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12 avril 2002

La CNIL émet l’avis de décès du vote électronique en ligne mort-né

Dans une délibération du 2 avril 2002 et rendue publique le 10 avril, la Commission nationale de l’informatique et des libertés a - notamment sur le fondement de principes de droit électoral - donné un avis défavorable à la tenue d’une expérimentation de vote électronique via Internet. Les critères retenus ont pour effet de conclure à l’impossibilité de la mise en place d’un tel mode de scrutin.

A l’occasion des prochaines élections présidentielles, deux communes avaient décidé de mettre en place une expérimentation de vote électronique. La première commune, celle de Mérignac souhaitait mettre en place un dispositif reposant sur l’utilisation de cartes à microprocesseur comportant les empreintes digitales des électeurs. La seconde commune, celle de Vandoeuvre les Nancy, souhaitait notamment expérimenter à l’occasion des élections présidentielles un vote par Internet en partenariat avec le service election.com.

Concernant le projet de Mérignac, la CNIL a validé au cours du mois de mars 2002 l’expérimentation en prenant soin de recommander notamment que les empreintes digitales enregistrées sur les cartes ne devront, à aucun moment, donner lieu à la constitution d’un fichier nominatif.

Concernant le projet de Vandoeuvre les Nancy, sans doute moins high-tech, la CNIL a rendu le 2 avril 2002 un avis défavorable. En effet, la municipalité souhaitait mettre en place, à titre de test, un dispositif de vote électronique par Internet. A cette occasion, la commune avait passé un contrat avec une société américaine spécialisée dans le domaine : élection.com

Le principe était le suivant : tous les électeurs de la commune devaient recevoir un code confidentiel ainsi qu’un mot de passe attribués, de manière aléatoire. Ensuite, l’e-électeur n’avait qu’à se connecter sur le site prévu à cet effet soit depuis son domicile, soit depuis l’un des lieux publics aménagés à cet effet, et saisir ses mots de passe et login pour procéder au scrutin. Saisi de ce projet, la CNIL a estimé que les conditions minimales nécessaires par une telle expérimentation ne sont pas réunies.

Plus précisément, dans sa délibération, la CNIL relève tout d’abord que de telles expérimentations "ne sauraient être utilement envisagées au regard des valeurs énumérées par l’article premier de la loi du 6 janvier 1978 que si les modalités de leur mise en oeuvre ne sont pas de nature à porter une atteinte caractérisée aux principes fondamentaux qui doivent commander les opérations électorales". C’est donc au regard des ces normes de nature électorale que la CNIL a contrôlé la conformité du projet envisagé.

Dans son rapport la Commission rappelle que "la garantie du secret du suffrage constitue un principe fondamental que seuls le caractère personnel et anonyme du vote, la sincérité des opérations électorales, la surveillance effective du scrutin et le contrôle a posteriori par le juge de l’élection peuvent assurer". Au regard de cet énoncé, la CNIL a rendu un avis défavorable, estimant que les conditions n’étaient pas réunies.

Le vote électronique, un vote anonyme

L’un des principes du droit électoral est celui du vote anonyme. C’est notamment sur ce fondement que les juges des élections n’hésitent pas à sanctionner les scrutins qui se seraient déroulés sans passage par l’isoloir. Dans le cadre de l’expérimentation envisagée par la commune de Vandoeuvre-les-Nancy, la CNIL relève, tout d’abord, que la procédure de vote dépendant de dispositifs situés aux Etats-Unis échappe donc à tout contrôle effectif des autorités nationales.

En outre, "le dispositif (...) ne permet pas de garantir l’anonymat du vote d’un bout à l’autre de l’opération technique ; en effet, si la transmission des informations recourt à un chiffrement SSL, les informations en cause qui associent expression du vote et identification de l’électeur se trouvent à découvert une fois transmises et avant d’être enregistrées sous forme cryptée sur le serveur d’exploitation". En conséquence, en l’absence de garanties suffisantes à la mise en oeuvre du principe du vote anonyme, le vote électronique ne pouvait avoir lieu. Néanmoins, cette limite qui n’est que technique est surmontable dans l’hypothèse de la mise en oeuvre d’un vote électronique généralisé et reconnu. Tel n’est pas le cas des deux autres limites.

Le vote électronique, un vote personnel et sincère

Le droit électoral impose en sus d’un vote secret et anonyme, que ce suffrage soit à la fois personnel et également sincère, c’est à dire non vicié par une quelconque pression extérieure. En l’espèce la CNIL indique que le vote en ligne ne permet pas de s’assurer du respect de ces deux exigences.

D’une part, en ce qui concerne le vote personnel, la CNIL relève à juste titre que le dispositif prévu ne permet pas de déterminer avec précision si c’est l’électeur qui a bien voté virtuellement via Internet. Qu’est ce qui empêche les enfants de l’électeur, son époux ou épouse, ses amis, voire des personnes privées de droit de vote à glisser - à sa place - le bulletin virtuel dans l’urne toute aussi virtuelle ? Rien.

De même, en ce qui concerne la sincérité du vote, aucun élément ne permet aux autorités de s’assurer que l’e-électeur a bien choisi en son âme et conscience de voter pour tel ou tel candidat et qu’il n’a pas subi de pression (sous quelque forme que ce soit) de la part de personnes extérieures.

Ces deux exigences tenant à la sincérité et au caractère personnel du vote vont sans doute condamner pendant de très nombreuses années la possibilité de mettre en place un vote électronique à partir de son domicile. La seule possibilité reviendrait à installer les urnes électroniques dans un lieu neutre - dans une mairie par exemple - et d’inviter les e-électeurs à se déplacer. Cette solution sombre hélas dans l’absurdité la plus totale, recréant des bureaux de vote que l’on souhaitait faire disparaître. Au final, l’abstention a encore de beaux jours devant elle et le vote électronique en ligne, après cette délibération de la CNIL, peut être rangé au placard des idées utopistes. (BT)

 


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