, Bernard et Perre, SOCCRAM et MONTENAY, aux droits de laquelle est venue la SOCIETE DALKIA, le G.I.E, personne morale distincte des SOCIETES SOCCRAM ET DALKIA, n’était pas juridiquement tenu d’acquitter les frais de remise en état du chauffage urbain et qu’il ne pouvait ainsi se prévaloir des dispositions précitées de l’article 1251 du code civil ; qu’en limitant ainsi le jeu de la subrogation légale que prévoit cet article à la seule hypothèse d’une cession de la convention d’affermage au profit du G.I.E, sans rechercher si ce dernier pouvait être juridiquement tenu au paiement de cette dette par d’autres circonstances de droit ou de fait, la cour a entaché son arrêt d’une erreur de droit ; que le G.I.E SOCCRAMIDALKIA et la SOCIETE ACE EUROPE sont ainsi fondés, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de leur requête, à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;

Considérant qu’aux termes du second alinéa de l’article L. 821-2 du code de justice administrative : "Lorsque l’affaire fait l’objet d’un deuxième pourvoi en cassation, le Conseil d’Etat statue définitivement sur cette affaire" ; qu’il y a lieu, en application de ces dispositions, de régler l’affaire au fond ;

Sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande présentée par le G.I.E. SOCCRAM/DALKIA devant le tribunal administratif de Paris ;

Sur la demande en réparation du préjudice subi par le G.I.E. SOCCRAM/DALKIA

Considérant que le G.I.E. SOCCRAM/DALKIA n’était pas lui-même exploitant du réseau de chauffage urbain ; que les dépenses qu’il a engagées pour réparer les dommages causés à ce réseau ne l’ont été qu’en conséquence de l’obligation que le G.I.E. SOCCRAM/DALKIA croyait avoir à l’égard des fermiers ; que le préjudice subi par le G.I.E. SOCCRAM/DALKIA ne revêt dès lors qu’un caractère indirect ; qu’il suit de là que le G.I.E. SOCCRAM/DÀLKIA n’est pas fondé à en demander la réparation ;

Sur les subrogations

Considérant, en premier lieu, que s’il résulte des dispositions de l’article 14 du cahier des charges annexé à la convention d’affermage que les entreprises titulaires de la concession étaient subrogées dans les droits de la commune pour engager toute action en cas de dégâts causés au réseau de chauffage urbain, aucune pièce au dossier ne permet d’établir que le G.LE aurait bénéficié à son tour par voie conventionnelle d’une subrogation dans les droits de ces sociétés ;

Considérant, en second lieu, d’une part qu’aux termes de l’article L. 251-1 du code de commerce, qui codifie sur ce point les dispositions, applicables à l’époque des faits, de l’article 1er de l’ordonnance du 23 septembre 1967 sur les groupements d’intérêt économique "( ...) Le but du groupement est de faciliter ou de développer l’activité économique de ses membres, d’améliorer ou d’accroître les résultats de cette activité. Il n’est pas de réaliser des bénéfices pour lui-même. / Son activité doit se rattacher à l’activité économique de ses membres et ne peut avoir qu’un caractère auxiliaire par rapport à celle-ci" ; qu’à la lumière de ces dispositions, l’objet social du G.I.E constitué par les deux SOCIETES SOCCRAM ET DALKIA, qui prévoyait certes l’exécution en commun des engagements pris par elles dans le cadre des conventions d’affermage des installations de chauffage urbain des communes de Villepinte et Sevran, ne peut néanmoins être interprété comme signifiant que le G.I.E. était juridiquement tenu d’acquitter pour elles le paiement des dettes résultant de cette activité ;

Considérant d’autre part qu’il résulte de l’instruction que la procédure de cession de l’affermage prévue par l’article III de la convention n’a pas été mise en ceuvre au profit du G.I.E. ;

Considérant enfin qu’il ne résulte pas de l’instruction que d’autres circonstances de droit ou de fait commandaient de regarder le G.I.E. comme étant juridiquement tenu d’acquitter pour les sociétés qui le constituaient le paiement des frais de remise en état du réseau de chauffage urbain ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le département de Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif, faisant droit à la demande présentée par le G.I.E. SOCCRAM/MONTENAY et son assureur devant lui ; l’a condamné à indemniser ces derniers ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que le département de Seine-Saint-Denis, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser au G.I.E. SOCCRAM DALKIA et la SOCIETE ACE EUROPE la somme qu’ils demandent au titre de ces dispositions ; qu’il n’y a pas lieu dans les circonstances de l’espèce, de faire droit à la demande présentée par le département en application de ces mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris en date du 4 décembre 2001 est annulé.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 24 mars 1987 est annulé en tant qu’il a condamné le département de Seine-Saint-Denis à indemniser le G.I.E. SOCCRAM DALKIA et la SOCIETE ACE EUROPE.

Article 3 : Les conclusions tendant à la condamnation du département de Seine-Saint-Denis présentées par le G.I.E. SOCCRAM MONTENAY et la SOCIETE CIGNA, aux droits desquels sont venus le G.I.E. SOCCRAM DALKIA et la SOCIETE ACE EUROPE, devant le tribunal administratif de Paris sont rejetées.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête du G.I.E. SOCCRAM DALKIA et de la SOCIETE ACE EUROPE ainsi que les conclusions du département de Seine-Saint-Denis tendant à l’application de l’article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au G.I.E. SOCCRAM DÀLKIA, à la SOCIETE ACE EUROPE, au département de Seine-Saint-Denis et au ministre de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

 


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