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Conseil d’Etat, 19 octobre 2001, n° 222969, Ministre de la Défense

Ces dispositions par lesquelles le MINISTRE DE LA DEFENSE s’est borné à donner aux agents de ses services des instructions sur la méthode à suivre pour constituer les dossiers relatifs à des dommages subis par les armées, doivent être regardées comme de simples mesures d’organisation du service, qui ne peuvent utilement être invoquées par des tiers auteurs d’un dommage causé à des immeubles ou à du matériel militaire ; que ces dispositions ne peuvent pas plus être invoquées en vertu de l’article 1er du décret du 28 novembre 1983 relatif à l’amélioration des relations entre l’administration et les usagers.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 222969

MINISTRE DE LA DEFENSE

M Lenica, Rapporteur

M Piveteau, Commissaire du gouvernement

Lecture du 19 Octobre 2001

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le recours, enregistré le 11 juillet 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présenté par le ministre de la défense ; le ministre de la défense demande au Conseil d’Etat d’annuler l’arrêt en date du 4 mai 2000 par lequel la cour administrative d’appel de Nancy a :

1°) rejeté son recours contre le jugement en date du 21 décembre 1995 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 28 novembre 1990 par laquelle le gouverneur militaire de Metz a invité M S. à verser une somme de 11 467 F en réparation du préjudice subi par l’Etat à la suite d’une faute personnelle commise par ce dernier, ainsi que le titre de perception du 15 mars 1991 établi en conséquence ;

2°) condamné l’Etat à verser à M S. la somme de 5 000 F au titre de l’article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel alors en vigueur ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal ;

Vu le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 relatif aux relations entre l’administration et les usagers ;

Vu l’instruction générale du 16 janvier 1989 relative à la réparation amiable ou judiciaire des dommages causés ou subis par les armées ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M Lenica, Auditeur,

- les observations de Me Vuitton, avocat de M Stedile,

- les conclusions de M Piveteau, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le tribunal administratif de Strasbourg ayant, par un jugement en date du 21 décembre 1995, annulé la décision du 28 novembre 1990 par laquelle le gouverneur militaire de Metz a mis à la charge de M Stedile la somme de 11 467 F à raison des dommages causés à un véhicule de service à l’occasion d’un accident de circulation imputable, alors qu’il était appelé du contingent, à une faute personnelle détachable du service, la cour administrative d’appel de Nancy a, par un arrêt du 4 mai 2000, rejeté l’appel formé par le MINISTRE DE LA DEFENSE contre ce jugement ; que le MINISTRE DE LA DEFENSE se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;

Considérant que l’article 130 de l’instruction générale du 16 janvier 1989 relative à la réparation amiable ou judiciaire des dommages causés ou subis par les armées dispose : "Indépendamment de l’enquête ouverte aussitôt que possible, et pour permettre à l’administration de poursuivre le recouvrement du préjudice subi par l’Etat par voie d’action portée, s’il y a lieu, devant les tribunaux judiciaires, les dégâts causés à des immeubles ou à du matériel militaire doivent toujours faire l’objet, non seulement d’une constatation contradictoire mais également d’une évaluation contradictoire et détaillée, à moins que le matériel ne soit secret ou que des motifs sérieux ne s’y opposent ; ces motifs doivent être indiqués. En conséquence, chaque fois que des dégâts sont causés par un tiers à des immeubles ou à du matériel militaire, l’auteur des dégâts doit être mis en demeure, par lettre recommandée avec avis de réception, d’assister ou de se faire représenter à ce constat ou à cette évaluation (...)" ; que l’article 208 de cette même instruction rappelle que doivent être considérés comme des tiers les agents de l’Etat lorsqu’ils ont commis une faute personnelle détachable de l’exécution du service ;

Considérant que ces dispositions par lesquelles le MINISTRE DE LA DEFENSE s’est borné à donner aux agents de ses services des instructions sur la méthode à suivre pour constituer les dossiers relatifs à des dommages subis par les armées, doivent être regardées comme de simples mesures d’organisation du service, qui ne peuvent utilement être invoquées par des tiers auteurs d’un dommage causé à des immeubles ou à du matériel militaire ; que ces dispositions ne peuvent pas plus être invoquées en vertu de l’article 1er du décret du 28 novembre 1983 relatif à l’amélioration des relations entre l’administration et les usagers ; que, dès lors, le MINISTRE DE LA DEFENSE est fondé à soutenir que la cour administrative d’appel de Nancy a commis une erreur de droit en jugeant que M S. pouvait se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l’article 130 de la circulaire du 16 janvier 1989 ;

Considérant qu’aux termes de l’article L 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d’Etat, s’il prononce l’annulation d’une décision d’une juridiction administrative statuant en dernier ressort peut "régler l’affaire au fond si l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de régler l’affaire au fond ;

Considérant que si M S. soutient que la décision attaquée n’a pas été précédée de la constatation et de l’évaluation contradictoires du préjudice prévues par l’article 130 de la circulaire du 16 janvier 1989, ces dispositions qui constituent, ainsi qu’il vient d’être dit ci-dessus, de simples mesures d’organisation du service, ne peuvent utilement être invoquées par des tiers auteurs d’un dommage causé à des immeubles ou à du matériel militaire ; que, par suite, le MINISTRE DE LA DEFENSE est fondé à soutenir que c’est à tort que, pour annuler la décision attaquée, le tribunal administratif de Strasbourg s’est fondé sur la méconnaissance par le gouverneur militaire de Metz de l’article 130 de la circulaire du 16 janvier 1989 ;

Considérant toutefois qu’il appartient au Conseil d’Etat, saisi de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par M S. devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

Considérant que, la décision mettant à la charge de M S. les dommages qu’il a causés à du matériel militaire ne constitue pas une sanction disciplinaire mais une mesure permettant la réparation du préjudice subi par les armées ; que, dès lors, le requérant n’est fondé à soutenir ni que la sanction disciplinaire déjà prononcée à son égard ferait obstacle à ce que la décision attaquée fût prise à son encontre, ni que cette décision aurait dû être précédée d’une procédure contradictoire lui permettant de faire valoir ses droits ;

Considérant que M S. n’établit pas que la vétusté ou le défaut d’entretien du véhicule seraient de nature à engager la responsabilité de l’administration, ou à venir ainsi en atténuation de sa propre faute ; qu’ainsi l’accident dont la réparation lui est demandée a pour origine la seule faute personnelle, détachable du service, de celui-ci, qui a détourné à des fins privées un véhicule de service mis à sa disposition pour l’exécution d’une mission de permanence dont il était chargé ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M S. n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision attaquée, qui a mis à sa charge la somme, dont le montant n’est pas en lui-même contesté, de 11 467 F ;

Sur les conclusions tendant au remboursement des frais exposés par M S. et non compris dans les dépens :

Considérant qu’aux termes de l’article L 761-1 du code de justice administrative : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y pas lieu à cette condamnation" ; que ces dispositions font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à M S. la somme de 8 000 F qu’il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêt du 4 mai 2000 de la cour administrative d’appel de Nancy est annulé.

Article 2 : Le jugement du 21 décembre 1995 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 3 : La demande présentée par M S. devant le tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.

Article 4 : Les conclusions de M S. tendant au remboursement des frais exposés par lui et non compris dans les dépens sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M Marc S. et au ministre de la défense.

 


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