COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE MARSEILLE
N° 00MA02031
M. Jean C.
M. LAPORTE
Président
Mme FERNANDEZ
Rapporteur
M. BOCQUET
Commissaire du Gouvernement
Arrêt du 10 juin 2003
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE MARSEILLE
(2ème chambre)
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d’appel de Marseille le 11 septembre 2000 sous le n° 00MA02031, présentée pour M. Jean C. ;
M. C. demande à la Cour :
1°/ d’annuler le jugement en date du 27 avril 2002 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de l’intérieur sur le recours hiérarchique formulé le 2 septembre 1996 contre la décision implicite de rejet de sa demande de paiement de l’indemnité spéciale aux personnels des services actifs de la police, pour la période de juin 1992 à janvier 1993 durant laquelle il était placé en congé de longue durée, par le préfet du département des Bouches du Rhône ;
2°/ d’annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de l’intérieur sur le recours hiérarchique formulé le 2 septembre 1996 contre la décision implicite de rejet de sa demande de paiement de l’indemnité spéciale aux personnels des services actifs de la police, pour la période de juin 1992 à janvier 1993 durant laquelle il a été placé en congé de longue durée, par le préfet du département des Bouches du Rhône ;
3°/ de condamner l’Etat à lui verser la somme de 16 193,06 F représentant le rappel de l’indemnité spéciale aux personnels des services actifs de la police impayée pour la période de juin 1992 à janvier 1993 avec les intérêts légaux à compter de l’enregistrement de la requête ;
4°/ de faire application des dispositions de l’article L.8-2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
5°/ de condamner l’Etat à lui verser la somme de 10 000 F au titre de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Il soutient que selon l’arrêt Doucet du Conseil d’Etat du 19 juin 1992, l’indemnité sollicitée est un supplément de traitement dès lors qu’elle est soumise à retenue pour pension ; que dès lors elle est due en dehors de l’exercice des fonctions notamment durant les congés de maladie ordinaire, de longue maladie ou de longue durée ; que d’ailleurs une circulaire ministérielle du 27 décembre 1994 et une circulaire ministérielle du 9 février 1995 indiquent expressément qu’elle doit être maintenue dans le cas des congés de longue maladie ou de longue durée ; que le ministre en refusant de la verser à l’exposant pour la période demandée a fait une inexacte application du droit et a méconnu le principe d’égalité de traitement des fonctionnaires appartenant à un même corps ;
Vu le mémoire enregistré le 25 avril 2001 présenté par le ministre de l’intérieur ;
Le ministre demande à la Cour :
1°/ de rejeter la requête ;
2°/ de condamner M. C. à verser à l’Etat la somme de 5 000 F au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que le requérant invoque la mauvaise interprétation faite par les juges de première instance de l’arrêt Doucet ; qu’en effet à la suite d’une demande formulée conjointement par le ministre de l’intérieur et par le ministre de la fonction publique, un avis a été rendu par la section des finances du Conseil d’Etat le 13 janvier 1998 sur la nature des indemnités soumises à retenue pour pension ; que selon cet avis, alors même qu’elles sont soumises à retenue pour pension, ces indemnités ne sont pas incluses dans le traitement, sauf pour les opérations comptables permettant de calculer les retenues et droits à pension des fonctionnaires en bénéficiant ; que le traitement ne comprend pas les indemnités soumises à retenue pour pension ; que cet avis a donc apporté une limite aux conséquences qu’il convenait de tirer de l’arrêt Doucet, en refusant de considérer que l’indemnité de sujétions spéciales de police soit une partie intégrante du traitement ; que cela est d’autant plus évident que cette indemnité a été substituée par le décret n° 58-517 du 29 mai 1958 à la prime de risque, à l’indemnité de déplacement à l’intérieur de la résidence, à la prime de danger des CRS et à l’indemnité exceptionnelle des personnels de la police, indemnités qui aux termes de l’article 4 de la loi n° 48-1504 du 28 septembre 1948 sont allouées aux personnels de police en raison de la nature particulière de leurs fonctions et des missions qui leur sont confiées ; que son versement est donc lié à l’exercice effectif des fonctions ; que dès lors les demandes du requérant ne sont pas fondées ; que de plus l’intéressé a déjà perçu, par la voie de sa mutuelle, le montant de l’indemnité sollicitée ; qu’il n’est donc pas fondé à la réclamer à l’administration ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 48-1504 du 28 septembre 1948 ;
Vu la loi n° 82-1126 du 29 décembre 1982 portant loi de finances pour 1983, et notamment son article 95 ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires, notamment son article 20 ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat ;
Vu le décret n° 58-517 du 29 mai 1958 portant attribution d’une indemnité spéciale aux personnels de police ;
Vu le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l’organisation des comités médicaux et des commissions de réformes, aux conditions d’aptitude physique pour l’admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 27 mai 2003 :
le rapport de Mme FERNANDEZ, premier conseiller ;
et les conclusions de M. BOCQUET, premier conseiller ;
Au fond :
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que M. C., fonctionnaire de police nationale, ayant été placé en congé de longue durée, a fait une demande de paiement de l’indemnité spéciale aux personnels des services actifs de la police au ministre de l’intérieur pour cette période, laquelle a été rejetée implicitement par la décision attaquée ;
Considérant qu’aux termes de l’article 20 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 : "Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l’indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. S’y ajoutent les prestations familiales obligatoires. Le montant du traitement est fixé en fonction du grade de l’agent et de l’échelon auquel il est parvenu ou de l’emploi auquel il est nommé ... ; qu’aux termes de l’article 34 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 : "Le fonctionnaire en activité a droit (...) 3° A des congés de longue maladie d’une durée maximale de trois ans (...). Le fonctionnaire conserve l’intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. L’intéressé conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l’indemnité de résidence (...) 4° A un congé de longue durée (...) de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l’indemnité de résidence ..." ; qu’aux termes de l’article 37 du décret susvisé du 14 mars 1986 : "Au traitement ou au demi-traitement s’ajoutent les avantages familiaux et la totalité ou la moitié des indemnités accessoires, à l’exclusion de celles qui sont attachées à l’exercice des fonctions ou qui ont le caractère de remboursement de frais." ;
Considérant que le traitement visé par les dispositions précitées est lié à un indice propre à chaque agent public et à un montant régulièrement actualisé et n’inclut aucune indemnité, qu’elle fasse ou non l’objet d’une retenue pour pension, sauf disposition expresse de nature législative ou réglementaire prévoyant une telle intégration ; qu’il s’en suit que la seule circonstance que l’indemnité spéciale aux personnels des services actifs de la police soit soumise à retenue pour pension ne peut être utilement invoquée pour soutenir qu’elle doit être regardée comme partie intégrante du traitement de l’agent ;
Considérant qu’aucun texte législatif ou réglementaire n’a prévu l’intégration de l’indemnité spéciale aux personnels des services actifs de la police dans la rémunération versée aux fonctionnaires de police placés en congé de longue maladie ou de longue durée ; que cette indemnité, attachée à l’exercice des fonctions n’est pas au nombre de celles dont le maintien est prévu par les dispositions précitées de l’article 34 de la loi du 11 janvier 1984 et de l’article 37 du décret du 14 mars 1986 ; que dans ces conditions M. C. ne peut utilement se prévaloir ni de circulaires ministérielles dépourvues de caractère réglementaire, ni invoquer le principe d’égalité des fonctionnaires ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. C. n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif, a rejeté ses demandes tendant à l’annulation de la décision attaquée et à la condamnation de l’Etat à lui verser des indemnités de sujétions spéciales de police pour la période durant laquelle il était en congé longue durée ;
Sur les conclusions à fin d’injonction :
Considérant que par voie de conséquence, les conclusions de M. C. tendant à ce que la Cour fasse application des articles L.911-1 et L.911-2 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies ;
Sur l’application de l’article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la partie perdante puisse obtenir, à la charge de son adversaire, le remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées à ce titre par M. C., doivent dès lors être rejetées ;
Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions susmentionnées présentées par le ministre de l’intérieur ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C. est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du ministre de l’intérieur tendant à la condamnation de M. C. au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C. et au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.