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Tribunal Administratif de Bordeaux, 4 Novembre 1999, Union des Assurances de Paris, ESYS-MONTENEY et AXA Global Risks ¢ Préfet de la Gironde

Si ce délit de détérioration volontaire a été perpétré dans le cadre d’une action concertée et préméditée, par un groupe de personnes armées de manches de bois, de pioches, de barres de fer, et de "cocktails molotov", les actes commis par les auteurs de ces dommages, qui ont trompé la vigilance de la police, étaient en rapport direct avec la manifestation organisée par la CDCA dans le litige qui l’oppose à sa caisse de retraite ; que le préfet de la Gironde ne démontre pas que ce rassemblement, réunissant au moins 800 personnes sur la zone concernée, n’avait pas pour objet de manifester publiquement une contestation ; que les délits perpétrés à l’occasion de la manifestation doivent donc être regardés comme ayant été commis par un attroupement

Vu 1°) sous le n°9700920, la requête, enregistrée le 25 avril 1997, complétée par mémoire enregistré le 21 mai 1997, présentée pour l’Union des Assurances de Paris (UAP), et pour la SA ESYSMONTENAY ;

Vu 2°) sous le n°9702390, la requête, enregistrée le 22 octobre 1997, présentée pour l’Union des Assurances de Paris (UAP), et pour la SA ESYS-MONTENAY ; l’UAP et la société ESYS-MONTENAY demandent que le tribunal administratif condamne l’Etat :
- à verser à l’UAP, la somme de 4 260 685 F HT,
- et à verser à la société ESYS-MONTENAY la somme de 963 030 F HT, en réparation des dommages subis lors d’une manifestation de membres de la confédération de défense des commerçants, artisants, agriculteurs et professions libérales de l’Aquitaine,
- à leur verser les intérêts de droit sur le montant desdites sommes à compter de la date d’enregistrement de la requête, lesquels intérêts devant eux-mêmes être capitalisés à l’expiration de chaque délai annuel en application de l’article 1154 du code civil,
- à leur verser une somme de 20 000 F en application de l’article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

Vu le mémoire enregistré le 27 septembre 1999, présenté pour AXA GLOBAL RISKS, et la société ESYS-MONTENAY ; AXA GLOBAL RISKS déclare venir aux droits de l’UAP ; AXA GLOBAL RISKS et la société ESYS-MONTENAY concluent aux mêmes fins que la requête ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code général des collectivités territoriales  ;

Vu l’article 92 de la loi du 7 janvier 1983 ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel :

Considérant que les requêtes susvisées n°9700920 et n°9702390 présentées pour AXA GLOBAL RISKS et la société ESYS-MONTENAY ont le même objet et ont fait l’objet d’une instruction commune ; qu’il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même jugement ;

Sur la fin de non recevoir opposée par le préfet de la Gironde à la requête n°9700920 :

Considérant qu’aux termes de l’article R. 102 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel : "sauf en matière de travaux publics, le tribunal administratif ne peut être saisi que par voie de recours formé contre une décision. " ;

Considérant que les sociétés requérantes, avant d’introduire leur recours n’ont pas fait une demande tendant à l’octroi d’une indemnité ; que le préfet de la Gironde, dans son mémoire en défense, n’a conclu au fond qu’à titre subsidiaire après avoir opposé la fin de non-recevoir tirée de l’absence de demande préalable ; que, dès lors, le contentieux n’étant pas lié, les conclusions susvisées de la requête n°9700920 ne sont pas recevables ;

Sur les conclusions de la requête n°9702390 :

Considérant qu’aux termes de l’article 92 de la loi du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l’Etat, ultérieurement codifié à l’article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales : "L’Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens..." ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction qu’au début de l’après midi de la journée du 30 octobre 1995, la manifestation à laquelle avait appelé l’organisation professionnelle de la confédération de défense des commerçants, artisans, agriculteurs et professions libérales d’Aquitaine (CDCA), a réuni plusieurs centaines de personnes devant l’immeuble qui abrite le siège de la CANCAVA (caisse autonome nationale de compensation assurance retraite) situé à Bordeaux-Lac sur la commune de Bruges , qu’une vingtaine de personnes participant à cette manifestation ont brisé les vitres du rez-de-chaussée et du 1 er étage de l’immeuble "Grand Angle" abritant les locaux à usage de bureaux de la société ESYS-MONTENAY, et ont lancé des pneus enflammés déclenchant un incendie à l’intérieur de l’immeuble ; que la société ESYS-MONTENAY et la société d’assurances AXA GLOBAL RISKS venant aux droits de la société UAP, subrogée dans les droits de son assurée pour la part des dommages qu’elle a remboursée, demandent à être indemnisées par l’Etat des conséquences dommageables résultant de l’action ainsi menée ;

Considérant que si ce délit de détérioration volontaire a été perpétré dans le cadre d’une action concertée et préméditée, par un groupe de personnes armées de manches de bois, de pioches, de barres de fer, et de "cocktails molotov", les actes commis par les auteurs de ces dommages, qui ont trompé la vigilance de la police, étaient en rapport direct avec la manifestation organisée par la CDCA dans le litige qui l’oppose à sa caisse de retraite ; que le préfet de la Gironde ne démontre pas que ce rassemblement, réunissant au moins 800 personnes sur la zone concernée, n’avait pas pour objet de manifester publiquement une contestation ; que les délits perpétrés à l’occasion de la manifestation doivent donc être regardés comme ayant été commis par un attroupement au sens des dispositions précitées de l’article 92 de la loi du 7 janvier 1983 et non par un commando, comme le soutient le préfet de la Gironde ; que par suite, la société ESYS-MONTENAY et la société d’assurances AXA GLOBAL RISKS sont fondées à soutenir que l’Etat est responsable des dégâts et dommages litigieux résultant de cette manifestation ;

Sur le préjudice :

Considérant que les sociétés AXA GLOBAL RISKS et ESYSMONTENAY demandent la réparation du préjudice matériel subi à hauteur respectivement de la somme de 4 260 685 F HT, versée par l’UAP à son assurée en remboursement des dommages liés à la dégradation des locaux et à la perte de matériel, et de la somme de 963 030 F HT restant à la charge de la société ESYS-MONTENAY correspondant aux frais de remise en état des systèmes informatiques ; que les demanderesses, qui produisent tant la quittance d’un montant de 4 260 685 F HT délivrée le 18 mai 1997 par le représentant de la société ESYS-MONTENAY à la société UAP, que les factures de travaux correspondant au montant des dommages restant à la charge de la société ESYS-MONTENAY, justifient du montant de leur préjudice ; que le préfet de la Gironde, qui soutient que l’assureur de la copropriété de l’immeuble a également présenté une demande d’indemnisation en vue de la réparation des dommages occasionnés à l’immeuble, n’établit pas que les demandes de réparation présentées par les requérantes concerneraient les mêmes travaux ; que par suite, il y a lieu de condamner l’Etat à verser à AXA GLOBAL RISKS et à la société ESYS-MONTENAY, respectivement les sommes de 4 260 685 F HT et 963 030 F HT, lesquelles porteront intérêts au taux légal à compter du 22 octobre, date d’enregistrement de la requête ;

Sur la capitalisation des intérêts :

Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée par les sociétés requérantes le 22 octobre 1997, date d’enregistrement de la requête ; qu’à cette date, il n’était pas dû au moins une année d’intérêts que, dès lors, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 1154 du code civil que les demandes tendant à la capitalisation des intérêts doivent donc être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 8-1 du code des tribunats administratifs et des cours administratives d’appel  :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner l’Etat à payer à AXA GLOBAL RISKS et à la société ESYS-MONTENAY pris indivisement la somme de 4 000 F au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

D E C I D E  :

Article premier : La requête n°9700920 est rejetée.

Article 2  : L’Etat est condamné à verser à la compagnie AXA GLOBAL RISKS la somme de 4 260 685 F HT et à la société ESYS-MONTENAY, la somme de 963 030 F HT, en réparation du préjudice subi.

Article 3  : Les sommes de 4 260 685 F HT et 963 030 F HT porteront intérêts au taux légal à compter du 22 octobre 1997, date d’enreaistrement de la requête des sociétés AXA GLOBAL RISKS et ESYS-MONTENAY.

Article 4  : L’Etat est condamné à verser la somme de 4 000 F à AXA GLOBAL RISKS et à la société ESYS-MONTENAY pris indivisement, en application de l’article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel.

Article 5  : Le surplus de la requête n°9702390 est rejeté.

Article 6  : Le présent jugement sera notifié à l’Union des assurances de Paris (UAP), à AXA GLOBAL RISKS, à la société ESYS-MONTENAY, au préfet de la Gironde et au Ministre de l’intérieur.

 


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