CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 222288
MINISTRE DE L’EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE c/ Association Capytools
M. Eoche-Duval, Rapporteur
Mlle Fombeur, Commissaire du gouvernement
Séance du 19 décembre 2001
Lecture du 16 janvier 2002
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d’Etat, statuant au contentieux
Vu le recours et le mémoire complémentaire du MINISTRE DE L’EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE, enregistrés les 26 juin et 28 août 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat ; le MINISTRE DE L’EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE demande au Conseil d’Etat d’annuler sans renvoi l’arrêt du 18 avril 2000 par lequel la cour administrative d’appel de Bordeaux a annulé, sur appel de l’association Capytools, d’une part, le jugement du 23 décembre 1997 du tribunal administratif de Toulouse rejetant sa demande d’annulation de la décision du préfet de la région Midi-Pyrénées du 24 février 1995 mettant à sa charge les versements prévus par l’article L 920-10 du code du travail, d’autre part, la décision du préfet de la région Midi-Pyrénées du 24 février 1995 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Eoche-Duval, Maître des Requêtes,
les observations de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de l’association Capytools,
les conclusions de Mlle Fombeur, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que le MINISTRE DE L’EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 18 avril 2000 par lequel la cour administrative d’appel de Bordeaux a déchargé l’association Capytools, organisme dispensateur de formation professionnelle au sens de l’article L 920-4 du code du travail, du versement au Trésor public des sommes de 112 106,45 F et 249 535,17 F, mises à sa charge à la suite du contrôle de deux exercices d’activité par une décision du 24 février 1995 du préfet de la région Midi-Pyrénées, prise sur le fondement de l’article L 920-10 du code du travail, et a annulé cette même décision ;
Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l’article L 920-10 du code du travail :
Considérant qu’en vertu de l’article L 950-1 du code du travail, inséré au titre V du livre IX de ce code, tout employeur doit concourir au développement de la formation professionnelle continue en participant au financement des actions de formation mentionnées à l’article L 900-2 du même code ; que ce financement obligatoire prend la forme, pour les employeurs occupant au minimum dix salariés, d’une participation dont ils s’acquittent notamment en finançant des actions de formation ; que, selon l’article L 951-9, lorsque les dépenses justifiées par l’employeur sont inférieures à cette participation obligatoire, l’employeur est tenu d’effectuer au Trésor public un versement égal à la différence constatée ; que ce financement obligatoire prend la forme, pour les employeurs occupant moins de dix salariés, d’une participation dont ils s’acquittent auprès d’un organisme collecteur agréé ; que l’emploi des fonds ainsi collectés qui ne répondent pas aux règles posées par les dispositions de l’article L 952-2 donnent lieu à un reversement de même montant par l’organisme collecteur agréé au Trésor public ;
Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article L 920-1 inséré au titre II du livre IX du code du travail intitulé "Des conventions et des contrats de formation professionnelle" : "Les actions de formation professionnelle et de promotion sociale mentionnées aux livres III et IX du présent code peuvent faire l’objet de conventions. Ces conventions sont bilatérales ou multilatérales" ; qu’aux termes du deuxième alinéa de l’article L 920-4 du même code : "Toute personne physique ou morale de droit privé qui entend diriger un organisme de formation ou prendre part à la direction d’un tel organisme en souscrivant des conventions ou des contrats de prestations de service ayant pour objet la formation professionnelle continue doit adresser aux services compétents de l’Etat et de la région une déclaration préalable" ;
Considérant, enfin, qu’aux termes du premier alinéa de l’article L 920-10 du code du travail : "Lorsque des dépenses faites par le dispensateur de formation pour l’exécution d’une convention du titre II du présent livre ne sont pas admises parce qu’elles ne peuvent, par leur nature, être rattachées à l’exécution d’une convention de formation ou que le prix des prestations est excessif, le dispensateur est tenu, solidairement avec ses dirigeants de fait ou de droit, de verser au Trésor public une somme égale au montant de ces dépenses" ; que selon l’article L 920-11, les poursuites sont engagées sur plainte de l’autorité administrative, au vu de contrôles opérés soit sur place soit sur pièces en application de l’article L 991-8 ;
Considérant qu’il résulte des dispositions précitées qu’un dispensateur de formation ne peut être assujetti au versement institué par l’article L 920-10 du code du travail que si les dépenses que l’administration décide de ne pas admettre ont été exposées pour l’exécution d’une convention conclue en application du titre II du livre IX du code du travail ;
Considérant qu’en estimant qu’un dispensateur de formation n’est assujetti au versement prévu par l’article L 920-10 précité que s’il a conclu avec des employeurs des conventions en vertu du titre II du livre IX du code du travail et si, en outre, il a imputé, sur des fonds que ces employeurs ont versés au titre de leur participation obligatoire, des dépenses qui ne sont pas libératoires de cette participation, la cour administrative d’appel a ajouté une condition non prévue par l’article L 920-10 du code du travail et a ainsi entaché son arrêt d’une erreur de droit ; que le MINISTRE DE L’EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE est fondé à en demander pour ce motif l’annulation ;
Considérant qu’aux termes de l’article L 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d’Etat, s’il prononce l’annulation d’une décision d’une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut " régler l’affaire au fond si l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie " ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de régler l’affaire au fond ;
Sur les conclusions à fin d’annulation :
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que l’association Capytools a procédé le 18 mai 1990 à la déclaration prévue à l’article L 920-4 du code du travail ; qu’elle a assuré au profit de salariés d’entreprises de coiffure au cours de ses exercices comptables du 1er avril 1991 au 31 mars 1992 et du 1er avril 1992 au 31 mars 1993 des actions de formation professionnelle qui ont donné lieu à facturation mentionnant l’objet et la nature des stages ainsi que les effectifs concernés ; qu’il n’est, toutefois, pas contesté que ces actions de formation n’ont pas été conduites en exécution de conventions conclues avec ces entreprises en application du titre II du livre IX du code du travail ; que, par suite, les dispositions précitées de l’article L 920-10 du code du travail ne sont pas applicables en l’espèce ;
Considérant, dès lors, que l’association Capytools est fondée à demander l’annulation du jugement du 27 décembre 1997 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d’annulation de la décision du 12 octobre 1994, confirmée le 24 février 1995, par laquelle le préfet de la région Midi-Pyrénées a mis à sa charge le versement au Trésor public de la somme de 112 106,45 F, au titre de l’exercice d’avril 1991 à mars 1992, et de 249 535,17 F, au titre de l’exercice d’avril 1992 à mars 1993 ;
Sur les conclusions à fin de décharge du versement au Trésor public :
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier, notamment des termes mêmes de son recours administratif auprès du préfet de la région Midi-Pyrénées rejeté le 24 février 1995, que l’association Capytools a entendu former un recours pour excès de pouvoir à l’encontre de la décision du 12 octobre 1994, ensemble la décision du 24 février 1995 ; que, par suite, ses conclusions à fin de décharge du versement au Trésor public mis à sa charge par les décisions attaquées ne sont pas recevables ;
Sur les conclusions de l’association Capytools tendant à l’application des dispositions de l’article L 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L 761-1 du code de justice administrative et de condamner l’Etat à payer à l’association Capytools la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux du 18 avril 2000 est annulé.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 23 décembre 1997 est annulé.
Article 3 : Les décisions du préfet de la région Midi-Pyrénées en date du 12 octobre 1994 et du 24 février 1995 sont annulées.
Article 4 : Le surplus des conclusions de l’association Capytools est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L’EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE et à l’association Capytools.