CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 224459
M. C.
Mme Laigneau
Rapporteur
M. Austry
Commissaire du gouvernement
Séance du 25 septembre 2002
Lecture du 18 octobre 2002
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 3ème et 8ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 3ème sous-section de la Section du contentieux
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 août et 26 décembre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Yves C. ; M. C. demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris en date du 29 juin 2000 rejetant sa requête tendant à l’annulation du jugement du 1er juin 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge des compléments d’impôt sur le revenu et des pénalités auxquels il a été assujetti au titre des années 1985 et 1987 ;
2°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 15 000 F en application de l’article 75-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention fiscale du 9 septembre 1966 conclue entre la France et la Suisse en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôt sur le revenu et sur la fortune ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de Mme Laigneau, Maître des Requêtes,
les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de M. Yves C.,
les conclusions de M. Austry, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l’administration fiscale a taxé d’office les revenus de M. C. au titre des années 1985, 1986 et 1987 pour défaut de déclarations de revenus ; que M. C. se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 29 juin 2000 par lequel la cour administrative d’appel de Paris, confirmant le jugement du tribunal administratif de Paris du 1er juin 1995, a rejeté sa demande en décharge de ces impositions ;
Sur la régularité de la procédure d’imposition :
Considérant qu’aux termes de l’article L. 66 du livre des procédures fiscales : "Sont taxés d’office : 1 °/ à l’impôt sur le revenu les contribuables qui n’ont pas déposé dans le délai légal la déclaration d’ensemble de leurs revenus (...) sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l’article L. 67" ; que l’article L. 67 du livre des procédures fiscales dispose que : "La procédure de taxation d’office prévue aux 1 ° et 4° de l’article L. 66 n’est applicable que si le contribuable n’a pas régularisé sa situation dans les 30 jours de la notification d’une première mise en demeure" ; que l’article 170-1 du code général des impôts dispose que "En vue de l’établissement de l’impôt sur le revenu, toute personne imposable audit impôt est tenue de souscrire et de faire parvenir à l’administration une déclaration détaillée de ses revenus et bénéfices et de ses charges de famille" ; qu’il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l’administration fiscale a adressé à M. C. le 2 août 1988 une mise en demeure l’invitant à déposer, dans un délai de 30 jours et pour les années 1985 à 1987, la déclaration prévue à l’article 170-1 précité ; que M. C. a aussitôt contesté être assujetti à cette obligation déclarative eu égard à sa qualité de résident susvisée, et n’a souscrit les déclarations demandées que le 16 décembre 1988 ; que l’administration n’était pas tenue de préciser dans sa mise en demeure, au-delà du rappel des dispositions de l’article 170-1 précité, les motifs de droit ou de fait pour lesquels elle estimait que M. C. était imposable à l’impôt sur le revenu ; que par suite la cour n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que la procédure de taxation d’office était applicable à M. C. alors même qu’il avait contesté devoir être soumis à l’obligation déclarative ; que la cour n’a pas non plus commis d’erreur de droit en jugeant que le moyen tiré de ce que les textes législatifs qui ont établi cette procédure méconnaîtraient le principe constitutionnel d’égalité devant les charges publiques ne pouvait être utilement invoqué devant le juge administratif et en écartant comme inopérant le moyen tiré de ce que l’administration n’aurait pas respecté les exigences de la procédure contradictoire de redressement ;
Sur le bien fondé de l’imposition en France des revenus perçus par le requérant au titre des années 1985 à 1987 :
Considérant qu’aux termes de l’article 4A du code général des impôts : "Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l’impôt sur le revenu en raison de l’ensemble de leurs revenus (...)" ; qu’aux termes de l’article 4B du même code : "1°/ Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l’article 4A : a) les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal b) celles qui exercent en France une activité professionnelle salariée ou non, à moins qu’elles ne justifient que cette activité est exercée à titre accessoire (...)" ; que pour estimer que M. C. avait son domicile fiscal en France, la cour a retenu non seulement le fait que l’intéressé avait en France son lieu de séjour principal mais aussi qu’il y exerçait une activité professionnelle n’ayant pas un caractère accessoire ; que la cour pouvait légalement se fonder sur ce seul critère, dont la réalité n’est pas contestée, pour juger que le domicile fiscal de M. C. se trouvait en France ; que par suite les moyens dirigés contre l’autre motif surabondant retenu par la cour ne peuvent qu’être écartés ;
Considérant qu’aux termes de l’article 4 de la convention du 9 septembre 1966 conclue entre la France et la Suisse en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôt sur le revenu et sur la fortune (...) "1/. Au sens de la présente convention, l’expression "résident d’un Etat contractant" désigne toute personne qui, en vertu de la législation dudit Etat, est assujettie à l’impôt dans cet Etat en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue. 2/ Lorsque, selon la disposition du paragraphe 1, une personne physique est considérée comme résident de chacun des Etats contractants, le cas est résolu d’après les règles suivantes a) cette personne est considérée comme résident de l’Etat contractant où elle dispose d’un foyer d’habitation permanent, cette expression désignant le centre des intérêts vitaux c’est-à-dire le lieu avec lequel ses relations personnelles sont les plus étroites (...)" ; que, pour juger que M. C. , même s’il est regardé comme résident suisse par les autorités helvétiques, n’établissait pas avoir en Suisse son foyer d’habitation permanent, la cour n’a pas commis d’erreur de droit en retenant non seulement le fait que ses quatre enfants et leur mère résidaient en France, où l’intéressé disposait d’un appartement, mais aussi la situation de son patrimoine immobilier et de ses comptes bancaires dans les deux pays respectifs, dès lors qu’elle n’a conféré qu’un caractère accessoire à ces éléments patrimoniaux ;
Sur le bien fondé de l’imposition des bénéfices non commerciaux :
Considérant que l’article 155 A du code général des impôts dispose que "les sommes perçues par une personne domiciliée ou établie hors de France en rémunération des services rendus par une ou plusieurs personnes domiciliées ou établies en France sont imposables au nom de ces dernières .... lorsqu’elles n’établissent pas que cette personne exerce de manière prépondérante, une activité industrielle ou commerciale, autre que la prestation de services (...)" ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, la cour n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que l’administration pouvait, sur le fondement de ce texte, imposer M. C. à raison des sommes que la société Suisse Dosim développement a peiçues de la société française Sodim en rémunération des services rendus par M. C. sans rechercher si pouvaient également être appliquées les dispositions de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales réprimant les abus de droit ;
Sur les pénalités :
Considérant qu’en jugeant que M. C. pouvait légalement être taxé d’office sur le fondement de l’article 170-1 précité du code général des impôts, la cour a implicitement mais nécessairement répondu au moyen tiré par M. C. de l’inapplicabilité des pénalités prévues pour les contribuables passibles de cette procédure ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. C. n’est pas fondé à demander l’annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris en date du 29 juin 2000 ;
Considérant que les dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat qui n’est pas dans la présente espèce la partie perdante soit condamné à verser à M. C. la somme qu’il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C. est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Yves C. et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.