format pour impression
(imprimer)

DANS LA MEME RUBRIQUE :
Conseil d’Etat, 21 décembre 2001, n° 221006, Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie c/ Société Labesque VI
Conseil d’Etat, 9 avril 2004, n° 253340, Jean-Marie D.
Conseil d’Etat, 25 avril 2003, n° 199190, Secrétaire d’Etat au logement c/ Société Murinvest
Cour administrative d’appel de Marseille, 20 mai 2003, n° 99MA02033, M. Laurent W.
Conseil d’Etat, 11 décembre 2008, n° 301726, Roger C.
Conseil d’Etat, 9 avril 2004, n° 250079, Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie c/ Adolfo C.
Conseil d’Etat, 28 novembre 2003, n° 255954, Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie c/ SA Tekelec Airtronic
Cour administrative d’appel de Paris, 22 avril 2003, n° 99PA04092, Société d’applications entropologiques (SAE)
Conseil d’Etat, 8 mars 2004, n° 248094, Fereshteh M.
Cour administrative d’appel de Bordeaux, 20 février 2003, n° 98BX02202, Mlle Véronique G.




Conseil d’Etat, 16 mai 2008, n° 288101, Société Selafa Geomat

Si, en vertu des règles gouvernant l’attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d’établir les faits qu’elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu’une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu’à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l’application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu’il entend déduire du bénéfice net défini à l’article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c’est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l’existence et la valeur de la contrepartie qu’il en a retirée. Dans l’hypothèse où le contribuable s’acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s’il s’y croit fondé, d’apporter la preuve de ce que la charge en cause n’est pas déductible par nature, qu’elle est dépourvue de contrepartie, qu’elle a une contrepartie dépourvue d’intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 288101

Société SELAFA GEOMAT

Mme Anne Egerszegi
Rapporteur

M. François Séners
Commissaire du gouvernement

Séance du 12 mars 2008
Lecture du 16 mai 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 3ème et 8ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 3ème sous-section de la section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 décembre 2005 et 12 avril 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la société SELAFA GEOMAT, dont le siège est 47-49, rue Kléber à Fougères (35300) ; la société SELAFA GEOMAT demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 10 octobre 2005 par lequel la cour administrative d’appel de Nantes, confirmant le jugement du 19 décembre 2002 du tribunal administratif de Rennes, a rejeté sa requête tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de contribution de 10 % à l’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l’exercice clos le 31 mars 1995 ;

2°) réglant l’affaire au fond, de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 4 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Egerszegi, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société SELAFA GEOMAT,

- les conclusions de M. François Séners, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’en exécution d’une convention d’assistance conclue avec la SARL Géo Concept, la société SELAFA GEOMAT, filiale de la précédente, s’est engagée à verser à celle-ci une redevance forfaitaire annuelle de 1 320 000 F en rémunération de la mise à disposition d’un comptable et deux géomètres experts pour la réalisation de diverses prestations d’assistance, les unes, à caractère administratif et financier, les autres, à caractère technique et commercial ; que l’administration fiscale n’a cependant admis la déduction des charges comptabilisées à ce titre par la société SELAFA GEOMAT qu’à hauteur de la part de la redevance correspondant aux frais exposés par la SARL Géo Concept, majorés d’une marge de 10 %, soit 1 071 834 F ;

Considérant que la société SELAFA GEOMAT se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 10 octobre 2005 par lequel la cour administrative d’appel de Nantes, confirmant le jugement du tribunal administratif de Rennes du 19 décembre 2002, a rejeté sa requête tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de contribution de 10 % à l’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l’exercice clos le 31 mars 1995 ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu’aux termes du 1 de l’article 39 du code général des impôts : "Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (.) notamment : /1° Les frais généraux de toute nature (.)" ; que si, en vertu des règles gouvernant l’attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d’établir les faits qu’elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu’une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu’à celle-ci ; qu’il appartient, dès lors, au contribuable, pour l’application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu’il entend déduire du bénéfice net défini à l’article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c’est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l’existence et la valeur de la contrepartie qu’il en a retirée ; que dans l’hypothèse où le contribuable s’acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s’il s’y croit fondé, d’apporter la preuve de ce que la charge en cause n’est pas déductible par nature, qu’elle est dépourvue de contrepartie, qu’elle a une contrepartie dépourvue d’intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;

Considérant qu’en exigeant que la société requérante présente tous éléments et documents "propres à établir la nature et l’importance des services reçus de la société mère et à permettre d’apprécier si le montant des sommes versées à celle-ci correspond à l’étendue des services que ces sommes ont pour objet de rémunérer" et en écartant comme non probants les éléments fournis par la société, notamment pour justifier le montant de la redevance versée, sans tenir compte de ce que l’administration ne remettait pas en cause la réalité des prestations fournies et sans rechercher si elle apportait des éléments de critique du chiffrage exposé par la société de nature à démontrer que la rémunération de la contrepartie obtenue était excessive, la cour a fait une inexacte application des règles gouvernant la charge de la preuve rappelées ci-dessus ; que la société SELAFA GEOMAT est dès lors fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;

Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu, par application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l’affaire au fond ;

Considérant que, pour justifier le montant de la redevance versée à la SARL Géo Concept en rémunération des prestations que celle-ci lui fournissait, que l’administration jugeait excessif, la société SELAFA GEOMAT a produit, d’une part, des éléments de comparaison entre les tarifs horaires facturés par sa société mère pour les différentes prestations et les tarifs habituellement pratiqués en la matière, d’autre part, des éléments d’analyse tendant à établir que le nombre d’heures de travail que les trois personnes mises à sa disposition consacraient respectivement à leur mission d’assistance auprès d’elle et à leurs responsabilités au sein de la société mère, dont ils étaient les salariés, s’expliquait par l’importance relative des tâches à accomplir au sein des deux sociétés ; que la société SELAFA GEOMAT doit dès lors être regardée comme justifiant du principe de la déductibilité des charges litigieuses ; qu’en réponse aux éléments circonstanciés fournis par la société, l’administration, qui se borne à affirmer que la rémunération des prestations de la société mère au bénéfice de sa filiale ne saurait excéder le coût de revient des prestations pour la société mère, majoré de 10 %, ne peut être regardée comme apportant la preuve de ce que la rémunération versée par la société SELAFA GEOMAT à la SARL Géo Concept, en contrepartie des prestations d’assistance que celle-ci réalisait à son profit, était excessive ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la société SELAFA GEOMAT est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement du 19 décembre 2002, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande en décharge des impositions litigieuses en ce qui concerne la réintégration, dans son bénéfice imposable de l’exercice clos le 31 mars 1995, de la somme de 248 165 F correspondant à une fraction de la redevance annuelle versée à sa société mère, la SARL Géo Concept ;

Sur les conclusions tendant au remboursement de frais exposés pour constituer des garanties :

Considérant que, faute de litige né et actuel opposant la société SELAFA GEOMAT au comptable chargé, le cas échéant, du remboursement des frais qu’elle a exposés pour constituer des garanties, les conclusions présentées directement par la société devant le juge d’appel et tendant au remboursement de ces frais sont irrecevables ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par la société SELAFA GEOMAT et non compris dans les dépens, y compris des frais de timbre ;

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêt du 10 octobre 2005 de la cour administrative d’appel de Nantes et le jugement du 19 décembre 2002 du tribunal administratif de Rennes sont annulés.

Article 2 : La société SELAFA GEOMAT est déchargée des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de contribution de 10 % à l’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l’exercice clos le 31 mars 1995.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par la société SELAFA GEOMAT devant la cour d’appel de Nantes est rejeté.

Article 4 : L’Etat versera à la société SELAFA GEOMAT la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société SELAFA GEOMAT et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

 


©opyright - 1998 - contact - Rajf.org - Revue de l'Actualité Juridique Française - L'auteur du site
Suivre la vie du site