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Conseil d’Etat, 29 octobre 2008, n° 307212, Fédération générale des retraites des chemins de fer de France et d’Outre-mer

Si la loi a ainsi habilité le gouvernement à exercer cette compétence, elle n’a pas eu pour effet de lui permettre d’en disposer.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 307212

FEDERATION GENERALE DES RETRAITES DES CHEMINS DE FER DE FRANCE ET D’OUTRE-MER

Mme Christine Grenier
Rapporteur

M. Luc Derepas
Commissaire du gouvernement

Séance du 10 octobre 2008
Lecture du 29 octobre 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 1ère et 6ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 1ère sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 juillet et 8 octobre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la FEDERATION GENERALE DES RETRAITES DES CHEMINS DE FER DE FRANCE ET D’OUTRE-MER ; la fédération requérante demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2007-730 du 7 mai 2007 relatif à la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la Société nationale des chemins de fer français ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi du 21 juillet 1909 relative aux conditions de retraite du personnel des grands réseaux de chemin de fer d’intérêt général ;

Vu le décret du 6 août 1938 fixant le régime d’assurances des agents de la Société nationale des chemins de fer français autres que ceux de l’ancien réseau d’Alsace et de Lorraine ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Christine Grenier, chargée des fonctions de Maître des requêtes,

- les observations de Me Haas, avocat de la FEDERATION GENERALE DES RETRAITES DES CHEMINS DE FER DE FRANCE ET D’OUTRE-MER,

- les conclusions de M. Luc Derepas, Commissaire du gouvernement ;

Sur l’intervention présentée par la Fédération des syndicats des travailleurs du rail - solidaires, unitaires et démocratique - SUD (Fédération SUD Rail) :

Considérant que la Fédération SUD Rail a intérêt à l’annulation du décret attaqué, qui institue une caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), se substituant à cette dernière pour la gestion et le versement des prestations de prévoyance et de retraite servies à ses agents et anciens agents et à leurs ayants droit ; que, contrairement à ce que soutient en défense le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, le signataire de l’intervention présentée au nom de cette fédération a été dûment habilité pour ce faire par les organes compétents de celle-ci ; que, par suite, son intervention au soutien de la requête de la FEDERATION GENERALE DES RETRAITES DES CHEMINS DE FER DE FRANCE ET D’OUTRE-MER est recevable ;

Sur la légalité externe :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 711-1 du code de la sécurité sociale : " Parmi celles jouissant déjà d’un régime spécial le 6 octobre 1945, demeurent provisoirement soumises à une organisation spéciale de sécurité sociale, les branches d’activités ou entreprises énumérées par un décret en Conseil d’Etat. / Des décrets établissent pour chaque branche d’activité ou entreprises mentionnées à l’alinéa précédent une organisation de sécurité sociale dotée de l’ensemble des attributions définies à l’article L. 111-1. Cette organisation peut comporter l’intervention de l’organisation générale de la sécurité sociale pour une partie des prestations " ; que l’article R. 711-1 du même code dispose qu’est soumise à un tel régime spécial, notamment, " la société nationale des chemins de fer français " ;

Considérant que l’article L. 711-1 du code de la sécurité sociale autorise le pouvoir réglementaire à fixer par décret les règles applicables aux régimes spéciaux de sécurité sociale ; qu’ainsi et contrairement à ce que soutient la fédération requérante, la création de la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF, les compétences de son conseil d’administration, les risques couverts et la définition des catégories d’affiliés pouvaient être déterminés par décret en vertu de cette disposition législative ;

Considérant toutefois que, si la loi a ainsi habilité le gouvernement à exercer cette compétence, elle n’a pas eu pour effet de lui permettre d’en disposer ; qu’ainsi, le décret attaqué ne pouvait légalement donner compétence au conseil d’administration de la caisse de prévoyance et de retraite pour arrêter un " règlement de prévoyance " ayant notamment pour objet de définir certaines prestations, notamment les prestations en nature des assurances maladie, maternité et décès, accordées aux agents de la SNCF et à ses autres affiliés ; que, par suite, la fédération requérante est fondée à demander l’annulation des dispositions du 2° du II de l’article 9 du décret attaqué, qui sont divisibles des autres dispositions de ce décret ;

Sur la légalité interne :

En ce qui concerne le champ des assurés et les prestations :

Considérant, en premier lieu, d’une part, qu’il résulte des termes mêmes du III de l’article 1er du décret attaqué, relatif aux risques couverts par la caisse, que ceux-ci correspondent notamment aux pensions et prestations de retraite définies par la loi du 21 juillet 1909, dont l’article 7 ouvre au conjoint survivant d’un agent titulaire d’une pension de retraite servie par la SNCF le droit à recevoir une pension de réversion ; qu’en vertu de l’article 2 de ce décret, sont affiliés de plein droit à la caisse de retraite et de prévoyance du personnel de la SNCF, les agents du cadre permanent, les anciens agents du cadre permanent titulaires d’une pension servie en application du règlement des retraites du personnel de la SNCF et leurs ayants droit ; qu’ainsi, le moyen tiré de ce que le décret attaqué exclurait illégalement les titulaires d’une pension de réversion de son champ d’application ne peut qu’être écarté ;

Considérant, d’autre part, que si les anciens agents qui ne sont pas titulaires d’une pension servie par la SNCF ne sont pas affiliés de plein droit à la caisse de retraite et de prévoyance en application de cette disposition, il résulte du 2° du III de l’article 1er du décret attaqué que cette caisse couvre notamment les prestations de prévoyance servies aux anciens agents du cadre permanent, y compris ceux qui ne seraient pas titulaires d’une telle pension mais pourraient continuer à bénéficier des prestations servies par cette caisse en vertu tant des dispositions réglementaires applicables aux anciens agents de la SNCF, notamment celles du décret du 6 août 1938, que de l’article D. 172-1 du code de la sécurité sociale, selon lequel un travailleur salarié qui cesse d’être soumis à un régime spécial relevant de l’article R. 711-1 sans devenir tributaire d’un autre régime, continue de bénéficier de ce régime spécial tant qu’il satisfait aux conditions fixées aux articles L. 161-8, L. 313-1, L. 313-2 et L. 341-2 du même code ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué n’inclut pas cette catégorie de personnes dans son champ d’application doit également être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutient la fédération requérante, le décret attaqué, qui n’avait pas à les reprendre expressément, n’a pas pour objet et n’aurait pu avoir légalement pour effet de modifier les dispositions de l’article R. 711-17 du code de la sécurité sociale, selon lequel " l’organisation spéciale de sécurité sociale prévue à l’article L. 711-1 assure aux travailleurs des branches d’activités ou entreprises mentionnées à l’article R. 711-1, pour l’ensemble des prestations de chaque risque, des prestations équivalentes aux prestations du régime général de la sécurité sociale, sans que les avantages de même nature déjà accordés antérieurement au 1er juillet 1946 puissent être réduits ou supprimés " ;

En ce qui concerne la composition du conseil d’administration :

Considérant, d’une part, que les anciens agents du cadre permanent de la SNCF titulaires d’une pension de retraite ne sont pas placés dans une situation identique à celle des agents du cadre permanent en activité de cette société ; qu’il suit de là que la fédération requérante n’est pas fondée à soutenir que le pouvoir réglementaire a méconnu le principe d’égalité en édictant, aux articles 5 et 6 du décret attaqué, des règles différentes pour la désignation de leurs représentants respectifs au sein du conseil d’administration, les remplacements en cas de vacance de siège, la limite d’âge pour y siéger ou encore en réservant, eu égard à son objet, la participation au sein de la commission spéciale chargée d’examiner les incapacités permanentes ou les décès à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle instaurée par le III de l’article 13, aux seuls agents du cadre permanent de la SNCF ; que, pour les mêmes raisons, le pouvoir réglementaire n’avait pas à prévoir expressément la possibilité que les titulaires d’une pension de réversion puissent participer à la désignation des représentants des retraités au sein du conseil d’administration ; que la fédération requérante, qui n’invoque pas de droit ou de liberté protégés par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dont la jouissance serait affectée par les dispositions qu’elle conteste, ne peut, en tout état de cause, invoquer à leur encontre le principe de non-discrimination énoncé à l’article 14 de cette convention ;

Considérant, d’autre part, que le pouvoir réglementaire a pu, sans erreur manifeste d’appréciation, limiter à deux le nombre des représentants des anciens agents du cadre permanent titulaires d’une pension de retraite qui siègeront au sein du conseil d’administration de la caisse ;

Considérant enfin que, contrairement à ce que soutient la Fédération SUD Rail, aucun texte ni aucun principe n’imposait de prévoir l’élection des membres du conseil d’administration à la représentation proportionnelle ;

En ce qui concerne les dispositions transitoires :

Considérant que si l’article 26 du décret attaqué, dont l’entrée en vigueur est fixée au 30 juin 2007 par les dispositions combinées des I et II de l’article 23, énonce que " le règlement général de la caisse de prévoyance de la SNCF, homologué par décisions ministérielles du 28 juin 1945, est abrogé ", cette abrogation ne porte que sur des dispositions auxquelles se substituent celles du décret attaqué ; que, contrairement à ce que soutient la fédération requérante, il ne résulte ni de l’article 26 ni des autres dispositions de ce décret que son entrée en vigueur priverait de base légale les prestations servies aux affiliés ; que, par suite, la fédération requérante n’est pas fondée à soutenir que le décret attaqué serait entaché d’illégalité, faute de comporter des mesures transitoires permettant d’assurer le versement de ces prestations ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la FEDERATION GENERALE DES RETRAITES DES CHEMINS DE FER DE FRANCE ET D’OUTRE-MER n’est que partiellement fondée à demander l’annulation du décret attaqué ;

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l’Etat le versement à la FEDERATION GENERALE DES RETRAITES DES CHEMINS DE FER DE FRANCE ET D’OUTRE-MER de la somme de 2 000 euros ;

D E C I D E :

Article 1er : L’intervention de la Fédération des syndicats des travailleurs du rail - solidaires, unitaires et démocratique - SUD (Fédération SUD Rail) est admise.

Article 2 : Le 2° du II de l’article 9 du décret n° 2007-730 du 7 mai 2007 est annulé.

Article 3 : L’Etat versera à la FEDERATION GENERALE DES RETRAITES DES CHEMINS DE FER DE FRANCE ET D’OUTRE-MER une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la FEDERATION GENERALE DES RETRAITES DES CHEMINS DE FER DE FRANCE ET D’OUTRE-MER, à la Fédération des syndicats des travailleurs du rail - solidaires, unitaires et démocratique - SUD (Fédération SUD Rail), au Premier ministre, au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique et à la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

Copie en sera adressée pour information à la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la Société nationale des chemins de fer français.

 


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