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Conseil d’Etat, 5 juin 2002, n° 219840, M. Richard S.

Lorsqu’ils sont donnés en location, les biens passibles d’une taxe foncière ne peuvent être imposés au nom du propriétaire, même dans le cas où le locataire est exonéré de la taxe professionnelle.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 219840

M. S.

M. Fabre, Rapporteur

M. Courtial, Commissaire du gouvernement

Séance du 15 mai 2002

Lecture du 5 juin 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 9ème et 10ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 avril et 4 août 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Richard S. ; M. S. demande au Conseil d’Etat d’annuler l’arrêt du 30 décembre 1999 par lequel la cour administrative d’appel de Nantes a rejeté les conclusions, tendant à la réduction des cotisations primitives de taxe professionnelle auxquelles il a été assujetti au titre de chacune des années 1985 à 1988, de la demande présentée par lui devant le tribunal administratif de Nantes, ainsi que les conclusions ayant conservé un objet, et tendant à la réduction des cotisations primitives de taxe professionnelle auxquelles il a été assujetti au titre de chacune des années 1989 et 1990 et à la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles il a été assujetti au titre de chacune des années 1985 à 1990, de ses requêtes d’appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Fabre, Conseiller d’Etat,
- les observations de la SCP Nicolay, de Lanouvelle, avocat de M. S.,
- les conclusions de M. Courtial, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi :

Considérant qu’aux termes de l’article 1467 du code général des impôts : "La taxe professionnelle a pour base : 1°... a) la valeur locative... des immobilisations corporelles dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle..." ; qu’aux termes du quatrième alinéa du 1 °, relatif aux biens passibles d’une taxe foncière, de l’article 1469 du même code : "Les locaux donnés en location à des redevables de la taxe professionnelle sont imposés au nom du locataire...", et que, selon le deuxième alinéa du 3°, relatif aux équipements et biens mobiliers dont la durée d’amortissement est inférieure à trente ans, "... les biens donnés en location sont imposés au nom du propriétaire... si le locataire n’est pas passible de la taxe professionnelle..." ;

Considérant que, par l’arrêt attaqué, la cour administrative d’appel a, pour rejeter, dans la mesure où elles avaient conservé leur objet, les conclusions de M. S. tendant à la réduction des cotisations primitives et à la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles il a été assujetti au titre de chacune des années 1985 à 1990, notamment écarté la contestation par ce dernier du principe de l’inclusion dans ses bases d’imposition de la totalité de la valeur locative des immobilisations constitutives de l’établissement dont il était propriétaire et dans lequel étaient effectuées les opérations de conditionnement et de conservation par le froid des fruits et légumes dont il assurait le négoce en gros, alors que, selon lui, ces immobilisations avaient été, en partie, en vertu d’une convention verbale, mises à la disposition de la Société d’Intérêt Collectif Agricole (S.I.C.A.) Apanjou, pour les besoins de l’activité de conditionnement de fruits et légumes de celle-ci ;

Considérant que, d’une part, en ce qui concerne les biens litigieux passibles d’une taxe foncière, la cour administrative d’appel a jugé la contestation de M. S. infondée, dès lors que la convention existant entre lui et la S.I.C.A. Apanjou n’avait pas eu pour effet de donner des biens en location à cette dernière et qu’était, par suite, inapplicable la disposition précitée du 1° de l’article 1469 du code général des impôts, d’où résulte que, lorsqu’ils sont donnés en location, les biens passibles d’une taxe foncière ne peuvent être imposés au nom du propriétaire, même dans le cas où le locataire est exonéré de la taxe professionnelle ; que si, contrairement à ce que soutient en premier lieu M. S., la cour administrative d’appel n’a pas commis d’inexactitude de qualification juridique des faits en jugeant, après avoir relevé, sans dénaturer les éléments du dossier, le défaut de réservation à l’usage de la S.I.C.A. d’une partie déterminée des installations et la proportionnalité des redevances versées par cette dernière aux poids de produits conditionnés ou entreposés par elle dans ces installations, que les biens en cause ne lui avaient pas été "donnés en location", au sens du 1 ° de l’article 1469 du code général des impôts, en revanche, et comme le soutient en second lieu M. S., la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit en déduisant de ce seul fait que les bases d’imposition du requérant devaient inclure la valeur locative entière desdits biens, sans rechercher si celui-ci en avait, contrairement à ce qu’il prétendait, conservé la disposition entière, au sens et pour l’application de l’article 1467 du code général des impôts, nonobstant la convention, fût-elle d’une autre nature qu’un bail, en vertu de laquelle il permettait à la S.I.C.A. Apanjou d’en user ;

Considérant que, d’autre part, en ce qui concerne les biens non passibles d’une taxe foncière, la cour administrative d’appel s’est fondée, pour écarter la prétention de M. S., sur la circonstance que la S.I.C.A. Apanjou était exonérée de la taxe professionnelle en vertu des dispositions de l’article 1751 du code général des impôts, et sur les dispositions précitées du 3° de l’article 1469, prévoyant l’imposition du propriétaire si le locataire n’est pas passible de la taxe ; qu’en statuant ainsi, la cour a méconnu le champ d’application, limité aux biens "donnés en location", de ces dernières dispositions ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. S. est fondé à demander l’annulation en son entier de l’arrêt attaqué ;

Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu, par application de l’article L. 821-2, deuxième alinéa, du code de justice administrative, de régler l’affaire au fond ;

Sur la régularité de la procédure d’imposition en ce qui concerne la cotisation primitive établie au titre de l’année 1989 et chacune des cotisations supplémentaires litigieuses :

Considérant que, lorsqu’une imposition est, telle la taxe professionnelle, assise sur la base d’éléments qui doivent être déclarés par le redevable, l’administration ne peut établir, à la charge de celui-ci, des droits excédant le montant de ceux qui résulteraient des éléments qu’il a déclarés qu’après l’avoir, conformément au principe général des droits de la défense, mis à même de présenter ses observations ; que les dispositions de l’article L. 56 du livre des procédures fiscales, en vertu desquelles la procédure de redressement contradictoire prévue par les articles L. 55 à L. 61 de ce livre n’est pas applicable en matière d’impositions directes perçues au profit des collectivités locales, ont pour seul effet d’écarter cette procédure de redressement contradictoire mais ne dispensent pas du respect, en ce qui concerne la taxe professionnelle, des obligations qui découlent du principe général des droits de la défense ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que les cotisations de taxe professionnelle susmentionnées ont été établies sur des bases excédant celles que M. S. avait déclarées, et sans qu’il ait été préalablement mis à même de formuler ses observations ; que, si M. S. ne peut utilement invoquer cette irrégularité en ce qui concerne la cotisation primitive établie au titre de l’année 1989, dès lors qu’à la suite des dégrèvements partiels et réduction dont elle fait l’objet, il n’en subsiste qu’une fraction n’excédant pas le montant des droits qui seraient résultés des éléments par lui déclarés, il est, en revanche, fondé à soutenir que les cotisations supplémentaires auxquelles il a été assujetti au titre de chacune des années 1985 à 1990 ont été établies à l’issue d’une procédure entachée d’une irrégularité de nature à entraîner la décharge de ce qu’il en a été maintenu ;

Sur le bien-fondé des cotisations primitives :

Sans qu’il soit besoin d’examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre aux conclusions tendant à la réduction de la cotisation primitive établie au titre de l’année 1990 :

Considérant, en premier lieu, que, les modalités selon lesquelles il résulte de l’instruction que M. S. a, durant les années d’imposition, permis à la S.I.C.A. Apanjou d’user de ses installations de conditionnement et de conservation par le froid de fruits et légumes ne caractérisant pas, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, une location de ces dernières, le bien-fondé de l’inclusion de la totalité de leur valeur locative dans les bases d’imposition du requérant dépend, qu’il s’agisse de biens passibles ou non passibles d’une taxe foncière, du seul point de savoir si celui-ci en a pleinement conservé, et non, comme il le soutient, partagé avec la S.I.C.A., la disposition, au sens du 1°-a) précité de l’article 1467 du code général des impôts ; que doit être regardé comme ayant "disposé" d’immobilisations, au sens de ce texte, le contribuable qui a exercé sur elles un contrôle et les a matériellement utilisées pour la réalisation des opérations qu’il effectue ;

Considérant que M. S. ne conteste pas que, comme le fait valoir le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, l’accord aux termes duquel il autorisait la S.I.C.A. Apanjou à user de ses installations moyennant le paiement de redevances ne restreignait en rien, au profit de celle-ci, sa maîtrise du choix des équipements, de leur maintenance et de la détermination des conditions de leur utilisation ; qu’il a, ainsi, conservé le contrôle exclusif de ces biens, qu’il a matériellement utilisés à la fois pour effectuer ses propres opérations de conditionnement et de conservation de fruits et légumes et pour fournir, à titre onéreux, à la S.I.C.A. Apanjou un service, et dont il a, par suite, seul et pleinement "disposé", au sens du 1°-a) de l’article 1467 du code général des impôts ; que, dès lors, M. S. n’est pas fondé à soutenir que la valeur locative en aurait à tort été en totalité incluse dans les bases de la cotisation primitive à laquelle il a été assujetti au titre de l’année 1989 ;

Considérant, en second lieu, que, si M. S. soutient que la valeur locative de certaines immobilisations passibles d’une taxe foncière a été déterminée suivant les règles applicables aux biens non passibles d’une taxe foncière, il n’apporte au soutien de cette allégation aucune précision de nature à permettre d’apprécier si des biens auraient de ce fait été surévalués ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que, d’une part, les conclusions de la demande présentée par M. S. au tribunal administratif de Nantes tendant à la réduction des cotisations primitives de taxe professionnelle auxquelles il est resté assujetti au titre de chacune des années 1985 à 1988 doivent être rejetées, et que, d’autre part, M. S. est seulement fondé à soutenir que c’est à tort que, par ses jugements du 22 octobre 1992 et du 2 juillet 1993, le tribunal a rejeté les conclusions de ses demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles il est resté assujetti au titre de chacune des années 1985 à 1990 ;

Sur l’application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l’Etat à verser à M. S., en remboursement des frais exposés par lui tant devant le tribunal administratif et la cour administrative d’appel que devant le Conseil d’Etat et non compris dans les dépens, la somme de 4 000 euros ;

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes du 30 décembre 1999 est annulé.

Article 2 : Il est accordé à M. S. décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles il est resté assujetti au titre de chacune des années 1985 à 1990.

Article 3 : Les jugements du tribunal administratif de Nantes du 22 octobre 1992 et du 2 juillet 1993 sont réformés en ce qu’ils ont de contraire à l’article 2 ci-dessus.

Article 4 : Les conclusions de la demande présentée par M. S. devant le tribunal administratif de Nantes tendant à la réduction des cotisations primitives de taxe professionnelle auxquelles il a été assujetti au titre de chacune des années 1985 à 1988 et le surplus des conclusions ayant conservé un objet de ses requêtes devant la cour administrative d’appel de Nantes sont rejetés.

Article 5 : L’Etat versera à M. S., au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 4 000 euros.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Richard S. et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

 


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