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Conseil d’Etat, 29 juillet 2002, n° 141112, M. Griesmar

Le principe de l’égalité des rémunérations s’oppose à ce qu’une bonification, pour le calcul d’une pension de retraite, accordée aux personnes qui ont assuré l’éducation de leurs enfants, soit réservée aux femmes, alors que les hommes ayant assuré l’éducation de leurs enfants seraient exclus de son bénéfice.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 141112

M. GRIESMAR

Mlle Vialettes, Auditeur

M. Lamy, Commissaire du gouvernement

Séance du 10 juillet 2002

Lecture du 29 juillet 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 6ème et 4ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 6ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la décision, en date du 28 juillet 1999, par laquelle le Conseil d’Etat statuant au contentieux a sursis à statuer sur la requête présentée pour M. GRIESMAR enregistrée sous le n° 141112 et tendant à l’annulation de l’arrêté du 1er juillet 1991 lui concédant une pension de retraite en totalité ou en tant que ce titre ne prend pas en compte les trois annuités au titre du b) de l’article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, jusqu’à ce que la Cour de justice des communautés européennes se soit prononcée sur la question de savoir : 1°) si, en premier lieu, les pensions servies par le régime français de retraite des fonctionnaires sont au nombre des rémunérations visées à l’article 119 du traité de Rome, devenu article 141 du traité instituant la Communauté européenne ; dans l’affirmative, eu égard aux stipulations du paragraphe 3 de l’article 6 de l’accord annexé au protocole n°14 sur la politique sociale, si le principe d’égalité des rémunérations est méconnu par les dispositions du b) de l’article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; 2°) si, dans l’hypothèse où l’article 119 du traité de Rome ne serait pas applicable, les dispositions de la directive n° 79/7 (CEE) du Conseil, du 19 décembre 1978, font obstacle à ce que la France maintienne des dispositions telles que celles du b) de l’article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le Traité de Rome instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;

Vu le Traité sur l’Union européenne et les protocoles qui y sont annexés ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Vialettes, Auditeur,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. GRIESMAR,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par un arrêt du 29 novembre 2001, la Cour de justice des Communautés européennes, statuant après que cette question lui avait été renvoyée par une décision du Conseil d’Etat, statuant au contentieux, en date du 28 juillet 1999, a déclaré que les pensions servies par le régime français de retraite des fonctionnaires entrent dans le champ d’application de l’article 119 du traité de la Communauté économique européenne, devenu article 141 du traité instituant la Communauté européenne, et que, nonobstant les stipulations de l’article 6, paragraphe 3, de l’accord annexé au protocole n° 14 sur la politique sociale joint au Traité sur l’Union européenne, le principe de l’égalité des rémunérations s’oppose à ce qu’une bonification, pour le calcul d’une pension de retraite, accordée aux personnes qui ont assuré l’éducation de leurs enfants, soit réservée aux femmes, alors que les hommes ayant assuré l’éducation de leurs enfants seraient exclus de son bénéfice ;

Considérant que le b) de l’article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite institue, pour le calcul de la pension, une bonification d’ancienneté d’un an par enfant dont il réserve le bénéfice aux "femmes fonctionnaires" ; qu’il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu’une telle disposition est incompatible avec le principe d’égalité des rémunérations tel qu’il est affirmé par le Traité instituant la Communauté européenne et par l’accord annexé au protocole n° 14 sur la politique sociale joint au Traité sur l’Union européenne ;

Considérant qu’il en résulte que la décision par laquelle le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie a refusé à M. GRIESMAR le bénéfice de la bonification d’ancienneté prévue par ce texte, alors même qu’il établirait avoir assuré l’éducation de ses enfants, est entachée d’illégalité ; que, dès lors, M. GRIESMAR est fondé à demander pour ce motif l’annulation de l’arrêté du 1er juillet 1991 en tant qu’il lui a refusé le bénéfice de cette bonification ;

Sur les conclusions à fin d’injonction :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative : "Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution" ; qu’aux termes de l’article L. 911-2 du même code : "Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé" ;

Considérant que, dans le dernier état de ses conclusions, formulées dans un mémoire enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 24 janvier 2002, M. GRIESMAR demande qu’il soit ordonné au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie de le faire bénéficier de la bonification d’ancienneté prévue au b) de l’article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ainsi que de revaloriser en conséquence la pension qui lui a été concédée ; qu’il sollicite également dans ce mémoire les intérêts et leur capitalisation ;

Considérant que le contentieux des pensions civiles et militaires de retraite est un contentieux de pleine juridiction ; qu’il appartient, dès lors, au juge saisi de se prononcer lui-même sur les droits des intéressés, sauf à renvoyer à l’administration compétente, et sous son autorité, le règlement de tel aspect du litige dans des conditions précises qu’il lui appartient de lui fixer ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. GRIESMAR a assuré la charge de trois enfants ; qu’il a formulé sa demande de révision de sa pension dans le délai d’un an prévu à l’article L. 55 du code des pensions civiles et militaires ; que dans la mesure où sont maintenues des dispositions plus favorables aux fonctionnaires de sexe féminin ayant assuré l’éducation de leurs enfants, en ce qui concerne la bonification d’ancienneté retenue pour le calcul de la pension, M. GRIESMAR a droit, ainsi qu’il a été dit plus haut, au bénéfice de la bonification prévue au b) de l’article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; qu’il y a lieu, dès lors, de prescrire au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie de modifier, dans le délai de deux mois suivant la notification de la présente décision, les conditions dans lesquelles la pension de M. GRIESMAR lui a été concédée et de revaloriser rétroactivement cette pension ;

Considérant que M. GRIESMAR a droit aux intérêts des sommes qui lui sont dues à compter du 24 janvier 2002, jour où, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, il a demandé le paiement de ces sommes ; qu’à cette date, il n’était pas dû une année d’intérêts ; que les conclusions à fin de capitalisation des intérêts présentées par M. GRIESMAR ne peuvent, par suite, être accueillies ;

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêté du 1er juillet 1991 concédant à M. GRIESMAR sa retraite est annulé en tant qu’il a refusé à l’intéressé le bénéfice de la bonification d’ancienneté d’une année par enfant.

Article 2 : Le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie modifiera, dans le délai de deux mois suivant la notification de la présente décision, les conditions dans lesquelles la pension de M. GRIESMAR lui a été concédée et revalorisera rétroactivement cette pension.

Article 3 : Les sommes dues à M. GRIESMAR porteront intérêts à compter du 24 janvier 2002.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. GRIESMAR est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Joseph GRIESMAR, au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie et au ministre de la fonction publique, de la réforme de l’Etat et de l’aménagement du territoire.

 


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