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Conseil d’Etat, 30 janvier 2008, n° 274556, Association Orientation et rééducation des enfants et adolescents de la Gironde

En vertu des principes généraux applicables à la fonction de juger, toute personne appelée à siéger dans une juridiction doit se prononcer en toute indépendance et sans recevoir quelque instruction de la part de quelque autorité que ce soit. La présence de fonctionnaires de l’Etat parmi les membres d’une juridiction ayant à connaître de litiges auxquels celui-ci peut être partie ne peut, par elle-même, être de nature à faire naître un doute objectivement justifié sur l’impartialité de celle-ci.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 274556

ASSOCIATION ORIENTATION ET REEDUCATION DES ENFANTS ET ADOLESCENTS DE LA GIRONDE

M. Alexandre Lallet
Rapporteur

Mlle Anne Courrèges
Commissaire du gouvernement

Séance du 16 janvier 2008
Lecture du 30 janvier 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 1ère et 6ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 1ère sous-section de la section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 novembre 2004 et 24 mars 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour l’ASSOCIATION ORIENTATION ET REEDUCATION DES ENFANTS ET ADOLESCENTS DE LA GIRONDE (OREAG), dont le siège est 85, rue de Ségur à Bordeaux (33000) ; l’ASSOCIATION ORIENTATION ET REEDUCATION DES ENFANTS ET ADOLESCENTS DE LA GIRONDE (OREAG) demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler la décision du 10 septembre 2004 par laquelle la Cour nationale de la tarification sanitaire et sociale a, à la demande du département de la Gironde, d’une part, annulé la décision du 27 juin 2001 de la commission interrégionale de la tarification sanitaire et sociale de Bordeaux et, d’autre part, réformé l’arrêté du 24 novembre 1999 du préfet de la Gironde et du président du conseil général de la Gironde en fixant le prix de journée du service socio-éducatif pour adolescents et adolescentes que gère cette association à 568, 64 F (86, 69 euros) à compter de la date d’entrée en vigueur de cet arrêté ;

2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter la requête d’appel du département de la Gironde ;

3°) de mettre à la charge du département de la Gironde la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;

Vu la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 ;

Vu le décret n° 58-1202 du 11 décembre 1958 ;

Vu le décret n° 59-1510 du 29 décembre 1959 ;

Vu le décret n° 61-9 du 3 janvier 1961 ;

Vu le décret n° 90-359 du 11 avril 1990 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexandre Lallet, Auditeur,

- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de l’ASSOCIATION ORIENTATION ET REEDUCATION DES ENFANTS ET ADOLESCENTS DE LA GIRONDE (OREAG) et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat du département de la Gironde,

- les conclusions de Mlle Anne Courrèges, Commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité du pourvoi :

Considérant que les pourvois en cassation formés devant le Conseil d’Etat contre les décisions de la Cour nationale de tarification sanitaire et sociale ne peuvent tendre qu’à l’annulation ou à la réformation du dispositif de la décision attaquée ; qu’un pourvoi en cassation dirigé contre la partie du dispositif qui fait droit aux conclusions de la requête qu’avait présentée l’intéressé devant les juges d’appel n’est, par suite, pas recevable, quels que soient les motifs retenus par les juges du fond, notamment quant aux modalités de calcul de la dotation ou du prix de journée fixé par cette juridiction ;

Considérant que, par la décision attaquée du 10 septembre 2004, la Cour nationale de tarification sanitaire et sociale, après avoir annulé, à l’article 1er, la décision du 27 juin 2001 de la commission interrégionale de la tarification sanitaire et sociale de Bordeaux ayant, à la demande de l’ASSOCIATION ORIENTATION ET REEDUCATION DES ENFANTS ET ADOLESCENTS DE LA GIRONDE (OREAG), réformé l’arrêté du 24 novembre 1999 du préfet de la Gironde et du président du conseil général de la Gironde et fixé le prix de journée du service socio-éducatif pour adolescents et adolescentes que gère cette association à 568, 64 F (86, 69 euros) à compter du 1er janvier 1999 et évoqué, a, à l’article 2, fixé ce prix de journée au même montant à compter du 24 novembre 1999, date d’entrée en vigueur de l’arrêté litigieux ;

Considérant que l’association OREAG ne justifie d’aucun intérêt à demander l’annulation de la décision attaquée en tant qu’elle fait droit à ses conclusions de première instance relatives au montant du prix de journée, alors même que le mode de calcul retenu par la cour dans ses motifs ne lui donnerait pas satisfaction ; qu’en revanche, elle justifie d’un intérêt à demander l’annulation de cette décision en tant qu’elle se prononce sur la période au cours de laquelle s’applique ce prix de journée ; que, par suite, le pourvoi de l’association OREAG n’est recevable que dans cette dernière mesure ;

Sur la régularité de la décision attaquée :

Considérant, en premier lieu, d’une part, qu’aux termes de l’article L. 351-5 du code de l’action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable en l’espèce : " La Cour nationale de la tarification sanitaire et sociale est présidée par le président de la section sociale du Conseil d’Etat. / Elle comprend, en outre : (.) / 2° Deux conseillers généraux désignés par l’association dite assemblée des départements de France ; (.) / 7° Le directeur de la protection judiciaire de la jeunesse (.) /Les membres de la cour sont nommés par arrêté du ou des ministres chargés de la sécurité sociale, de la santé et de l’action sociale. Les directeurs peuvent se faire représenter par un fonctionnaire de leur administration désigné sur proposition du ministre compétent dans l’arrêté mentionné ci-dessus." ;

Considérant qu’en vertu des principes généraux applicables à la fonction de juger, toute personne appelée à siéger dans une juridiction doit se prononcer en toute indépendance et sans recevoir quelque instruction de la part de quelque autorité que ce soit ; que la présence de fonctionnaires de l’Etat parmi les membres d’une juridiction ayant à connaître de litiges auxquels celui-ci peut être partie ne peut, par elle-même, être de nature à faire naître un doute objectivement justifié sur l’impartialité de celle-ci ;

Considérant, toutefois, que les dispositions régissant la composition des formations de jugement de la Cour nationale de la tarification sanitaire et sociale doivent être mises en œuvre dans le respect du principe d’impartialité qui s’applique à toute juridiction, et que rappellent les stipulations de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; qu’il peut être porté atteinte à ce principe lorsque, sans que des garanties appropriées assurent son indépendance, les fonctions exercées par un fonctionnaire appelé à siéger dans une des formations de jugement de la Cour nationale de la tarification sanitaire et sociale le font participer à l’activité des services en charge des questions soumises à la juridiction ; qu’il en va de même lorsque des membres de l’assemblée délibérante d’une collectivité territoriale qui est partie à l’instance siègent dans l’une des formations de jugement de cette cour ;

Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 26 de la loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales, désormais codifié à l’article L. 314-1 du code de l’action sociale et des familles : " (.) La tarification des prestations fournies par les établissements ou services auxquels l’autorité judiciaire confie directement et habituellement des mineurs est arrêtée conjointement par le président du conseil général et le représentant de l’Etat. (.) " ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, lorsqu’elle statue sur un litige portant sur la tarification des prestations fournies par les établissements ou services auxquels l’autorité judiciaire confie directement et habituellement des mineurs, la Cour nationale de la tarification sanitaire et sociale ne peut comprendre de conseillers généraux issus du département en cause ni des fonctionnaires exerçant leur activité au sein de la direction en charge de la protection judiciaire de la jeunesse au ministère de la justice ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la formation de jugement qui a statué sur la requête d’appel formée par le département de la Gironde comprenait un fonctionnaire issu de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse ; que, par suite, l’association OREAG est fondée à soutenir que la décision qu’elle attaque a été rendue en méconnaissance du principe d’impartialité rappelé à l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en second lieu, qu’il appartient au juge administratif, agissant en vertu des pouvoirs d’instruction qui lui sont conférés, d’assurer la communication des mémoires et autres pièces de la procédure dans le respect du principe général du caractère contradictoire de la procédure ;

Considérant qu’aux termes de l’article 26 du décret du 11 avril 1990, désormais codifié à l’article R. 351-26 du code de l’action sociale et des familles : " Sauf décision contraire du président de la juridiction, l’instruction est close par l’enregistrement de la réplique ou, à défaut, par l’expiration du délai imparti pour sa production, et il n’est pas tenu compte de la réplique éventuellement enregistrée après l’expiration de ce délai " ; que ces dispositions n’ont pas pour objet et ne sauraient avoir légalement pour effet de dispenser le juge de la tarification sanitaire et sociale de s’assurer par tous moyens du respect du principe général du caractère contradictoire de la procédure ; que lorsqu’un requérant présente dans les délais impartis un mémoire en réplique comportant des éléments nouveaux sur lesquels le juge de la tarification entend se fonder, il appartient au président de la juridiction de faire usage des pouvoirs que lui confèrent les dispositions citées plus haut de l’article 26 du décret du 11 avril 1990 afin de mettre la partie défenderesse à même de prendre connaissance de ce mémoire et de différer la clôture de l’instruction afin de lui permettre de présenter utilement ses observations avant l’audience ;

Considérant qu’il est constant que le " mémoire ampliatif et en réplique " présenté par le département de la Gironde le 17 avril 2003 comportait un moyen nouveau tiré de ce que la commission interrégionale de la tarification sanitaire et sociale aurait entaché sa décision d’erreur de droit en s’abstenant de prendre en compte le mémoire en défense présenté devant elle par le département, et sur lequel la Cour nationale de la tarification sanitaire et sociale s’est fondée pour annuler la décision litigieuse ; qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l’association OREAG n’a été mise à même d’en prendre connaissance que le jour de l’audience ; que, par suite, celle-ci est fondée à soutenir que la décision qu’elle attaque est entachée d’irrégularité ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’association OREAG est fondée à demander l’annulation de la décision attaquée, dans la mesure où elle se prononce sur la période au cours de laquelle s’applique le prix de journée qu’elle a fixé ;

Considérant qu’il y a lieu, dans cette mesure, de régler l’affaire au fond en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant qu’aux termes de l’article 23 du décret du 11 avril 1990, désormais codifié à l’article R. 351-23 du code de l’action sociale et des familles : " Les différents destinataires de la communication du recours doivent produire leurs défenses et observations dans le délai, renouvelable une fois sur demande expresse, de quarante-cinq jours suivant ladite communication. A l’issue de ce délai, si, après une mise en demeure du président de la commission, la partie défenderesse n’a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans le recours. Mention de cette dernière disposition doit être faite, pour produire effet, dans la mise en demeure " ; qu’il résulte de ces dispositions que la partie défenderesse devant la commission interrégionale de la tarification sanitaire et sociale ne peut être réputée avoir acquiescé aux faits que si, après avoir reçu une mise en demeure dans les conditions qu’elles prévoient, elle n’a pas produit de mémoire en défense avant la clôture de l’instruction ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’en s’abstenant de tenir compte du mémoire en défense produit par le département de la Gironde antérieurement à la clôture de l’instruction au motif que ce dernier avait été produit après l’expiration du délai imparti par le président de la commission dans la lettre de mise en demeure qu’il lui avait adressée, la commission interrégionale de la tarification sanitaire et sociale a entaché sa décision d’irrégularité ; que, par suite, le département de la Gironde est fondé à en demander l’annulation, dans la mesure où elle se prononce sur la date d’effet du prix de journée fixé pour l’exercice 1999 ;

Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement, dans cette même mesure, sur les conclusions présentées par l’association OREAG ;

Considérant qu’il résulte de la combinaison de l’article 14 du décret du 3 janvier 1961 et de l’article 10 du décret du 29 décembre 1959, alors applicables, que la décision fixant le prix de journée de l’établissement ou du service devait être prise avant le 1er janvier de l’année au titre de laquelle ce prix était fixé ; que lorsqu’elle entrait en vigueur après cette date, une telle décision ne pouvait légalement, sous l’empire de ces dispositions, fixer un prix de journée qu’à compter de son entrée en vigueur ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’association OREAG est fondée à demander l’annulation de l’arrêté du 24 novembre 1999 du préfet de la Gironde et du président du conseil général de la Gironde en tant qu’il porte sur la période comprise entre le 1er janvier et le 24 novembre 1999 ;

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l’association OREAG, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, verse au département de la Gironde une somme à ce titre ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l’association au même titre ;

D E C I D E :

Article 1er : La décision du 10 septembre 2004 de la Cour nationale de la tarification sanitaire et sociale et la décision du 27 juin 2001 de la commission interrégionale de la tarification sanitaire et sociale de Bordeaux sont annulées en tant qu’elles se prononcent sur la période au cours de laquelle s’applique le prix de journée fixé au titre de l’exercice 1999.

 


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