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LES DERNIERES DECISIONS :
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Décision n° 2002-D-19 du 14 mars 2002 relative aux pratiques du Syndicat national des utilisateurs de grues et entreprises de levage-montage et manutention (SNUG) dans le secteur de la location de grues mobiles
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19 mai 2002

Décision n° 2002-D-26 du 9 avril 2002 relative à une saisine de la société Prieur Sports dans le secteur de la distribution des équipements d’escrime

LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE siégeant en commission permanente,

Vu la lettre enregistrée le 11 octobre 2001 sous le numéro F 1349, par laquelle la société Prieur Sports a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques imputées aux sociétés Adidas-Salomon et Allstar Fecht Center GmbH ;

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié fixant les conditions d’application de l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Le rapporteur, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement et le représentant de la société Prieur Sports, entendus lors de la séance du 26 février 2002 ;

Considérant que l’article L. 462-8, alinéa 2, du code de commerce dispose que le conseil "peut aussi rejeter la saisine par décision motivée lorsqu’il estime que les faits invoqués ne sont pas appuyés d’éléments suffisamment probants" ;

Considérant que la société Prieur Sports, qui a fusionné à compter du 1er janvier 1999 avec la société Céro, a pour activité la fabrication et la commercialisation d’équipements d’escrime qu’elle revend directement aux utilisateurs ; que, parmi ces équipements, elle ne fabrique pas elle-même les chaussures ; que, jusqu’en juin 1997, la société Prieur Sports commercialisait, notamment, des chaussures d’escrime de la marque Adidas livrées par la société Adidas France, dans le cadre d’un contrat de distribution sélective ;

Considérant qu’à compter du mois de juillet 1997, la société Adidas France, malgré des demandes réitérées de la société Prieur Sports, s’est refusée à satisfaire ses commandes en lui indiquant qu’elle devrait désormais s’adresser à la société allemande Allstar, dont elle lui a communiqué les coordonnées en France, au motif qu’elle avait confié à cette dernière la distribution exclusive des chaussures d’escrime ; que, dans un courrier du 27 avril 2000 adressé à la société Prieur Sports, la société Adidas-Salomon précise qu’elle a pris la décision de renoncer à commercialiser directement des équipements d’escrime et d’en confier la distribution à une société spécialisée dans ce type de produits, en raison de leur spécificité et pour des raisons de rentabilité ;

Considérant que la société Prieur Sports expose que l’approvisionnement auprès de la société Allstar, qui serait par ailleurs son concurrent sur le marché, la contraindrait à acquérir les chaussures à des conditions économiques défavorables susceptibles de la mettre hors marché ; que, sur le marché de la chaussure d’escrime, la société Adidas détiendrait "une position largement dominante", en raison de "leur indéniable qualité" qui ferait de ces produits ceux "qui sont les plus demandés" ;

Considérant que la société Prieur Sports soutient, en conséquence, que le refus de vente qui lui est opposé par la société Adidas-Salomon constitue, d’une part, un abus de position dominante et, d’autre part, une entente anticoncurrentielle entre les sociétés Adidas-France et Allstar ; que cette pratique aurait eu pour effet une baisse sensible de son chiffre d’affaires ;

Sur la position dominante de la société Adidas-Salomon

Considérant que, dans une décision n° 98-D-31 relative au secteur de l’escrime, le Conseil a constaté la présence d’une dizaine d’offreurs sur le marché de la chaussure d’escrime en notant, sans relever l’existence d’une position dominante, que les chaussures d’escrime sont "principalement" de la marque Adidas ; que la décision précise que, sur ce marché, la demande est constituée, d’une part, des 36 000 licenciés de la fédération française d’escrime dont la très grande majorité (70 %) sont des jeunes et très jeunes licenciés, d’autre part, de 70 000 pratiquants titulaires de la carte "escrime" destinée aux pratiquants du milieu scolaire et universitaire et des centres de loisirs ; que le Conseil a relevé que les chaussures d’escrime ne font pas partie de l’équipement obligatoire "car, même en compétition, l’escrime peut se pratiquer en chaussures de sport" ; que la décision concluait qu’ainsi, sur le marché aval répondant à la demande des utilisateurs d’équipement d’escrime, coexistent, en ce qui concerne les chaussures, à la fois les fabricants de chaussures destinées spécifiquement à la pratique de ce sport et les fabricants de chaussures de sport en général, dont certains ont une notoriété et une qualité des produits équivalentes à celles de la marque Adidas ;

Considérant qu’il résulte, dès lors, tant des caractéristiques du marché déjà relevées par le Conseil par la décision précitée que des éléments joints à l’appui de la saisine, qu’il est possible, à un premier niveau d’analyse, de caractériser un marché des chaussures utilisées par les pratiquants d’escrime qui regrouperait à la fois les chaussures d’escrime spécifiques et les chaussures de sport en général ;

Considérant qu’il ne peut, cependant, être exclu qu’il puisse exister un marché caractérisé par la demande de pratiquants de haut niveau s’équipant exclusivement en chaussures d’escrime spécifiques, pour autant que soit établie la non substituabilité des produits en cause ; que, néanmoins, l’allégation, selon laquelle Adidas représenterait 95 % des ventes auprès des pratiquants de haut niveau, à supposer que puisse être défini un marché spécifique répondant à la demande de ces pratiquants, n’est étayée par aucune donnée chiffrée ;

Sur le refus de vente de la société Adidas

Considérant qu’à compter de juillet 1997, la société Adidas-Salomon a abandonné la distribution directe des équipements d’escrime pour la confier à la société Allstar en qualité de distributeur exclusif ; que, selon la société Prieur Sports, le refus de livraison qui lui a été opposé, en raison de cette modification, affecterait les conditions de la concurrence entre elle-même et la société Allstar du fait, notamment, que cette dernière serait, par ailleurs, sa concurrente sur le marché aval de la revente aux pratiquants ;

Mais considérant que le choix d’un mode de distribution relève de la libre appréciation du fournisseur, sous réserve que le refus opposé à un revendeur ne constitue pas, en raison des circonstances dans lesquelles il intervient, une pratique contraire aux règles de la concurrence ; qu’ainsi, un fournisseur demeure libre de modifier l’organisation de son réseau de distribution sans que ses clients bénéficient d’un droit acquis au maintien de leur situation ; qu’une telle modification ne constitue pas en elle-même une pratique anticoncurrentielle dès lors que les revendeurs disposent, notamment, de la possibilité de s’approvisionner auprès du distributeur désigné par le fournisseur ; qu’en l’espèce, il est constant que la société Prieur Sports a été invitée par la société Adidas-Salomon à adresser ses commandes à la société Allstar ;

Sur l’existence de solution alternatives

Considérant que la société Prieur Sports soutient qu’elle se trouve dans l’impossibilité de commercialiser des chaussures d’escrime de marque Adidas du fait du refus de vente opposé par cette dernière ; que, toutefois, elle indique dans sa saisine qu’elle a commercialisé "notamment des chaussures d’escrime de marque Adidas" et qu’elle cite six fournisseurs de ce type de produits, en dehors d’Adidas ; qu’elle a elle-même signalé, lors de la séance, qu’elle avait fait fabriquer en Chine des chaussures à sa marque dont les ventes avaient été satisfaisantes notamment auprès de sa clientèle habituelle ; qu’ainsi, la société Prieur Sports, en complément de son offre d’équipements d’escrime, est en mesure de proposer à ses clients des chaussures d’autres marques, qu’il s’agisse soit spécifiquement, de chaussures d’escrime soit de chaussures de sport ; qu’au surplus, elle produit une facture de mai 2001 qui atteste qu’elle a pu s’approvisionner en chaussures d’escrime de marque Adidas auprès d’un revendeur installé en Grande-Bretagne ;

Considérant qu’en tout état de cause la société Prieur Sports dispose de la possibilité de s’approvisionner en chaussures d’escrime de marque Adidas auprès du distributeur exclusif de ces produits, la société Allstar ; qu’aucun élément du dossier n’établit qu’à la date de sa saisine, la société Prieur Sports aurait cherché à entrer en relations commerciales avec la société Allstar, que ce soit pour commander des produits ou pour être agréée en qualité de revendeur ; que, lors de la séance, la société Prieur Sports a produit une facture d’achat auprès d’Allstar datée du 30 janvier 2002, qu’elle a présentée comme une commande ponctuelle de dépannage ; qu’il est ainsi établi que la société Prieur Sports a été en mesure de s’approvisionner en chaussures de marque Adidas soit auprès du distributeur officiel la société Allstar soit auprès d’un autre revendeur ;

Considérant que la société Prieur Sports allègue encore que l’approvisionnement auprès de la société Allstar se ferait à des conditions commerciales qui ne lui permettraient pas de pratiquer des prix compétitifs auprès des pratiquants, notamment, parce que cette dernière société, qui est sa concurrente auprès des pratiquants, lui consentirait des prix de cession excluant, en raison de leur niveau, toute possibilité de s’aligner sur les prix de vente au détail pratiqués par son fournisseur ; que, toutefois, cette allégation n’est étayée d’aucun commencement de preuve, notamment en ce qui concerne les prix au détail pratiqués effectivement par les sociétés Allstar et Prieur Sports ou les marges constatées sur ces produits ;

Considérant, en outre, que l’examen de la facture émanant de la société Allstar, produite lors de la séance et qui concerne un très petit nombre de produits (1 à 3 paires par pointure, 18 paires au total), permet de relever que la société Prieur Sports a bénéficié, par rapport au prix du tarif de base, d’une remise revendeur de 15 %, telle qu’elle est d’ailleurs mentionnée dans le barème de la société Allstar joint à la saisine ; que ce barème prévoit aussi des remises quantitatives et pour programmation des commandes qui, cumulées, peuvent représenter une remise supplémentaire maximale de 17 % ; qu’ainsi, il apparaît que, dans le cadre d’une collaboration régulière et dès lors qu’elle remplirait les conditions requises, la société Prieur Sports serait en mesure d’accéder aux rémunérations octroyées à tout revendeur par la société Allstar ; que la société Prieur Sports n’apporte aucun élément tendant à démontrer que ce fournisseur lui appliquerait des conditions discriminatoires injustifiées susceptibles, notamment, de l’empêcher d’être compétitive par rapport à ce même fournisseur pour la revente des chaussures Adidas auprès des pratiquants ;

Considérant, que la société Prieur Sports fait valoir, par ailleurs, que bien que les chaussures ne représentent qu’une faible part du coût total de l’équipement des pratiquants, le fait de ne pouvoir proposer à ceux-ci des chaussures d’escrime de la marque Adidas, laquelle bénéficierait d’une très forte notoriété, provoquerait une dérive des ventes au profit de la société Allstar ; qu’elle expose que dans le cadre des compétions, lorsqu’un pratiquant se présente sur le stand de la société Allstar pour y acquérir des chaussures Adidas, il y achète aussi, nécessairement, le reste de son équipement ;

Mais considérant que la société Prieur Sports n’apporte, à l’appui de cette allégation, aucun élément, et, en particulier, ne fournit pas de chiffres relatifs à la ventilation de ses ventes par produits et à l’évolution de ces chiffres sur la période ouverte depuis que la société Allstar bénéficie de l’exclusivité de la commercialisation des chaussures Adidas, ou permettant de constater l’importance globale des ventes sur les stands lors des compétitions ; qu’au surplus, l’hypothèse de cette dérive des ventes est en partie contredite, en premier lieu, par le fait que, malgré cette exclusivité qui existe depuis plus de quatre ans, d’autres revendeurs, dont la société Prieur Sports elle-même, ont été en mesure de proposer aux pratiquants des chaussures de marque Adidas, en second lieu, par les déclarations du représentant de la société Prieur Sports qui a indiqué, lors de la séance, qu’il avait fait fabriquer des chaussures en Chine à sa marque, et que la commercialisation de ce produit avait été encourageante, notamment auprès de sa clientèle fidèle aux autres produits d’équipement d’escrime qu’elle commercialise ;

Sur les conséquences du refus de vente sur l’activité de société Prieur Sports

Considérant que la société Prieur Sports soutient que le refus de livraison opposé par la société Adidas a provoqué, depuis l’exercice 1999, une baisse sensible de son chiffre d’affaires ;

Mais considérant, que la société Prieur Sports ne communique ses comptes que pour l’exercice 2000, au cours duquel on peut effectivement constater une baisse de 8 % de son chiffre d’affaires global par rapport à l’exercice précédent ; qu’elle ne produit, en revanche, aucun élément permettant de connaître la ventilation de ses ventes entre les différents équipements d’escrime, notamment quant à l’importance des chaussures dans son activité ; que, dans sa décision précitée 98-D-31, le Conseil a relevé que les chaussures d’escrime ne représentent que 1 à 4 % du chiffre d’affaires global de vente de matériel et d’équipement d’escrime des entreprises ;

Considérant, enfin, que les données communiquées ne permettent pas d’établir un lien direct entre la baisse de chiffre d’affaires, constatée en 2000 par rapport à 1999, et le refus de vente d’Adidas ; qu’en effet, ce refus est opposé depuis juillet 1997 ; qu’au surplus, la société Prieur a elle-même indiqué qu’au moins jusqu’en mai 2001, elle avait été en mesure de s’approvisionner en chaussures d’escrime de marque Adidas auprès d’un revendeur installé en Grande-Bretagne et qu’il s’ensuit que la prétendue indisponibilité des chaussures de cette marque n’a pu produire ses effets qu’à compter du second semestre 2001 ; qu’enfin, si on constate une baisse de 8 % du chiffre d’affaires en 2000 par rapport à 1999, les comptes présentés font apparaître que le résultat d’exploitation a été multiplié par 2,5 et que le résultat courant, négatif en 1999 (- 116 350 F), est positif en 2000 (+ 294 068 F) ;

Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède, qu’aucun élément présenté à l’appui de la saisine ne permet de penser ni, qu’à supposer qu’il soit établi que la société Adidas dispose d’une position dominante sur un marché spécifique des chaussures d’escrime, il serait fait un usage abusif de cette position dominante, ni qu’une entente anticoncurrentielle aurait pu être mise en œuvre par les sociétés Adidas et Allstar, ni enfin, que la société Allstar aurait pratiqué des conditions de vente discriminatoires à l’égard de la société Prieur Sports ; qu’en l’état de l’instruction et en absence d’éléments suffisamment probants, il y a lieu de faire application des dispositions de l’article L. 462-8 de ce code.

DéCIDE

Article unique - La saisine au fond enregistrée sous le numéro F 1349 est rejetée.

Délibéré sur le rapport oral de M. Komiha, par Mme Hagelsteen, présidente, M. Nasse, vice-président et M. Bidaud, membre, en remplacement de Mme Pasturel, vice-présidente empêchée.

 


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