19 mai 2002
Décision n° 2002-MC-03 du 27 février 2002 relative à la saisine et à la demande de mesures conservatoires présentée par la société T-Online France
LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE, siégeant en Section,
Vu la lettre enregistrée le 28 novembre 2001 sous
les numéros F 1360 et M 294, par
laquelle la société T-Online France a saisi le
Conseil de la concurrence de certaines pratiques de la société
France Télécom qu’elle estime anticoncurrentielles
et a sollicité en outre le prononcé de mesures
conservatoires ;
Vu le livre IV du code de commerce et le décret
n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié,
fixant les conditions d’application de l’ordonnance n° 86-1243
du 1er décembre 1986 ;
Vu la décision de secret des affaires n° 01-DSA-21
du 3 décembre 2001 ;
Vu l’avis n° 02-35 adopté par l’Autorité
de régulation des télécommunications le
9 janvier 2002, à la demande du Conseil, sur le
fondement des dispositions de l’article L. 36-10 du code
des postes et télécommunications ;
Vu les observations présentées par les sociétés
T-Online France, France Télécom et par le commissaire
du Gouvernement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Le rapporteur, la rapporteure générale adjointe,
le commissaire du Gouvernement et les représentants des
sociétés T-Online France et France Télécom
entendus lors de la séance du 30 janvier 2002 ;
Les représentants des sociétés Tiscali
France et AOL France entendus conformément aux dispositions
de l’article L. 463-7 du code de commerce ;
I. - Sur la saisine au fond
Considérant que la société France Télécom
conteste l’intérêt à agir de la société
T-Online France ; qu’elle fait valoir que la saisine du
Conseil par cette entreprise vise le comportement de France
Télécom relatif à la préparation
et à la mise en œuvre du dégroupage de sa boucle
locale, alors que la plaignante est un fournisseur d’accès
à Internet, qui exerce ses activités dans le cadre
de l’article L. 34-2 du code des postes et télécommunications
et non un des opérateurs de réseau de télécommunications
ouvert au public, au titre de l’article L. 33-1 de
ce code, auxquels s’adresse le dégroupage ;
Mais considérant que si la société T-Online
France est un fournisseur d’accès à Internet,
la prestation d’accès à Internet haut débit
par la technologie ADSL qu’elle propose au public nécessite
pour l’utilisateur de souscrire à la fois un abonnement
au service auprès d’un fournisseur d’accès, ainsi
qu’une offre de connexion rapide de technologie ADSL auprès
d’un opérateur de télécommunications ;
que de ce fait les conditions dans lesquelles s’effectuent les
opérations de dégroupage pour la fourniture de
ce service ne sont pas indifférentes à l’appréciation
des pratiques dénoncées ; qu’ainsi, le moyen
n’est pas fondé ;
Considérant que la société T-Online France,
dont l’enseigne est Club Internet, soutient que, sur une estimation
de 300 000 accès à Internet utilisant
la technique ADSL (Asymetric Digital Subscriber Line), 280 000 accès
seraient fournis par la société Wanadoo Interactive,
filiale de la société France Télécom,
les autres fournisseurs de services Internet offrant 25 000 accès
environ, dont 13 500 pour Club Internet ; que "cette
situation de déséquilibre manifeste" résulterait,
selon elle, cumulativement d’une part, du retard dans la mise
en œuvre du dégroupage de la paire de cuivre, qu’il s’agisse
de l’option 1 (accès à la paire de cuivre
nue) ou de l’option 3 (l’offre de revente) en raison du
comportement de France Télécom, et d’autre part,
du "soutien abusif et discriminatoire", apporté
à la société Wanadoo, par sa maison mère
France Télécom ;
Considérant que la société T-Online France
expose que ce soutien résulte d’une offre sur mesure
proposée par France Télécom à sa
filiale, de la réservation, au profit exclusif de cette
dernière, de l’accès aux infrastructures durant
la période de démarrage, de la capacité
à réaliser une promotion massive "grâce
aux revenus provenant de l’exploitation monopolistique"
de l’activité "pages-jaunes", ainsi
qu’en matière technique et commerciale, de la mobilisation
sans contrepartie suffisante des agences commerciales de France
Télécom ; qu’en ce qui concerne l’ADSL et
le dégroupage, la partie saisissante mentionne que, malgré
plus de quinze interventions des autorités de régulation
en deux ans, tant de l’ART que du Conseil de la concurrence,
leurs conditions de mise en œuvre n’ont pas évolué ;
que cette situation se serait brutalement aggravée récemment
en raison de la persistance des conditions défavorables
de l’offre de référence faite aux opérateurs
alternatifs par France Télécom, ainsi que de la
tentative de cette dernière de contrôler et d’uniformiser
dans les enseignes de la grande distribution la commercialisation
des offres ADSL au grand public par les fournisseurs d’accès
à Internet ;
Considérant, en effet que, selon la société
T-Online, pour contrebalancer la pression concurrentielle exercée
par France Télécom en faisant distribuer dans
ses agences commerciales les offres ADSL de la société
Wanadoo Interactive, notamment le pack eXtense, les deux principaux
fournisseurs d’accès disposant d’offres Internet ADSL
grand public, Club Internet et Liberty Surf, ont décidé
au cours de l’automne 2001 de proposer leurs offres dans la
grande distribution ; que la société T-Online
France considère que cette stratégie serait compromise
en raison, d’une part, du refus par France Télécom,
qui en repousse régulièrement la mise en œuvre
effective et en limite les caractéristiques techniques,
de mettre en place un processus de commande des accès
ADSL qui soit compatible avec les besoins d’une distribution
de masse et, d’autre part, de la proposition faite par France
Télécom à tous ses concurrents d’associer,
sous la forme d’un pack, leurs propres offres d’accès
à Internet à son offre d’accès ADSL Netissimo
et de bénéficier du soutien d’une plate-forme
spécifique de France Télécom utilisant
les services de son réseau d’agences commerciales ; qu’en
contrepartie, France Télécom exigerait que chaque
fournisseur de service renonce à sa liberté commerciale
en matière de fixation des prix de revente de ses offres
et applique la politique de rémunération des enseignes
de la grande distribution décidée par France Télécom ;
que, parallèlement, la société Wanadoo
Interactive aurait bénéficié au cours de
l’année 2000 et ultérieurement, de "subventions
occultes", la plus grande partie des coûts
de distribution et de promotion étant supportés
par France Télécom grâce à l’utilisation
d’une clé de répartition des coûts commerciaux
entre nouveaux et anciens produits, basée sur les chiffres
d’affaires réalisés, permettant de minorer les
commissions versées par la société Wanadoo
Interactive à France Télécom pour la distribution
de ses produits en agence commerciale ;
Considérant que la société France Télécom
soutient, de son côté, qu’au 31 décembre
2001 ont été commercialisés 118 804 accès
de raccordement ADSL Netissimo de France Télécom
et 289 400 accès IP/ADSL, offres des fournisseurs
d’accès à Internet couplant le raccordement ADSL
et un service d’accès ADSL, dont 263 000 par la
société Wanadoo Interactive et 13 000 par
Club Internet ; que, toutefois, la fourniture d’accès
à Internet haut débit peut également se
faire par l’intermédiaire des réseaux câblés,
ce qui permettrait de relativiser la position de France Télécom ;
Mais considérant que, comme le relève l’ART dans
l’avis qu’elle a rendu à la demande du Conseil le 9 janvier
2002 en citant la Commission européenne, la société
Wanadoo occuperait "près de 60 % du marché
français de l’accès Internet à haut débit
(y compris l’accès par câble) et plus de 90 %
de l’accès ADSL de la clientèle résidentielle" ;
que, par ailleurs, ni les réseaux câblés,
nécessairement limités géographiquement,
ni les boucles locales radio en cours de déploiement
et essentiellement positionnées sur la clientèle
professionnelle, ne peuvent se substituer à la technique
ADSL ;
Considérant que la technologie ADSL vise à offrir
à l’utilisateur un accès à haut débit
multimédia, qui a une capacité dix à quinze
fois supérieure à celui d’un accès bas
débit ; que cet accès permet à l’abonné
d’obtenir une connexion permanente et illimitée en durée,
tout en laissant sa ligne téléphonique disponible
pour recevoir et donner des appels ; que cette technique
d’accès à Internet à "bande passante
large" consiste en la numérisation des lignes téléphoniques
de cuivre, au moyen de filtres électroniques placés,
d’une part, chez l’abonné et, d’autre part, au niveau
des multiplexeurs d’accès, les DSLAM (Digital Subscriber
Line Access Multiplexer) ;
Considérant que le dégroupage au moyen de l’accès
à la paire de cuivre nue offert par France Télécom
(dite option 1 dans la consultation publique de l’ART) permet
à l’opérateur entrant d’installer ses propres
équipements sur ces paires et de fournir l’ensemble des
services à haut débit ; que l’accès
au circuit virtuel permanent (dite option 3) consiste à
fournir un service de transport de données à haut
débit entre l’abonné et un point de présence
de l’opérateur, un circuit virtuel étant dédié
à chaque raccordement à haut débit ;
que cette dernière option permet à l’abonné
d’être le client du nouvel opérateur pour un service
à haut débit, tout en restant client de France
Télécom pour le service téléphonique ;
que, dans cette configuration, France Télécom
oriente le trafic des abonnés de chaque zone de son réseau
ADSL, appelée "plaque", vers les routeurs
des fournisseurs de services Internet ou d’opérateurs
tiers ; que cette offre, qui s’appuie sur le réseau
local téléphonique classique, est toutefois fournie
sous réserve de faisabilité technique ; que
cette éligibilité à l’ADSL de la ligne
téléphonique des clients potentiels est notamment
fonction de la longueur de la ligne ; que les équipements
installés au niveau des plaques peuvent différer
(Alcatel ou ECI) et déterminent le type de modem compatible
que France Télécom recommande d’installer chez
l’abonné ; que France Télécom n’a
pour le moment référencé aucun modem compatible
avec les deux types d’équipements bien que des modems
de ce type soient commercialisés par certains fournisseurs
d’accès à Internet ;
Considérant que la société Grolier Interactive
Europe/Online Groupe, dont l’enseigne est Club Internet, avait
saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre
par la société France Télécom et
sa filiale, France Télécom Interactive, le 26 mai
1999 en lui demandant de prendre des mesures conservatoires ;
que le Conseil a accédé à cette demande
dans sa décision n° 99-MC-06 du 23 juin 1999 ;
que la société Grolier Interactive Europe/Online
Groupe a saisi à nouveau le Conseil le 18 novembre
1999 des pratiques des sociétés France Télécom
et France Télécom Interactive et que cette affaire
est en cours d’instruction ; que la Commission européenne
a adressé à la société Wanadoo Interactive,
à la suite d’une enquête sectorielle, une communication
de griefs sur la tarification de ses services d’accès
à Internet à haut débit ;
Considérant que, comme le souligne l’ART dans l’avis
qu’elle a rendu à la demande du Conseil, le 9 janvier 2002,
France Télécom exploite et utilise le réseau
local "en situation de monopole", en dépit
des deux procédés distincts mais complémentaires
qui ont été mis en place, à savoir, le
dégroupage de la boucle locale et l’accès à
un circuit virtuel permanent ; qu’en effet, le dégroupage
de la boucle locale reste circonscrit à environ 400 lignes,
certains opérateurs alternatifs ayant limité leur
déploiement à la clientèle professionnelle,
tandis que d’autres ont délibérément différé
leur démarrage ; que l’offre d’accès à
un circuit virtuel permanent destinée à combler
le retard des opérateurs en bénéficiant
d’un accès au réseau de France Télécom
en mode ATM (Asynchronous Transfer Mode) dans chaque région
n’a pas, selon l’ART, "à ce jour produit les effets
concrets escomptés" ; que la fourniture d’un
accès à Internet haut débit nécessite
pour l’utilisateur de souscrire un abonnement, d’une part, au
service auprès d’un fournisseur d’accès à
Internet et, d’autre part, à une offre de connexion rapide
de technologie ADSL, laquelle n’est possible que sous réserve
de l’aptitude de la ligne téléphonique à
supporter cette technologie ; que faute d’une présence
significative d’opérateurs alternatifs, France Télécom
est seule à offrir aux fournisseurs d’accès la
prestation qui leur est nécessaire pour proposer à
leurs clients des offres ADSL ;
Considérant que, depuis le début de l’année
2001, la société Wanadoo Interactive a commercialisé
une offre de services ADSL, sous la forme d’un "pack"
dénommé "Pack eXtense" ; que pour
un prix d’achat de 990 F, ce pack comprend un kit d’installation
de la connexion ADSL, un modem, ainsi qu’un accès haut
débit illimité à Internet pour un montant
de 298 F par mois ; que les achats de ces packs suppriment
les interventions techniques d’installation chez le client et
sont de nature à faciliter le déploiement de l’ADSL
sur l’ensemble du territoire ; que Club Internet, puis
d’autres fournisseurs d’accès, ont également cherché
à commercialiser des packs similaires ;
Considérant que la société Wanadoo Interactive
a bénéficié, dès le lancement de
son offre ADSL, de la distribution de son "pack" par
les 750 agences commerciales de la société
France Télécom réparties sur l’ensemble
du territoire, qui lui procurent, selon la partie saisissante,
70 % de ses clients ; que la distribution par vente
à distance est systématiquement relayée
par les agences de France Télécom accessibles
par téléphone au n° 1014 ; qu’il résulte
des constatations établies le 14 novembre 2001 par
M. Didier Benhamou, huissier de justice à Paris,
que les clients sont systématiquement orientés
vers l’achat du "pack eXtense" et que les agences commerciales
de France Télécom ont la possibilité, de
façon immédiate et simultanée, de vérifier
l’éligibilité de la ligne téléphonique
de ces utilisateurs pour la fourniture de services ADSL et de
commander et obtenir rapidement, dans un délai de quatre
jours selon les propos recueillis par le même huissier
dans les agences parisiennes, la mise en œuvre des connexions
ADSL, grâce aux informations techniques qu’elles détiennent
sur le territoire géographique qu’elles recouvrent ;
Considérant que, parallèlement, les concurrents
de la société Wanadoo Interactive sont soumis
aux conditions fixées par France Télécom
pour la fourniture du service IP/ADSL, consistant en une offre
de revente en gros du service Netissimo d’accès à
des services Internet utilisant l’ADSL de France Télécom ;
qu’aux termes de ce contrat, ceux-ci sont informés des
zones de couverture du service, par téléchargement
ou envoi au fournisseur d’accès à Internet d’un
fichier actualisé sur une base mensuelle (cf. article 5.1.
Déploiement : "France Télécom met
à jour un planning d’ouverture des plaques, ainsi que
le planning détaillé d’ouverture des zones qui
les composent, sur quatre mois glissants, sur le site web :
www.data.francetelecom.fr") ; que, par ailleurs,
le contrat stipule (article 5.5. Mise en service de IP/ADSL)
que la mise en service de la connexion est "effectuée
dans un délai de huit jours ouvrables après accusé
de réception de la commande", après un test
de faisabilité technique dont ils sont informés
"sous trois jours ouvrés après accusé
de réception de la commande", si ce test se révèle
négatif ; qu’ainsi, tout concurrent de Wanadoo Interactive
se doit de vérifier à l’aide du fichier mis à
sa disposition si la commune de son prospect figure parmi celles
qui sont raccordables au service ADSL, puis, doit passer commande
de la ligne pour obtenir confirmation de l’éligibilité
définitive, qui peut toutefois se révéler
négative ; qu’enfin, il résulte de l’annexe 3
du contrat précité, intitulée "Description
des procédures Commande/Livraison", que France
Télécom met en place un guichet unique gérant
l’ensemble des commandes, qui "sont prises par e-mail à
raison d’un transfert de commandes par jour", et
que "tout fichier de commandes qui ne se présente
pas au format attendu sera rejeté" ; qu’ainsi,
aux termes du contrat, l’activation de la connexion ADSL requiert
au total un délai minimum de 10 jours, à
rapprocher du délai de quatre jours offert aux utilisateurs
du "pack eXtense" ; que, par ailleurs, Club
Internet justifie avoir refusé des accès ADSL
à des prospects sur la base des informations fournies
lui indiquant que leurs lignes n’étaient pas raccordables,
notamment à Nîmes, alors que ces lignes étaient
en fait éligibles au service ADSL, ce qui a favorisé
son concurrent Wanadoo Interactive ; qu’enfin, un article
du quotidien Les Echos du 14 mai 2001 reproduit
une déclaration de M. Michel Bon, président
de France Télécom, assignant comme stratégie
à son entreprise dans le domaine de l’accès à
Internet à haut débit par la technologie ADSL
de "couper l’herbe sous le pied de nos concurrents pour préempter
le marché" (annexe n° 45 de la saisine) ;
Considérant, par ailleurs, que la société
Wanadoo Interactive a annoncé, le 16 août
2001, sa volonté de commercialiser son "Pack eXtense"
par l’intermédiaire de la grande distribution ;
que cette commercialisation sera relayée par les agences
commerciales de France Télécom pour activer la
connexion ADSL, rendre effectif l’abonnement souscrit par le
client et fournir l’assistance technique nécessaire ;
que la rémunération offerte par Wanadoo Interactive
à la grande distribution pourrait également être
plus attractive que celle offerte par les autres fournisseurs
d’accès à Internet, en particulier par le pack
Club Internet, du fait des conditions d’assistance des agences
de France Télécom ;
Considérant, enfin, que dans le cadre de la commercialisation
des services haut débit dans "les enseignes phares"
de la grande distribution, France Télécom a formulé
une "proposition de partenariat" permettant d’"associer
Netissimo, la ligne haut débit de France Télécom
à des offres de services Internet partenaires pour le
grand public" en "packageant" ces deux composantes
en "une offre simple et compréhensible par le grand
public", en ajoutant être en cours de négociation
avec ces enseignes "pour être présents dès
la fin novembre dans 300 à 400 points de vente" ;
que cette offre consisterait en un pack à un prix unique
donnant au client le libre choix de son fournisseur d’accès
à Internet, une plate-forme France Télécom
spécifique étant constituée pour traiter
ces demandes de connexion ; que cette commercialisation
de l’offre Netissimo "La ligne ADSL de France Télécom",
qui est susceptible de renforcer l’image de l’opérateur
historique dans un domaine fortement concurrentiel, contient
un prix d’abonnement mensuel de 373 F TTC comprenant
"l’abonnement Netissimo (198 F TTC) et fournisseur
d’accès à Internet (sur la base d’un tarif de
130 F TTC/mois) et la location du modem (45 F TTC/mois)" ;
qu’en contrepartie, l’un des engagements des fournisseurs
d’accès à Internet partenaires de cette offre
consiste à effectuer une "rémunération
du point de vente (125 F HT par abonnement activé)
à la même hauteur que France Télécom"
(annexe 10 de la saisine) ; qu’ainsi, par la fixation
de ces conditions, la société France Télécom
impose aux fournisseurs d’accès à Internet un
prix minimum du service à leurs clients et un niveau
de rémunération commun des enseignes ;
Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ces
éléments qu’en l’état actuel du dossier,
sous réserve de l’instruction au fond, et sans qu’il
y ait lieu de se prononcer sur les relations commerciales entre
la société France Télécom et sa
filiale Wanadoo Interactive qui font l’objet de la saisine enregistrée
sous le numéro F 1184, il ne peut être
exclu que le groupe France Télécom détienne
une position dominante sur le réseau local de télécommunications
et pour la fourniture de l’accès à Internet haut
débit ;
Considérant qu’il ne peut également être
exclu que, d’une part, la mise en place par France Télécom
d’outils permettant la continuité des opérations
de vérification de l’éligibilité et de
passation de commandes pour la mise en service des connexions
ADSL à partir de ses agences commerciales, dont ne peuvent
bénéficier dans les mêmes conditions les
concurrents de sa filiale qui ne disposent pas de la même
implantation territoriale, et les délais mis par France
Télécom pour proposer aux concurrents de Wanadoo
Interactive un système d’information et de passation
de commandes compatible avec une distribution de masse et offrant
les mêmes conditions de fiabilité et de sécurité,
crée une discrimination structurelle entre les opérateurs ;
Considérant, enfin, que la proposition de partenariat
offerte par France Télécom aux fournisseurs d’accès
à Internet de commercialiser dans les enseignes de la
grande distribution des packs associant leur logo à la
mention "La ligne ADSL de France Télécom",
assortis de conditions d’assistance spécifiques et de
conditions tarifaires et de commissionnement encadrées
par France Télécom, peut constituer une pratique
ayant pour objet ou pour effet de limiter la concurrence pour
la fourniture de services Internet à haut débit,
susceptible d’entrer dans le champ d’application des dispositions
du livre IV du code de commerce ;
II. - Sur les demandes de mesures conservatoires
Considérant qu’accessoirement à la saisine au
fond, la société T-Online France fait valoir que
les pratiques de France Télécom ne lui permettent
pas de continuer à proposer des services ADSL au grand
public, alors qu’elle compte aujourd’hui 13 500 abonnés ;
que le retrait de Club Internet suivrait en moins de six mois
le dépôt de bilan de la société Mangoosta,
nouvel opérateur qui s’était consacré au
développement d’une offre d’accès à Internet
à haut débit par ADSL, et qui a été
placé en liquidation judiciaire en juillet 2001 ;
que les pratiques dénoncées porteraient une atteinte
grave et immédiate à l’intérêt des
consommateurs résidentiels, qui ne pourraient bénéficier
d’aucune autre offre de service ADSL concurrente de celle de
la société Wanadoo Interactive ; enfin, que
l’ensemble du secteur des télécommunications serait
affecté, la plupart des opérateurs alternatifs
ayant annoncé qu’ils renonçaient à lancer
des offres de collecte ADSL concurrentes de celle de France
Télécom ;
Considérant que la société T-Online France
demande en conséquence au Conseil, sur le fondement de
l’article L. 464-1 du code de commerce :
- en premier lieu, d’enjoindre à la société
France Télécom de mettre en place un système
automatisé et instantané d’accès aux
informations d’éligibilité des lignes téléphoniques
à l’ADSL permettant simultanément la passation
de commande des accès ADSL par le biais d’un serveur
Extranet accessible à Club Internet ;
- en deuxième lieu, d’enjoindre à la société
France Télécom, dans l’attente de la mise en
place du système susmentionné, de mettre à
la disposition de Club Internet, immédiatement et dans
les mêmes conditions techniques et financières
que celles accordées à Wanadoo Interactive,
une infrastructure de support à la commercialisation
en grande distribution telle que celle prévue dans
le cadre de la commercialisation de ses propres offres de
services ADSL ou de celles des sociétés de son
groupe, notamment dans les conditions suivantes :
-	plate-forme téléphonique accessible
à toute personne désignée par Club
Internet par le biais d’un numéro de téléphone
unique spécifique, à un coût correspondant
à celui d’une communication locale ;
-	renvoi automatique de l’appel entrant de la personne
désignée par Club Internet vers l’agence de
France Télécom territorialement compétente ;
-	vérification immédiate par l’agence
de France Télécom territorialement compétente
de l’éligibilité à l’ADSL de la ligne
indiquée par l’appelant désigné par
Club Internet, prise en compte et traitement de la commande
d’accès ADSL passée le cas échéant
par la personne désignée par Club Internet ;
- en troisième lieu, d’enjoindre à la société
France Télécom de déployer les moyens
nécessaires afin que les services en charge de la mise
en œuvre du processus décrit en deuxième lieu
ne puissent se livrer à aucun détournement de
clientèle à son profit ou au profit d’une de
ses filiales ;
- en quatrième lieu, d’interdire à la société
France Télécom et à ses filiales d’apporter
toute assistance financière directe à Wanadoo
tant que la mesure d’expertise prévue en sixième
lieu n’aura pas été exécutée ;
- en cinquième lieu, d’interdire d’apporter toute assistance
promotionnelle, directe ou indirecte, à Wanadoo Interactive
par le biais de la commercialisation des packs eXtense au
sein des agences de France Télécom, lesquels
ne devront en outre plus être commercialisés
que dans les mêmes conditions et par les mêmes
canaux que ceux dont disposent les autres fournisseurs d’accès
à Internet (VPC, enseignes de la grande distribution,
tout autre point de vente que les agences) sans aucun soutien
promotionnel des agences pendant une durée de six mois
ou l’intervention de toute décision du Conseil en relation
avec la présente saisine ou celle déposée
le 18 novembre 1999 par la société Grolier
Interactive Europe/Online Groupe ;
- en sixième lieu, que l’évaluation des avantages
financiers directs ou indirects dont bénéficie
Wanadoo soit confiée à un expert indépendant
désigné par le Conseil, ayant également
pour mission d’effectuer notamment le bilan du coût
réel de l’assistance apportée par France Télécom
à Wanadoo Interactive par le biais des agences de France
Télécom jusqu’à la date du prononcé
de la décision à intervenir ;
- en septième lieu, d’interdire à la société
France Télécom de mettre en œuvre une offre
multi-fournisseurs d’accès à Internet, associant
la fourniture de son offre de service ADSL Netissimo à
une offre de fourniture d’accès à Internet d’un
fournisseur d’accès à Internet, sous la forme
de celle actuellement proposée aux fournisseurs d’accès
à Internet ou sous autre forme équivalente ;
Considérant qu’aux termes de l’article 464-1 du
code de commerce, les mesures conservatoires "ne peuvent
intervenir que si la pratique dénoncée porte une
atteinte grave et immédiate à l’économie
générale, à celle du secteur intéressé,
à l’intérêt des consommateurs ou à
l’entreprise plaignante" ; que les mesures susceptibles
d’être prises à ce titre "doivent rester strictement
limitées à ce qui est nécessaire pour faire
face à l’urgence" ; que la mise en œuvre de
ce texte suppose la constatation de faits constitutifs de troubles
illicites auxquels il conviendrait de mettre fin sans tarder
ou susceptibles de causer un préjudice imminent et certain
au secteur concerné, aux entreprises victimes des pratiques
ou encore aux consommateurs, préjudice qu’il faudrait
alors prévenir, dans l’attente d’une décision
au fond ;
Considérant que la société France Télécom
soutient que l’accès aux informations nécessaires
résulte de la "Convention pour la mise en place pilote
du service d’éligibilité ADSL en ligne" proposée
par France Télécom aux fournisseurs d’accès
à Internet et signée par T-Online et France Télécom
le 9 octobre 2001 ; que durant cette phase pilote,
le service proposé est gratuit ; que le service
commercial a été ouvert le 14 décembre
2001, mais que la convention définitive dénommée
"Contrat d’éligibilité ADSL en ligne" n’a
été signée que par un fournisseur d’accès
à Internet, Easynet, ce qui a obligé France Télécom,
en attendant ces signatures, à proroger les conventions
pilotes gratuites jusqu’au 8 février 2002 ;
que le serveur mis en place répondrait aux besoins de
T-Online, tant du fait de ses caractéristiques - un système
automatisé (serveur) et instantané (réponse
en temps réel) - que de la nature des informations fournies
(possibilité de raccordement à un DSLAM de France
Télécom et références techniques
de cet équipement) ; que, de plus, la société
France Télécom fait valoir qu’elle a réorganisé
le processus interne de renseignement de ce fichier pour permettre
sa mise à jour à fréquence hebdomadaire
dès le mois de février, et a informé les
fournisseurs d’accès à Internet qu’à compter
de cette date, ceux-ci seront systématiquement informés
par envoi des informations en cause à leur adresse électronique ;
que les agences de France Télécom disposeraient
du même service que les autres fournisseurs d’accès
à Internet, le système national mis à la
disposition de ces derniers étant le "reflet"
des serveurs régionaux auxquels sont reliées ces
agences, chacune dans leur région de rattachement ;
que si la société T-Online prétend que
Wanadoo Interactive bénéficierait d’infrastructures
particulières pour la passation de commandes en agence,
il s’agirait non pas du serveur d’accès ADSL de France
Télécom, mais d’un serveur d’abonnement développé
par Wanadoo Interactive pour assurer l’ouverture et la gestion
des comptes clients à distance, lequel serait en principe
accessible à tout point de vente équipé,
mais n’est actuellement utilisé que par les agences de
France Télécom ; qu’après avoir reçu
la commande d’abonnement sur son serveur, Wanadoo Interactive
adresserait sa commande ADSL à France Télécom
sur le serveur de commandes IP/ADSL comme tout autre fournisseur
d’accès à Internet ; que France Télécom
a par ailleurs fourni en annexe de ses observations un comparatif
"Les packs ADSL au banc d’essai" du Journal du Net
en date du 8 janvier 2002, faisant état d’un délai
d’ouverture de 10 jours pour Wanadoo et pour Club Internet ;
que la société T-Online, adossée à
l’opérateur historique Deutsche Telekom, détiendrait
en Allemagne 98 % des accès ADSL commercialisés,
et qu’elle ne peut utilement soutenir qu’elle serait contrainte
de sortir rapidement du marché français ;
que les informations mises à la disposition des FAI concurrents
de Wanadoo par France Télécom sont beaucoup plus
complètes que celles fournies en Allemagne par Deutsche
Telecom aux FAI concurrents de sa propre filiale ;
Mais considérant que, comme le souligne la société
France Télécom dans ses observations, les agences
commerciales de France Télécom, d’une part, et
les fournisseurs d’accès à Internet concurrents
de Wanadoo Interactive, d’autre part, ont accès, les
unes à un fichier régional, les autres à
un fichier national ; que, si l’existence d’un serveur
national comportant les informations consolidées correspond
aux besoins des fournisseurs d’accès à Internet,
France Télécom admet qu’il existe des difficultés
de mise à jour de ces fichiers, puisqu’elle a prévu
de réorganiser le processus interne de renseignement
du fichier national pour permettre sa mise à jour hebdomadaire
et non plus mensuelle, alors que cette mise à jour est
déterminante pour la satisfaction de la clientèle
dans les plus brefs délais ; qu’en revanche, les
personnels des agences commerciales de France Télécom
disposent seuls d’un serveur d’abonnement développé
par Wanadoo Interactive qui leur permet d’assurer la continuité
du processus opérationnel précédant la
commande, même si cette commande est effectuée
par la suite par Wanadoo Interactive dans le cadre des dispositions
du contrat IP/ADSL ; que le dossier d’information ADSL
sur le service Netissimo - Turbo IP, composante réseau
de la prestation Internet ADSL, précise que ce service
bénéficie d’une vente directe dans le réseau
des agences de France Télécom dans toute la France
et que "cette organisation permet à tout agent France
Télécom, face à un prospect, de vérifier
immédiatement la faisabilité technique du raccordement,
parallèlement aux étapes de démonstration
et de prises de commande d’un accès Netissimo" (annexe 27
de la saisine, p. 16) ; qu’il apparaît ainsi
que l’éligibilité des lignes à la technologie
ADSL est une information immédiatement disponible ;
que la revue éditée par France Télécom
Paris & vous de septembre - novembre 2001
mentionne, dans un dossier intitulé "ADSL à
Paris" : "Depuis janvier 2001, les nouveaux packs
commercialisés par France Télécom offrent
l’avantage d’une installation simple et rapide. Le client branche
son modem tout seul et obtient la connexion définitive
sous quatre jours maximum. Parmi eux, 80 % des clients
obtiennent la connexion dès le lendemain" (annexe 36
de la saisine, p. 10) ; que, dès lors, la commercialisation
par les agences commerciales de France Télécom
des "packs eXtense" de la société Wanadoo
Interactive est assurée dans des conditions qui contribuent
à la continuité du processus d’information et
de la prise de commande, ce qui permet des délais de
connexion qui ne peuvent être égalés par
les fournisseurs d’accès à Internet concurrents ;
Considérant, par ailleurs, que le processus de raccordement
des clients finals au FAI de leur choix selon la technologie
ADSL doit permettre un traitement de masse puisque le nombre
hebdomadaire de ces raccordements serait de quinze à
vingt mille ; que le processus mis en œuvre par Wanadoo
Interactive repose crucialement sur les services qui lui sont
rendus par le réseau des 750 agences de France Télécom ;
que le processus de raccordement à l’ADSL choisi par
Wanadoo nécessite la mise en œuvre de deux applications
informatiques permettant, pour la première, de vérifier
l’éligibilité à ADSL de la ligne du client
et pour la seconde, le traitement commercial de l’abonnement
et l’envoi aux services techniques de France Télécom
de l’ordre d’avoir à réaliser la connexion ;
que le choix de cette procédure nécessitant une
intervention humaine substantielle apparaît complémentaire
avec la disponibilité des agences et de leur nombreux
personnel ; qu’à l’inverse, pour un compétiteur
de Wanadoo Interactive tel que T-Online, ne disposant pas d’un
réseau d’agences, le traitement de masse implique le
choix de procédures plus automatisées pour rester
compatibles avec une relation avec la clientèle qui est
essentiellement "on line" par le biais d’Internet et
non physique par l’intermédiaire des personnels d’une
agence ; que la mise en œuvre de ces procédures
ne se heurte pas à des difficultés particulières ;
que, après n’avoir fourni aux compétiteurs de
Wanadoo qu’un service dégradé en qualité
et rapidité, s’agissant de l’information relative à
l’éligibilité des lignes de leurs clients, du
choix des modems compatibles avec les équipements de
France Télécom et de l’exécution matérielle
de leur branchement, France Télécom projette,
à partir de février 2002 , de fournir à
ces fournisseurs d’accès à Internet un service
comparable à celui qu’il rend à Wanadoo, mais
selon un processus qui n’est compatible avec le traitement de
masse requis qu’à la condition de disposer d’un réseau
d’agences, ce qui n’est pas le cas de ces compétiteurs ;
que France Télécom crée ainsi une discrimination
structurelle entre les opérateurs, au profit de Wanadoo ;
Considérant, encore, que si France Télécom
demande au Conseil de prendre acte que le projet de partenariat
avec les autres fournisseurs d’accès à Internet
et les principales enseignes de la grande distribution "est
suspendu", rien n’interdit à cette société
de reprendre ce partenariat à l’avenir ;
Considérant, enfin, que les pratiques dénoncées
s’inscrivent dans un contexte temporel particulier où
la diffusion rapide de l’ADSL va, en peu de mois, déterminer
la structure des parts de marché des divers compétiteurs
; qu’en effet, alors que 50 % des utilisateurs peuvent
actuellement accéder à la technologie ADSL, soit
15 millions de lignes raccordées, 70 à
75 % des lignes téléphoniques seront "ADSLisables"
fin 2003 ; qu’en octobre 2001, le président de la
société Wanadoo Interactive a indiqué au
Journal du Net : "D’ici 2003, la part de nos abonnés
haut débit devrait se situer entre 25 et 35 %"
(annexe 48 de la saisine) ; que le président
de la société Wanadoo Interactive a indiqué
au Journal du Net, le 4 octobre 2001 : "L’ADSL
ne se limite plus aujourd’hui aux spécialistes et aux
passionnés de technologie, mais attire à l’Internet
de nouveaux usagers (…) qui sont séduits par un usage
plus fluide et plus confortable d’applications comme la radio,
la musique ou la vidéo", en précisant que
le rythme d’adoption de l’ADSL s’accélère et qu’à
cette date, sa société comptabilise 10 000 nouveaux
abonnés par semaine (annexe 52 de la saisine) ;
que la société T-Online a mentionné en
séance que la société Wanadoo Interactive
augmenterait actuellement son nombre de clients de 15 000
par semaine ; que la société France Télécom
a également indiqué en séance que la demande
d’accès ADSL représente de 45 à 55 %
des nouveaux accès à Internet suivant les mois ;
qu’elle prévoit qu’un million d’abonnés disposera
d’un accès ADSL d’ici la fin 2002 (annexe 54 de
la saisine), contre 400 000 au 31 décembre
2001 et 60 000 à la fin de l’année 2000 ;
que l’année en cours présente ainsi une importance
cruciale pour que la structuration du marché dans le
secteur de la fourniture d’accès à Internet haut
débit de technique ADSL s’opère selon les lois
d’une saine concurrence par les mérites ;
Considérant que, de plus, comme le souligne l’ART dans
son avis, ces pratiques représentent non seulement un
danger grave et immédiat pour la concurrence sur le marché
de l’accès à Internet, mais également pour
la concurrence sur le marché du dégroupage :
"Or, parallèlement, les opérateurs eux-mêmes
pourraient perdre intérêt à investir sur
le dégroupage si les FAI autres que Wanadoo auxquels
ils souhaiteraient fournir des prestations de collecte et de
revente concurrentes à celles de France Télécom,
ne sont pas en mesure d’atteindre un tel volume de clients.
Il est permis de craindre, dans un tel scénario, que
la situation devienne rapidement irréversible :
les économies d’échelle réalisées
par France Télécom, grâce à un nombre
d’abonnés ADSL de Wanadoo en forte croissance, deviendraient
en effet impossible à rattraper par ses concurrents." ;
Considérant que, dans ce contexte, les pratiques en
cause consistant, pour France Télécom, d’une part,
à octroyer à sa filiale, la société
Wanadoo Interactive, un avantage lié à une meilleure
connaissance de son infrastructure de réseau par la commercialisation
du service ADSL dans ses agences commerciales, ce qui permet
au groupe d’acquérir, puis de préserver une avance
décisive sur ses concurrents en proposant aux consommateurs
un accès à Internet haut débit par l’ADSL
dans des délais très courts, notamment à
Paris, du fait de la création d’un système continu
de renseignement et de prise de commande, et non pas itératif
comme pour les fournisseurs d’accès concurrents, et d’autre
part, à supposer ces informations rendues accessibles,
à ne pas les fournir sous une forme permettant la vérification
de l’éligibilité des lignes et la passation de
commandes de connexions ADSL en ligne, risquent de conduire
à la constitution d’un quasi-monopole pour la fourniture
d’accès à Internet haut débit, notamment
à destination des clients résidentiels ;
Considérant, ensuite, que la pratique consistant à
proposer aux fournisseurs d’accès à Internet un
partenariat visant à commercialiser dans les principales
enseignes de la grande distribution des packs associant leurs
services d’accès à Internet à la fourniture
d’une ligne ADSL de France Télécom, assortis de
conditions d’assistance technique spécifiques et liés
à des engagements tarifaires et de commissionnement encadrés
par France Télécom, en limitant la libre fixation
de leurs prix par les fournisseurs d’accès, aggrave encore
les atteintes à la concurrence sur le marché de
l’accès à Internet dénoncés ci-dessus ;
Considérant, qu’il résulte de l’ensemble de ces
éléments que ces pratiques, qui présentent
le risque que la concurrence soit durablement faussée
dans un contexte de forte croissance de l’Internet haut débit,
revêtent un caractère de gravité et d’immédiateté
de nature à porter atteinte au secteur intéressé
et à l’intérêt des consommateurs, qui justifie
le prononcé de mesures conservatoires.
DéCIDE
Article 2 - Dans l’attente de la mise en place de ce système,
il est enjoint à la société France Télécom
de suspendre la commercialisation des packs ADSL de la société
Wanadoo Interactive dans ses agences commerciales jusqu’à
ce que l’outil Extranet soit rendu effectivement disponible
pour l’ensemble des fournisseurs d’accès à Internet
qui en font la demande.
Cette suspension pourra être levée par le Conseil,
qui sera saisi à cet effet par la partie la plus diligente,
dès que deux contrats au moins auront été
signés entre France Télécom et des fournisseurs
d’accès à Internet autres que Wanadoo pour l’utilisation
de ce système, et à l’issue d’une période
d’essai d’un mois.
Article 3 - Dans un délai de quatre mois au plus
tard à compter de la notification de la présente
décision, il sera rendu compte au Conseil par les parties
des dispositions prises par France Télécom pour
se conformer à l’injonction définie à l’article 1er.
Article 4 - Il est enjoint à la société
France Télécom de suspendre toute offre multi-FAI
destinée à être commercialisée dans
la grande distribution et associant la fourniture de son offre
de service ADSL Netissimo à une offre de fourniture d’accès
à Internet qui présenterait les mêmes caractéristiques
que celles détaillées à l’annexe 10
de la saisine.
Délibéré, sur le rapport oral de M. Lavergne,
par Mme Hagelsteen, présidente, M. Nasse, vice-président,
Mme Flüry-Hérard, MM. Bidaud, Gauron et Ripotot,
membres.