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Conseil d’Etat, Section, 31 mars 2003, n° 229839, Société fiduciaire nationale d’expertise comptable Fiducial

Pour l’accomplissement de leur mission et dans la seule mesure nécessaire à celle-ci, les experts-comptables, membres de l’Ordre chargés du contrôle interne qui sont eux-mêmes astreints au secret professionnel, peuvent et doivent recevoir communication de toutes pièces et documents de travail et notamment des dossiers de la clientèle. La restriction apportée au secret professionnel qui en découle est la conséquence nécessaire des dispositions législatives conférant à l’Ordre, dans l’intérêt de la clientèle et dans l’intérêt général, une mission générale de surveillance de la profession.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 229839

SOCIETE FIDUCIAIRE NATIONALE D’EXPERTISE COMPTABLE FIDUCIAL

Mlle Vialettes
Rapporteur

M. Lamy
Commissaire du gouvernement

Séance du 21 mars 2003
Lecture du 31 mars 2003

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux)

Sur le rapport de la 6ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 février et 31 mai 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SOCIETE FIDUCIAIRE NATIONALE D’EXPERTISE COMPTABLE FIDUCIAL, dont le siège est 20, place de l’Iris à Courbevoie (92400) ; la SOCIETE FIDUCIAIRE NATIONALE D’EXPERTISE COMPTABLE FIDUCIAL demande au Conseil d’Etat :

1°) l’annulation pour excès de pouvoir de l’arrêté en date du 24 novembre 2000 par lequel le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie et le ministre de l’éducation nationale ont agréé les titres I, II, III et IV du règlement intérieur de l’Ordre des experts-comptables ;

2°) la condamnation de l’Etat à lui verser la somme de 20 000 F au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 modifiée ;

Vu le décret n° 86-211 du 14 février 1986 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Vialettes, Auditeur,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la SOCIETE FIDUCIAIRE NATIONALE D’EXPERTISE COMPTABLE FIDUCIAL et de la SCP Peignot, Garreau, avocat de l’Ordre des experts-comptables,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’aux termes de l’article 74 de l’ordonnance du 19 septembre 1945 portant institution de l’Ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d’expert-comptable : " le conseil supérieur de l’Ordre doit établir le code des devoirs professionnels et arrêter les dispositions du règlement intérieur de l’Ordre. Ces textes sont soumis à l’agrément du ministre de l’économie nationale et du ministre de l’éducation nationale " ; que la SOCIETE FIDUCIAIRE NATIONALE D’EXPERTISE COMPTABLE FIDUCIAL demande l’annulation pour excès de pouvoir de l’arrêté, en date du 24 novembre 2000, par lequel le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie et le ministre de l’éducation nationale ont agréé le règlement intérieur de l’Ordre des experts-comptables ;

Sur la légalité externe de l’arrêté attaqué :

Considérant, en premier lieu, que l’arrêté contesté du 24 novembre 2000 est signé par M. Bruno Parent, directeur adjoint au directeur général des impôts, et par Mme Francine Demichel, directrice de l’enseignement supérieur ; que, d’une part, M. Parent a, par arrêté en date du 15 juin 2000 publié au Journal officiel du 16 juin, reçu délégation permanente, au nom du secrétaire d’Etat au budget, dans la limite de ses attributions, à l’effet de signer tous actes, arrêtés, décisions ou conventions et que, d’autre part, Mme Demichel a, par arrêté du ministre de l’éducation nationale en date du 12 avril 2000 publié au Journal officiel du 19 avril, reçu délégation à l’effet de signer dans la limite de ses attributions tous actes, arrêtés et décisions à l’exclusion des décrets ; qu’ainsi l’arrêté contesté a été signé par des autorités compétentes ;

Considérant, en second lieu, qu’il ressort du procès-verbal de la session du 7 septembre 2000 du conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables que celui-ci a, conformément aux dispositions de l’article 74 précité de l’ordonnance du 19 septembre 1945, établi le règlement intérieur avant de le soumettre à l’agrément des ministres ;

Sur la légalité interne de l’arrêté attaqué :

Considérant que l’arrêté du 24 novembre 2000 est contesté en ce que les dispositions de ses articles 61 et suivants qui organisent le contrôle des cabinets pourraient avoir pour effet qu’il soit porté atteinte au secret professionnel dès lors que, notamment, ses articles 69, 83 et 90 prévoient que les contrôleurs ont accès à l’ensemble des pièces des dossiers qu’ils ont retenus pour leur contrôle ;

Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 21 de l’ordonnance du 19 septembre 1945 : "sous réserve de toute disposition législative contraire, les experts-comptables, les comptables agréés et les experts-comptables stagiaires sont tenus au secret professionnel dans les conditions et sous les peines fixées par l’article 226-13 du code pénal" ; qu’aux termes de l’article 31 de la même ordonnance, le conseil régional de l’Ordre a seul qualité pour "1° surveiller dans sa circonscription l’exercice des professions d’expert-comptable et de comptable agréé" ;

Considérant, d’autre part, que pour l’application de ces dispositions a été pris le décret du 14 février 1986 relatif à l’examen de l’activité professionnelle des membres de l’Ordre des experts-comptables et des comptables agréés dont l’article 2 dispose : "la personne contrôlée met à la disposition du contrôleur les documents nécessaires à l’exécution de sa mission et lui fournit toutes explications utiles" ; que le règlement intérieur contesté met en place pour l’examen de l’activité professionnelle un "contrôle de qualité" confié à des contrôleurs membres de l’Ordre ; qu’en vertu de son article 69, ce contrôle comporte, d’une part, la prise de connaissance de l’organisation des systèmes et des procédures en vigueur dans le cabinet concerné, d’autre part, la vérification des diligences et du respect des normes professionnelles en examinant par sondages ou épreuves les dossiers de travail correspondant à des missions sélectionnées par les experts-comptables chargés du contrôle ; que son article 86 prévoit que le rapport, ses annexes et le dossier de contrôle sont transmis au président du conseil régional et que l’article 90 dispose : "le cabinet retenu pour un contrôle de qualité s’engage à mettre à la disposition des contrôleurs, au siège du cabinet ou du bureau concerné, l’ensemble des pièces et des documents nécessaires au contrôle et à leur fournir toutes explications utiles" ;

Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ces dispositions que, pour l’accomplissement de leur mission et dans la seule mesure nécessaire à celle-ci, les experts-comptables, membres de l’Ordre chargés du contrôle interne qui sont eux-mêmes astreints au secret professionnel, peuvent et doivent recevoir communication de toutes pièces et documents de travail et notamment des dossiers de la clientèle ; que la restriction apportée au secret professionnel qui en découle est la conséquence nécessaire des dispositions législatives conférant à l’Ordre, dans l’intérêt de la clientèle et dans l’intérêt général, une mission générale de surveillance de la profession ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les articles 69, 86 et 90 du règlement attaqué porteraient une atteinte illégale à la règle du secret professionnel doit être écarté ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la requérante n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêté du 24 novembre 2000 ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la SOCIETE FIDUCIAIRE NATIONALE D’EXPERTISE COMPTABLE FIDUCIAL la somme de 3 000 euros que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SOCIETE FIDUCIAIRE NATIONALE D’EXPERTISE COMPTABLE FIDUCIAL est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE FIDUCIAIRE NATIONALE D’EXPERTISE COMPTABLE FIDUCIAL, à l’Ordre des experts-comptables et comptables agréés, au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie et au ministre de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche.

 


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