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Conseil d’Etat, 29 juillet 2002, n° 231158, Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI) et autres

La circulaire attaquée indique que la stabilité du lien personnel dont se prévaut le demandeur d’un titre de séjour doit notamment être regardée comme établie lorsque celui-ci justifie d’une ancienneté de vie commune avec son partenaire de trois ans si ce dernier a la nationalité française ou la nationalité de l’un des Etats membres de l’Union européenne et de cinq ans dans les autres cas. Or l’article 12 de la loi du 15 novembre 1999 sur le pacte civil de solidarité n’introduit aucune distinction entre les demandeurs de carte de séjour selon la nationalité de leur partenaire. Ainsi, le ministre de l’intérieur a ajouté aux termes de la loi en prévoyant une telle distinction.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 231158

GROUPE D’INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES et autres

Mme Imbert-Quaretta
Rapporteur

Mme Prada Bordenave
Commissaire du gouvernement

Séance du 26 juin 2002
Lecture du 29 juillet 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux (Section du contentieux, 2ème et 1ère sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 2ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête, enregistrée le 9 mars 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour le GROUPE D’INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES (GISTI), dont le siège est 3, villa Marcès à Paris (75011), représenté par son président en exercice, la LIGUE DES DROITS DE L’HOMME, dont le siège est 27, rue Jean Dolent à Paris (75014) et l’ASSOCIATION "FEMMES DE LA TERRE", dont le siège est 5, villa Marcès à Paris (75011) ; le GROUPE D’INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES et autres demandent au Conseil d’Etat d’annuler la circulaire du ministre de l’intérieur en date du 10 décembre 1999 concernant l’application de l’article 12 bis 70 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 aux partenaires ayant conclu un pacte civil de solidarité (PACS) ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, notamment son article 12 ;

Vu la loi n° 99-994 du 15 novembre 1999, notamment son article 12 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Imbert-Quaretta, Conseiller d’Etat,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat du GROUPE D’INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES et du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples,
- les conclusions de Mme Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples a intérêt à l’annulation de la circulaire attaquée ; qu’ainsi, son intervention est recevable ;

Considérant que les dispositions du 70 de l’article 12 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 prévoient que la carte de séjour temporaire "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit, "sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public.., a l’étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n’entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d’autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus" ; qu’aux termes de l’article 12 de la loi du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité : "La conclusion d’un pacte civil de solidarité constitue l’un des éléments d’appréciation des liens personnels en France, au sens du 70 de l’article 12 bis de l’ordonnance n0 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France, pour l’obtention d’un titre de séjour"

Considérant qu’en indiquant que la stabilité du lien personnel dont se prévaut l’étranger à l’appui d’une demande de titre de séjour s’apprécie au regard de la vie commune en France, la circulaire attaquée se borne à rappeler les règles qui découlent des dispositions de l’ordonnance du 2 novembre 1945 et de la loi du 15 novembre 1999 ; que cette dernière loi n’a pas assimilé, pour l’appréciation du droit au séjour en France, le pacte de solidarité au mariage ; que la circulaire attaquée ne méconnaît donc pas la portée des dispositions législatives qu’elle commente en indiquant que les étrangers mariés ne sont pas dans la même situation que ceux qui sont liés par un pacte civil de solidarité ; qu’enfin, la circulaire attaquée ne contient aucune mention concernant le cas des ressortissants algériens et marocains ; que, sur ces divers points, les conclusions des associations requérantes ne sont donc pas recevables ;

Considérant, en revanche, que la circulaire attaquée indique que la stabilité du lien personnel dont se prévaut le demandeur d’un titre de séjour doit notamment être regardée comme établie lorsque celui-ci justifie d’une ancienneté de vie commune avec son partenaire de trois ans si ce dernier a la nationalité française ou la nationalité de l’un des Etats membres de l’Union européenne et de cinq ans dans les autres cas ; que l’article 12 de la loi du 15 novembre 1999 n’introduit aucune distinction entre les demandeurs de carte de séjour selon la nationalité de leur partenaire ; qu’ainsi, le ministre de l’intérieur a ajouté aux termes de la loi en prévoyant une telle distinction ; que les associations requérantes sont, dès lors, recevables et fondées à demander l’annulation des paragraphes a) et b) ainsi que des deux premiers alinéas du c) du I de la circulaire attaquée, dont les dispositions sont indivisibles ;

Considérant, enfin, que le troisième alinéa du c) du I de la circulaire attaquée prévoit que les dispositions du 70 de l’article 12 bis de l’ordonnance du 2 novembre 1945 ne s’appliquent pas aux étrangers ayant conclu un pacte civil de solidarité avec le titulaire d’une carte de séjour temporaire portant la mention "étudiant" ; que, si la qualité d’étudiant du partenaire étranger lié par un pacte civil de solidarité avec l’étranger qui demande un titre de séjour peut être l’un des éléments d’appréciation des liens de ce dernier en France, la loi du 15 novembre 1999 n’exclut pas, par principe, du champ d’application des dispositions de son article 12 les étrangers qui ont conclu un pacte civil de solidarité avec le titulaire d’une carte de séjour temporaire portant la mention "étudiant" ; qu’en prévoyant une telle exclusion, la circulaire attaquée ajoute à la loi ; que les associations requérantes sont, par suite, recevables et fondées à demander l’annulation du troisième alinéa c) du I de cette circulaire ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les associations requérantes sont recevables et fondées à demander l’annulation des paragraphes a), b) et c) du I de la circulaire attaquée ;

D E C I D E :

Article ler : L’intervention du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples est admise.

Article 2 : Les paragraphes a), b) et c) du I de la circulaire du ministre de l’intérieur en date du 10 décembre 1999 relative à l’application de l’article 12 bis 70 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée sont annulés.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au GROUPE D’INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES, à la LIGUE DES DROITS DE L’HOMME, à l’ASSOCIATION "FEMMES DE LA TERRE", au Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples et au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

 


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