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Conseil d’Etat, 3 avril 2002, n° 232733, M. R.

En soumettant ainsi à cotisation les personnes titulaires d’un avantage de retraite versé au titre d’une activité salariée antérieurement exercée en France et ayant choisi de s’établir dans un autre Etat membre de la Communauté européenne et ne pouvant, faute de relever à titre obligatoire d’un régime d’assurance maladie français, bénéficier des prestations liées aux cotisations versées, les dispositions contestées constituent une entrave à la libre circulation des travailleurs prohibée par l’article 39 du traité instituant la Communauté européenne.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 232733

M. R.

M. Boulouis, Rapporteur

Mlle Fombeur, Commissaire du gouvernement

Séance du 11 mars 2002

Lecture du 3 avril 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux (Section du contentieux, 1ère et 2ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 1ère sous-section de la Section du contentieux

Vu l’ordonnance en date du 10 avril 2001, enregistrée le 19 avril 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d’Etat, en application de l’article R. 351-2 du code de justice administrative, la demande présentée à ce tribunal par M. R ;

Vu la demande, enregistrée le 13 mars 2001 au greffe du tribunal administratif de Paris, présentée par M. Bemard R. ; M. R. demande :

1°) l’annulation de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le ministre de l’emploi et de la solidarité sur sa demande en date du 13 juillet 2000 tendant àl’abrogation des dispositions de. l’article D. 242-8 du code de la sécurité sociale issues de l’article 4 du décret du 27 décembre 1997 en tant que ces dispositions imposent une cotisation d’assurance maladie, maternité, invalidité, décès de 3,8 % ou 1 % sur des avantages de retraite autres que ceux servis par le régime général et dont sont titulaires les personnes qui ne résident pas en France ;

2°) qu’il soit enjoint à l’Etat d’abroger ces dispositions ;

3°) la condamnation de l’Etat à lui verser la somme de 5 000 F au titre des frais engagés par lui et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité du 25 mars 1957 instituant la communauté économique européenne, devenue la Communauté européenne ;

Vu la directive n° 90/365 du 28 juin 1990 relative au droit de séjour des travailleurs salariés et non salariés ayant cessé leur activité professionnelle ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique
- le rapport de M. Boulouis, Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mlle Fombeur, Commissaire du gouvernement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l’emploi et de la solidarité :

Considérant que la requête de M. R. est dirigée contre le refus implicite du ministre de l’emploi et de la solidarité d’abroger les dispositions de l’article D. 242-8 du code de la sécurité sociale issues de l’article 4 du décret du 27 décembre 1997 en tant que ces dispositions imposent une cotisation d’assurance maladie, maternité, invalidité, décès au taux de 3,8 % ou 1 % sur des avantages de retraite autres que ceux servis par le régime général et dont sont titulaires les personnes qui ne résident pas en France ; que, par suite, la fin de non-recevoir tirée de ce que, le décret du 27 décembre 1997 ayant été publié au Journal officiel le 30 décembre 1997, la requête de M. R., enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris le 13 mars 2001, serait tardive, doit être écartée ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

Considérant qu’aux termes du deuxième alinéa de l’article L. 131-7-1 du code de la sécurité sociale pour l’application duquel ont été prises les dispositions contestées : « Des taux particuliers de cotisations d’assurance maladie, maternité, invalidité et décès à la charge des assurés sont applicables aux revenus d’activité et de remplacement perçus par les personnes qui ne remplissent pas les conditions de résidence définies à l’article L. 136-1 et qui relèvent à titre obligatoire d’un régime français d’assurance maladie (...) » ; qu’aux termes de l’article D. 242-8 du même code : « Le taux de la cotisation d’assurance maladie, maternité, invalidité, décès assise sur les avantages de retraite mentionnés à l’article L. 241-2, autres que ceux servis par les organismes du régime général de sécurité sociale des salariés, est fixé à 1 %./ Toutefois, pour les personnes mentionnées au deuxième alinéa de l’article L. 131-7-1 : 1° Le taux de la cotisation d’assurance maladie, maternité, invalidité, décès assise sur les avantages de retraite servis par les organismes du régime général de sécurité sociale des salariés est fixé à 2,80 % ; 2° Le taux de la cotisation d’assurance maladie, maternité, invalidité, décès assise sur les avantages de retraite mentionnés à l’article L. 241-2, autres que ceux servis par les organismes du régime général de sécurité sociale des salariés, est fixé à 3,80 %» ;

Considérant qu’aux termes de l’article 39 du traité instituant la Communauté européenne : « 1. La libre circulation des travailleurs est assurée à l’intérieur de la Communauté / 2. Elle implique l’abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des Etats membres, en ce qui concerne l’emploi, la rémunération et les autres conditions de travail » ;

En ce qui concerne la cotisation au taux de 3.8 % prélevée sur les avantages de retraite complémentaire :

Considérant qu’il résulte des dispositions précitées qui instituent une contribution sociale à laquelle sont assujetties les personnes considérées comme domiciliées en France pour l’établissement de l’impôt sur le revenu, que sont seules redevables de la cotisation contestée au taux de 3,8 % les personnes qui, d’une part, ne sont pas fiscalement domiciliées en France, d’autre part, relèvent à titre obligatoire d’un régime français d’assurance maladie ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, les personnes titulaires d’un avantage de retraite versé par une institution française mals ne relevant pas, à titre obligatoire, du fait de leur résidence dans un autre Etat membre de la Communauté européenne, d’un régime d’assurance maladie français, ne sont pas soumises à cotisation sur les avantages de retraite complémentaire au taux de 3,8 % ; que, par suite, le moyen tiré de ce que, du fait de ce prélèvement, les dispositions contestées constitueraient une entrave à la libre circulation des personnes prohibée par les articles 18 § I et 39 du traité instituant la Communauté européenne, doit être écarté ;

Considérant que si cette cotisation est principalement à la charge des personnes qui, n’étant pas fiscalement domiciliées en France, n’y résident pas et a été fixée à un taux supérieur de 2,8 points à celui de la cotisation dont sont redevables, pour les mêmes avantages, les personnes fiscalement domiciliées en France, cette différence de traitement, qui, contrairement à ce que soutient le requérant, ne repose ni directement ni indirectement sur la nationalité des redevables, est justifiée par la soumission des personnes fiscalement domiciliées en France à la contribution sociale généralisée instituée par l’article L. 136-1 du code de la sécurité sociale qui s’est substituée à des cotisations d’assurance maladie et dont le produit est pour cette part affecté aux régimes obligatoires d’assurance maladie ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions contestées seraient contraires au principe d’égalité de traitement ne peut qu’être écarté ;

Considérant que les dispositions contestées ne constituent pas une meconnaissance du droit au séjour mis en oeuvre par la directive du 28 juin 1990 relative au droit de séjour des travailleurs salariés et non salariés ayant cessé leur activité professionnelle ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. R. n’est pas fondé àdemander l’annulation de la décision attaquée en tant qu’elle concerne la cotisation susmentionnée au taux de 3,8 % ;

En ce qui concerne la cotisation au taux de 1 % prélevée sur les avantages de retraite :

Considérant qu’il résulte des dispositions précitées du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée, que sont redevables au taux de 1 % de la cotisation sur les avantages de retraite mentionnés à l’article L. 241-2, autres que ceux servis par les organismes du régime général de sécurité sociale, les personnes qui n’ont pas leur résidence fiscale en France et ne relèvent pas à titre obligatoire d’un régime français d’assurance maladie ; qu’en soumettant ainsi à cotisation les personnes titulaires d’un avantage de retraite versé au titre d’une activité salariée antérieurement exercée en France et ayant choisi de s’établir dans un autre Etat membre de la Communauté européenne et ne pouvant, faute de relever à titre obligatoire d’un régime d’assurance maladie français, bénéficier des prestations liées aux cotisations versées, les dispositions contestées constituent une entrave à la libre circulation des travailleurs prohibée par l’article 39 du traité instituant la Communauté européenne ; que, par suite, M. R. est fondé à demander, dans cette mesure, l’annulation de la décision implicite par laquelle le ministre de l’emploi et de la solidarité a refusé de faire droit à sa demande d’abrogationdes dispositions de l’article D ; 242-8 précité ;

Sur les conclusions à fin d’injonction :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution » ; que l’annulation de la décision du ministre de l’emploi et de la solidarité refusant d’abroger les dispositions de l’article D. 242-8 du code de la sécurité sociale en tant que ces dispositions imposent une cotisation d’assurance maladie, maternité, invalidité, décès au taux de 1 % sur des avantages de retraite autres que ceux servis par le régime général et dont sont titulaires les ressortissants des Etats membres de l’Union européenne qui n’ont pas leur résidence fiscale en France et ne relèvent pas à titre obligatoire d’un régime français d’assurance maladie implique nécessairement l’abrogation de ces dispositions dans cette mesure ; qu’il y a lieu, pour le Conseil d’Etat, d’ordonner cette abrogation dans un délai de 6 mois ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner l’Etat à payer à M. R. la somme de 750 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La décision implicite du ministre de l’emploi et de la solidarité rejetant la demande de M. R. est annulée en tant qu’elle refuse d’abroger les dispositions de l’article D. 242-8 du code de la sécurité sociale qui imposent une cotisation d’assurance maladie, maternité, invalidité, décès au taux de I % sur des avantages de retraite autres que ceux servis par le régime général et dont sont titulaires les ressortissants des Etats membres de l’Union européenne qui n’ont pas leur résidence fiscale en France et ne relèvent pas à titre obligatoire d’un régime français d’assurance maladie.

Article 2 : Il est enjoint au Premier ministre d’abroger les dispositions de l’article D. 242-8 du code de la sécurité sociale en tant que ces dispositions imposent une cotisation d’assurance maladie, maternité, invalidité, décès au taux de 1 % sur des avantages de retraite autres que ceux servis par le régime général et dont sont titulaires les ressortissants des Etats membres de l’Union européenne qui n’ont pas leur résidence fiscale en France et ne relèvent pas à titre obligatoire d’un régime français d’assurance maladie dans le délai de 6 mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : L’Etat est condamné à verser à M. R. la somme de 750 curos au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. R. est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Bernard R., au Premier ministre et au ministre de l’emploi et de la solidarité.

 


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