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NOTES ET COMMENTAIRES :
André LEGRAND, Les pouvoirs du conseil d’administration d’une université dans le recrutement d’un professeur, AJDA 2003, p.861

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Conseil d’Etat, 4 novembre 2002, n° 229821, Mme Anne S.-O.

S’il était loisible au conseil d’administration de rejeter la liste de candidats proposée par la commission de spécialistes au motif que la qualification de ces candidats lui paraissait insuffisante ou pour des motifs tirés de la politique générale de l’université, il ressort des pièces du dossier, notamment du nouvel intitulé du poste dans l’arrêté ministériel du 20 février 2001, qui correspond au titre de l’habilitation à diriger des recherches du candidat classé second par la commission de spécialistes, ainsi que de la motivation retenue par le conseil d’administration, qu’en l’espèce ces décisions avaient pour motif le refus de proposer la nomination, quel que fut l’avis de la commission de spécialistes, de tout autre candidat que celui qui était déjà en fonctions à Paris III et était par ailleurs directeur de l’institut de linguistique et phonétique générale et appliquée auquel le poste était attribué. Ce motif n’était pas au nombre de ceux que le conseil d’administration pouvait légalement retenir.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N°s 229821, 234111, 240700

Mme S.-O.

Mme Leroy
Rapporteur

Mme Roul
Commissaire du gouvernement

Séance du 16 octobre 2002
Lecture du 4 novembre 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 4ème et 6ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 4ème sous-section de la Section du contentieux

Vu 1°) sous le n° 229821, la requête, transmise par le tribunal administratif de Paris et enregistrée le 2 février 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour Mme Anne S.-O. ; Mme S.-O. demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler la décision du 1er décembre 2000 par laquelle le conseil d’administration de l’université de Paris III "Sorbonne Nouvelle" a refusé de proposer sa candidature à un emploi de professeur à l’université de Paris III ;

2°) de condamner l’université à lui verser une somme de 10 000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Vu 2°), sous le n° 234111, la requête, enregistrée le 25 mai 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par Mme S.-O. ; Mme S.-O. demande au Conseil d’Etat d’annuler la décision du 23 mars 2001 par laquelle le conseil d’administration de l’université de Paris III "Sorbonne Nouvelle" a de nouveau rejeté la liste de classement établie par la commission de spécialistes de la 7ème section pour le recrutement d’un professeur à l’université de Paris III ;

Vu 3°) sous le n° 240700 la requête, enregistrée le 3 décembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par Mme Anne S.-O. ; Mme S.-O. demande au Conseil d’Etat d’annuler la décision du 21 septembre 2001 par laquelle le conseil d’administration de l’université de Paris III "Sorbonne Nouvelle" a de nouveau rejeté la liste de classement établie par la commission de spécialistes des 7ème et 70ème sections pour le recrutement d’un professeur à l’université de Paris III et à ce que l’université de Paris III soit condamnée à lui verser une indemnité en raison du préjudice subi ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la loi n° 84-52 du 26 janvier 1984 relative à l’enseignement supérieur ;

Vu le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Leroy, Conseiller d’Etat,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de Mme S.-O. et de la SCP Vier, Barthélemy, avocat de l’université de Paris III "Sorbonne Nouvelle",
- les conclusions de Mme Roul, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes n°s 229821, 234111 et 240700 sont relatives à la même opération de recrutement d’un professeur des universités ; qu’il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule décision ;

Sur les délibérations du conseil d’administration de l’université de Paris III en date des 23 mars et 21 septembre 2001 :

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens des requêtes :

Considérant qu’aux termes du troisième alinéa de l’article 28 de la loi du 26 janvier 1984 : "Le conseil d’administration détermine la politique de l’établissement..." ; qu’aux termes de l’article 49 du décret du 6 juin 1984 : "Les concours prévus aux 1 °, 2° et 4° de l’article 46... se déroulent dans les conditions fixées ci-après... La commission de spécialistes examine les titres, travaux et activités des candidats... La commission de spécialistes classe au maximum cinq candidats pour chaque emploi offert au concours... La liste de classement établie par la commission de spécialistes est transmise au conseil d’administration de l’établissement... Pour chaque emploi à pourvoir, le conseil propose soit seulement le premier candidat classé par la commission de spécialistes, soit celui-ci et un ou plusieurs des suivants dans l’ordre d’inscription sur la liste de classement... Il ne peut en aucun cas modifier l’ordre de la liste de classement. Il peut par décision motivée rejeter la liste proposée par la commission." ;

Considérant que le conseil d’administration de l’université de Paris III a rejeté par une délibération du 1er décembre 2000 la liste de deux candidats proposée par la commission de spécialistes de la 7ème section du conseil national des universités pour pourvoir l’emploi n° 0773 de professeur des universités en "linguistique de l’acquisition", sur laquelle la requérante était classée en numéro 1 ; que cette décision a été retirée, en raison de son absence de motivation, par une nouvelle délibération en date du 23 mars 2001, laquelle a de nouveau rejeté la liste de candidats ; que le poste n° 0773 a fait l’objet d’une nouvelle publication par arrêté du 20 février 2001, sous l’intitulé "linguistique de l’acquisition du langage oral et écrit", au titre des 70ème et 7ème sections du conseil national des universités ; que par une délibération du 15 mai 2001 le conseil d’administration de l’université de Paris III a rejeté la liste des deux mêmes candidats proposée par la commission de spécialistes et sur laquelle Mme S.-O. figurait à nouveau en tête ; que cette troisième délibération, motivée par l’existence des recours en annulation formés par Mme S.-O. à l’encontre des deux précédentes, a été retirée par une quatrième délibération en date du 21 septembre 2001, qui a derechef rejeté la liste de candidats proposée aux motifs que le profil de la candidate classée en tête ne lui paraissait pas "correspondre parfaitement aux caractéristiques de l’emploi telles qu’elles avaient été précisées, ni au souci de la continuité des orientations pédagogiques définies pour ce secteur et à l’iapplication dans les équipes de recherche de Paris III" ;

Considérant que Mme S.-O. demande l’annulation des délibérations du conseil d’administration de l’université de Paris III des 23 mars et 21 septembre 2001 en tant qu’elles ont refusé de proposer sa nomination dans l’emploi de professeur des universités ;

Considérant que, s’il était loisible au conseil d’administration de rejeter la liste de candidats proposée par la commission de spécialistes au motif que la qualification de ces candidats lui paraissait insuffisante ou pour des motifs tirés de la politique générale de l’université, il ressort des pièces du dossier, notamment du nouvel intitulé du poste dans l’arrêté ministériel du 20 février 2001, qui correspond au titre de l’habilitation à diriger des recherches du candidat classé second par la commission de spécialistes, ainsi que de la motivation retenue par le conseil d’administration, qu’en l’espèce ces décisions avaient pour motif le refus de proposer la nomination, quel que fut l’avis de la commission de spécialistes, de tout autre candidat que celui qui était déjà en fonctions à Paris III et était par ailleurs directeur de l’institut de linguistique et phonétique générale et appliquée auquel le poste était attribué ; que ce motif n’était pas au nombre de ceux que le conseil d’administration pouvait légalement retenir et qu’ainsi ces décisions sont entachées de détournement de pouvoir et doivent être annulées en tant qu’elles rejettent la proposition de la commission de spécialistes ;

Sur les conclusions dirigées contre la délibération du 1er décembre 2000 :

Considérant que cette délibération a été retirée par la délibération du 23 mars 2001, qui n’est pas annulée sur ce point par la présente décision ; qu’ainsi les conclusions de Mme S.-O. tendant à son annulation sont devenues sans objet ;

Sur les conclusions de Mme S.-O. tendant à ce que l’université de Paris III soit condamnée à lui peser la somme de 1 500 euros en réparation du préjudice subi :

Considérant que ces conclusions ne sont pas au nombre de celles qui sont dispensées du ministère d’un avocat au Conseil d’Etat en application de l’article R. 432-2 du code de justice administrative ; que, présentées sans un tel ministère, elles sont par suite irrecevables ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner l’université de Paris III à payer à Mme S.-O. la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; que les dispositions de cet article font obstacle à ce que Mme S.-O. soit condamnée au même titre à payer une somme à l’université de Paris III ;

D E C I D E :

Article 1er : La délibération du conseil d’administration de l’université de Paris III du 23 mars 2001, en tant qu’elle rejette la proposition de la commission de spécialistes de la 7ème section du conseil national des universités, et la délibération de ce conseil du 21 septembre 2001 en tant qu’elle rejette la proposition de la commission de spécialistes des 7ème et 70ème sections du conseil national des universités, sont annulées.

Article 2 : Il n’y a plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à l’annulation de la délibération du conseil d’administration de l’université de Paris III du 1er décembre 2000 rejetant la proposition de la commission de spécialistes de la 7ème section du conseil national des universités.

Article 3 : L’université de Paris III versera à Mme S.-O. la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de l’université de Paris III tendant à la condamnation de Mme S.-O. au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête n° 234111 de Mme S.-O. est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme Anne S.-O., à l’université de Paris III "Sorbonne Nouvelle" et au ministre de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche.

 


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