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Cour administrative d’appel de Bordeaux, 18 juin 2002, n° 98BX01728, SARL Protex et société de droit étranger Général Accident

Si une commune peut demander à être garantie des condamnations mises à sa charge en conséquence d’agissements fautifs commis par les agents du service départemental d’incendie et de secours à l’occasion d’une intervention qui relève de la police municipale, sa responsabilité est susceptible d’être engagée par la victime pour toute faute commise dans l’organisation ou le fonctionnement du service de lutte contre l’incendie, que ce service relève ou non de la commune

COUR ADMINiSTRATIVE D’APPEL DE BORDEAUX

N° 98BX01728

S.A.R.L. PROTEX et société de droit étranger GÉNÉRAL ACCIDENT

M. Chavrier
Président

Mme Texier
Rapporteur

M. Heinis
Commissaire du gouvernement

Arrêt du 18 juin 2002

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE BORDEAUX

(3ème chambre)

Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 28 septembre 1998, présentée pour la S.A.R.L. PROTEX, dont le siège est situé “Zone artisanale Usseau” à Sainte-Soulle (17220) et la société de droit étranger GÉNÉRAL ACCIDENT, dont le siège pour la France est situé 40, rue Laffitte à Paris (75 440 Paris Cedex 09), par Me Thierry Buraud ;

La S.A.R.L. PROTEX et la société GÉNÉRAL ACCIDENT demandent à la Cour :
- d’annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 9juillet 1998 ;
- de condamner la commune de Dolus d’Oléron à les garantir à hauteur de 80% de l’ensemble des condamnations prononcées par le Tribunal de grande instance de La Rochelle le 23 avril 1991, soit à hauteur de la somme de 904 572,56 F ;
- de condamner également la commune à leur verser la somme de 15 000 F en application des dispositions de l’article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

Vu la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 ;

Vu le code des communes et le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel et le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 21 mai 2002 :
- le rapport de Mme Texier, président-assesseur,
- les observations de Me Bonnet, substituant la SCP Buraud, avocat, pour la S.A.RL. PROTEX et la société de droit étranger GÉNÉRAL ACCIDENT ;
- les observations de Me Meunier, substituant Me Grandon, avocat, pour le S.D.I.S. de la Charente-Maritirne ;
- et les conclusions de M. Heinis, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le 15 novembre 1988, un incendie s’est déclaré dans une maison d’habitation appartenant à M. Pigernet, sise sur le territoire de la commune de Dolus d’Oléron (Charente-Marîtime), alors que des préposés de la société PROTEX effectuaient des travaux de traitement des charpentes et des plafonds ; que la maison a été totalement détruite ; que par un jugement en date du 23 avril 1991, le tribunal de grande instance de La Rochelle a déclaré la S.A.R.L. PROTEX responsable de ce sinistre et l’a condamnée conjointement avec son assureur, la SOCIÉTÉ GÉNÉRAL ACCIDENT, société de droit étranger, à indemniser la victime des conséquences dommageables de ce sinistre ; que la S.A.R.L. PROTEX et son assureur ont saisi le tribunal administratif de Poitiers aux fins de condamnation solidaire de la commune de Dolus d’Oléron et du service départemental d’incendie et de secours (S.D.I.S.) de la Charente-Maritime à les indemniser à hauteur de 80% de l’ensemble des condamnations mises à leur charge par le juge judiciaire ; que par le jugement attaqué, en date du 9 juillet 1998, ledit tribunal a rejeté cette demande ; que la S.A.R.L. PROTEX et la COMPAGNIE CU ASSURANCES, venant aux droits de la SOCIETÉ GÉNÉRAL ACCIDENT, font appel de ce jugement et demandent, dans le dernier état de leurs conclusions, la condamnation solidaire de la commune et du service départemental d’incendie et de secours (S.D.I.S.) de la Charente-Maritime ;

Sur la prescription quadriennale opposée par la commune de Dolus d’Oléron et le S.D.I.S de la Charente-Maritime :

Considérant, d’une part, qu’il n’appartient qu’à l’autorité administrative à laquelle incomberait éventuellement le règlement d’une dette d’opposer, le cas échéant, la prescription quadriennale prévue par l’article I de la loi du 31 décembre 1968 ; qu’il résulte de l’instruction que la prescription de la créance que la S.A.R.L. PROTEX et la SOCIÉTÉ GÉNÉRAL ACCIDENT prétendent détenir à l’encontre de la commune de Dolus d’Oléron et du S.D.I.5. de la Charente-Maritime n’a été invoquée devant le tribunal administratif que par le S.D.I.S., dans un mémoire portant la seule signature de l’avocat ; que, par suite, et en tout état de cause, c’est à bon droit que le tribunal a estimé que la prescription n’était pas régulièrement opposée ;

Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 7 alinéa 1er de la loi susvisée du 31 décembre 1968 : “L’administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d’une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l’invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond” ; que dès lors, la commune de Dolus d’Oléron, qui n’a pas opposé la prescription devant les premiers juges, ne saurait utilement s’en prévaloir devant la cour ; que le S.D.I.S. de la Charente-Maritime, qui ne l’a pas opposée régulièrement devant le tribunal administratif, ne peut pas davantage s’en prévaloir en appel ;

Sur la responsabilité solidaire de la commune de Dolus d’Oléron et du SDIS de la Charente-Maritime :

Considérant qu’en vertu de l’article L. 131-2-6° du code des communes, alors applicable, le soin de prévenir et de combattre les incendies incombe dans chaque commune aux autorités municipales ; qu’aux termes de l’article 91 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 susvisée, alors applicable : “Les communes sont civilement responsables des dommages qui résultent de l’exercice des attributions de police municipale, quel que soit le statut des agents qui y concourent. Toutefois, au cas où le dommage résulte, en tout ou partie, de la faute d’un agent ou du mauvais fonctionnement d’un service ne relevant pas de la commune, la responsabilité de celle-ci est atténuée à due concurrence. - La responsabilité de la personne momie autre que la commune dont relève l’agent ou le service concerné ne peut être engagée que si cette personne morale a été mise en cause, soit par la commune, soit par la victime du dommage. S’il n’en a pas été ainsi, la commune demeure seule et définitivement responsable du dommage” ; qu’il résulte de ces dispositions, reprises à l’article L. 2216-2 du code général des collectivités territoriales, que si une commune peut demander à être garantie des condamnations mises à sa charge en conséquence d’agissements fautifs commis par les agents du service départemental d’incendie et de secours à l’occasion d’une intervention qui relève de la police municipale, sa responsabilité est susceptible d’être engagée par la victime pour toute faute commise dans l’organisation ou le fonctionnement du service de lutte contre l’incendie, que ce service relève ou non de la commune ; que, par suite la commune de Dolus d’Oléron n’est pas fondée à soutenir que sa responsabilité n’est pas susceptible d’être engagée à raison du sinistre dont M. Pigernet a été victime au motif qu’elle ne disposerait pas d’un corps de sapeurs-pompiers ;

Considérant que si la commune de Dolus d’Oléron et le SDIS de la CharenteMaritime font valoir qu’ils n’ont pas été parties à l’expertise ordonnée par le juge judiciaire, il est constant que le rapport d’expertise a été versé au dossier et que tant la commune que le SDIS en ont eu connaissance et ont pu le discuter ; que, par suite, rien ne fait obstacle àce qu’il puisse être valablement tenu compte du rapport établi par l’expert commis par le juge des référés du tribunal de grande instance de La Rochelle ;

Considérant qu’il résulte du rapport d’expertise susvisé que les sapeurs-pompiers du centre de secours du Château d’Oléron sont arrivés sur les lieux avec un petit engin porteur d’eau de i 800 litres seulement et ont commencé l’extinction ; que le feu avait perdu beaucoup de son intensité mais que n’ayant plus d’eau, les pompiers ont dû repartir refaire le plein d’eau et sont revenus avec leur petit véhicule et deux autres porteurs d’eau plus gros ; qu’à leur retour, l’incendie avait repris avec violence et que toute la charpente était en feu ; qu’ainsi, si le sinistre a eu pour origine le traitement des charpentes, les fautes commises par les sapeurs—pompiers ont eu pour effet d’en aggraver les conséquences et ont contribué pour une large part à son amplitude et à la destruction totale de la maison , qu’il suit de là que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a estimé que les conditions d’intervention des sapeurs-pompiers n’étaient pas de nature à engager la responsabilité de la commune de Dolus d’Oléron ;

Considérant, toutefois, qu’il appartient à la cour administrative d’appel, saisie par l’effet dévolutif de l’appel, de statuer sur les demandes de la S.A.R.L. PROTEX et de la SOCIETE GÉNÉRAL ACCIDENT ;

Considérant qu’ainsi qu’il a été dit ci-dessus, les fautes commises par les agents du SDIS de la Charente-Maritime à l’occasion d’une intervention qui relève de la police municipale engagent la responsabilité de la commune de Dolus d’Oléron ; que, par ailleurs, la SARL PROTEX et son assureur sont également fondés à rechercher directement la responsabilité du SDIS à raison des fautes commises par ses agents ;

Considérant que dans les circonstances de l’espèce, il sera fait une juste appréciation des responsabilités encourues en fixant à 40% la part de responsabilité du service de lutte contre l’incendie dans la survenance du dommage ; qu’il y a lieu, en conséquence de condamner solidairement la commune de Dolus d’Oléron et le SDIS de la Charente-Maritime, à supporter à hauteur de 40% les condamnations mises à la charge de la S.A.R.L. PROTEX et de la SOCIÉTÉ GÉNÉRAL ACCIDENT et à leur verser la somme de 452 286,28 F (68 950,60 euros) ;

Considérant que les sociétés requérantes ont droit, ainsi qu’elles le demandent, aux intérêts sur la somme due à compter du 14 avril 1995, date de la saisine du tribunal administratif ; que la capitalisation des intérêts a été sollicitée à la date du 14 avril 1996 ; qu’à cette date, il était dû plus d’une année d’intérêts ; que, dès lors, il y a lieu de faire droit à cette demande ;

Sur l’appel en garantie par la commune de Dolus d’Oléron du SDIS de la Charente-Maritime :

Considérant qu’ainsi qu’il a été dit ci-dessus, les dommages dont la réparation incombe solidairement à la commune de Dolus d’Oléron et au SDIS de la Charente-Maritime ont été provoqués exclusivement par les agissements fautifs commis lors du déroulement de leur intervention par les agents du service départemental d’incendie et de secours de la Charente-Mantime ; que, dès lors, la commune est fondée, en application des dispositions précitées de l’article 91 de la loi du 7 janvier 1983, à demander à être garantie par l’établissement public en cause de la totalité des condamnations prononcees à son encontre ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-I du code de justice administrative :

Considérant, que dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de condamner la commune de Dolus d’Oléron à payer à la S.A.R.L. PROTEX et à la COMPAGNIE CU ASSURANCES, venant aux droits de la SOCIÉTE GENERAL ACCIDENT une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 9 juillet 1998 est annulé.

Article 2 : La commune de Dolus d’Oléron et le SDIS de la Charente-Maritime sont déclarés solidairement responsables, à hauteur de 40%, des conséquences du sinistre dont a été victime M. Pigemet le 15 novembre 1988.

Article 3 : La commune de Dolus d’Oléron et le SDIS de la Charente-Maritime sont condamnés solidairement à verser à la S.A.R.L. PROTEX et à la COMPAGNIE CU ASSURANCES, venant aux droits de la SOCIÉTÉ GÉNÉRAL ACCIDENT la somme de 452 286, 28 F (68 950, 60 euros) qui portera intérêts au taux légal à compter du 14 avril 1995. Les intérêts échus à la date du 14 avril 1996 seront eux-mêmes capitalisés et produiront intérêts à compter de cette date.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de S.A.R.L. PROTEX et de la COMPAGNIE CU ASSURANCES, venant aux droits de la SOCIÉTÉ GÉNÉRAL ACCIDENT est rejeté.

Article 5 : La commune de Dolus d’Oléron est condamnée à payer à la S.A.R.L. PROTEX et à la COMPAGNIE CU ASSURANCES, venant aux droits de la SOCIÉTÉ GENRAL ACCIDENT une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

Article 6 : Le S.D.I.S. de la Charente-Maritime est condamné à garantir la commune de Dolus d’Oléron des condaninations prononcées à son encontre à l’article 3 du présent arrêt.

 


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