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Conseil d’Etat, 11 avril 2008, n° 296121, Susie Z.

Le domicile du fonctionnaire doit s’entendre du lieu où se trouve le centre des intérêts matériels et moraux de l’agent.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 296121

Mme Z.

M. Marc Lambron
Rapporteur

M. Jean-Philippe Thiellay
Commissaire du gouvernement

Séance du 10 mars 2008
Lecture du 11 avril 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 5ème et 4ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 5ème sous-section de la section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 août et 4 décembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour Mme Suzie Z. ; Mme Z. demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 1er juin 2006 de la cour administrative d’appel de Paris rejetant sa requête tendant à l’annulation du jugement du 23 mai 2003 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande d’annulation de la décision du 23 juillet 1998 du recteur de l’académie de Versailles refusant de lui accorder l’indemnité d’éloignement, et à la condamnation de l’Etat à lui verser cette indemnité avec les intérêts de droit à compter du 2 juillet 1998 ;

2°) réglant l’affaire au fond, d’annuler la décision du 23 juillet 1998 du recteur de l’académie de Versailles ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 53-1266 du 22 décembre 1953 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc Lambron, Conseiller d’Etat,

- les observations de la SCP Gaschignard, avocat de Mme Z.,

- les conclusions de, M. Jean-Philippe Thiellay, Commissaire du gouvernement

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu’aux termes de l’article 6 du décret du 22 décembre 1953 portant aménagement du régime de rémunération des fonctionnaires de l’Etat en service dans les départements d’outre-mer, en vigueur à la date de la décision attaquée : " Les fonctionnaires domiciliés dans un département d’outre-mer, qui recevront une affectation en France métropolitaine à la suite de leur entrée dans l’administration, d’une promotion ou d’une mutation, percevront, s’ils accomplissent une durée minimum de service de quatre années consécutives en métropole, une indemnité d’éloignement non renouvelable " ; que le domicile du fonctionnaire, au sens de ces dispositions, doit s’entendre du lieu où se trouve le centre des intérêts matériels et moraux de l’agent ;

Considérant qu’il résulte des pièces soumises aux juges du fond que Mme Z., née dans le département de La Réunion en 1961, y a résidé jusqu’en 1979 ; qu’elle a vécu en métropole entre 1979 et 1988 et a été recrutée par le ministère de l’éducation nationale en 1983 ; qu’elle a ensuite été affectée dans le département de La Réunion du 1er septembre 1988 au 1er septembre 1997, date à laquelle elle a été mutée à sa demande dans le ressort de l’académie de Versailles ; qu’à la suite de cette mutation elle a sollicité le bénéfice de l’indemnité prévue par les dispositions précitées, qui lui a été refusé par le recteur de l’académie de Versailles le 23 juillet 1998 ; que son recours contre cette décision a été rejeté par un jugement du 23 mai 2003 du tribunal administratif de Paris, confirmé par un arrêt du 1er juin 2006 de la cour administrative d’appel de Paris contre lequel elle se pourvoit en cassation ;

Considérant que, pour juger que Mme Z. avait, à la date de son affectation dans l’académie de Versailles, le centre de ses intérêts matériels et moraux en métropole, et lui dénier en conséquence le droit de percevoir l’indemnité d’éloignement, la cour administrative d’appel a relevé que les raisons ayant conduit l’intéressée à demander en 1997 sa mutation en métropole étaient sans rapport avec sa situation professionnelle et relevaient exclusivement d’un choix personnel lié aux difficultés conjugales l’opposant à son conjoint résidant à La Réunion ;

Considérant, toutefois, qu’il résulte des dispositions précitées de l’article 6 du décret du 22 décembre 1953 que l’indemnité d’éloignement est due aux fonctionnaires ayant le centre de leurs intérêts dans un département d’outre-mer et qui reçoivent une affectation en France métropolitaine à la suite de leur entrée dans l’administration, d’une promotion ou d’une mutation ; que le bénéfice de cet avantage ne saurait être refusé à un agent qui remplit ces conditions au motif qu’à la date de son recrutement par l’administration il séjournait déjà en métropole, où il s’était rendu volontairement, ni au motif qu’il a été muté en métropole à sa demande ; qu’ainsi, en se fondant, pour juger que Mme Z. ne pouvait prétendre à l’indemnité d’éloignement, sur la circonstance qu’elle avait présenté une demande de mutation motivée par des difficultés graves l’opposant à son conjoint résidant à la Réunion, la cour administrative d’appel de Paris a commis une erreur de droit justifiant l’annulation de son arrêt ;

Considérant qu’il y a lieu de régler l’affaire au fond par application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que Mme Z., qui était âgée de trente-six ans en 1997, n’avait vécu en métropole que pendant neuf ans ; qu’au titre du séjour qu’elle y avait effectué entre 1979 et 1988, elle s’était prévalue de sa qualité de fonctionnaire originaire de la Réunion pour obtenir le bénéfice de l’indemnité d’éloignement et de congés bonifiés ; que toute sa famille proche résidait à la Réunion ; qu’elle était mère de trois enfants dont le père était également d’origine réunionnaise ; qu’eu égard à l’ensemble des circonstances de l’espèce, elle devait être regardée comme ayant eu le centre de ses intérêts matériels et moraux dans ce département d’outre-mer ; qu’ainsi, le recteur de l’académie de Versailles a méconnu les dispositions de l’article 6 du décret du 22 décembre 1953 en lui refusant le bénéfice de l’indemnité d’éloignement ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme Z. est fondée à soutenir que c’est à tort que, le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 23 juillet 1998 du recteur de l’académie de Versailles et à ce que l’Etat lui verse le montant de l’indemnité qui lui a été indûment refusée ; que l’état de l’instruction ne permettant pas de fixer le montant de l’indemnité, il y a lieu de renvoyer l’intéressée devant l’administration pour qu’il soit procédé à la liquidation des sommes qui lui sont dues ; que la requérante a droit aux intérêts sur la première tranche de l’indemnité à compter du 2 juillet 1998, date de sa demande, et sur les deuxième et troisième tranches à compter des dates auxquelles elle a rempli les conditions pour en obtenir le versement conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l’article 2 du décret du 22 décembre 1953, soit au 1er septembre 1999 et 1er septembre 2001 ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 9 janvier 2007 ; qu’à cette date, il était dû au moins une année d’intérêts ; qu’il y a lieu, conformément à l’article 1154 du code civil, d’ordonner la capitalisation au 9 janvier 2007 et à chaque échéance annuelle ultérieure ;

Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par Mme Z. et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris du 1er juin 2006 et le jugement du tribunal administratif de Paris du 23 mai 2003 sont annulés.

Article 2 : La décision du recteur de l’académie de Versailles du 23 juillet 1998 est annulée.

Article 3 : L’Etat versera à Mme Z. une indemnité égale au montant de l’indemnité d’éloignement qui lui est due en application de l’article 6 du décret du 22 décembre 1953. Cette indemnité portera intérêts, en ce qui concerne la première tranche de l’indemnité, à compter du 2 juillet 1998 et, en ce qui concerne les deuxième et troisième tranches, à compter du 1er septembre 1999 et du 1er septembre 2001. Les intérêts seront capitalisés au 9 janvier 2007 et à chaque échéance annuelle ultérieure pour porter eux-mêmes intérêts.

Article 4 : L’Etat versera à Mme Z. la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Suzie Z. et au ministre de l’éducation nationale.

 


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