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Conseil d’Etat, 6 octobre 2008, n° 289389, Philippe F.

Les comptes d’un des organismes mentionnés à l’article 1er de la loi du 17 juillet 1978, qui retracent les conditions dans lesquelles celui-ci exerce les missions de service public qui sont les siennes, présentent, par leur nature et leur objet, le caractère de documents administratifs.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 289389

M. F.

M. Brice Bohuon
Rapporteur

Mlle Célia Verot
Commissaire du gouvernement

Séance du 5 septembre 2008
Lecture du 6 octobre 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 10ème et 9ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 10ème sous-section de la section du contentieux

Vu la décision du 29 février 2008 par laquelle le Conseil d’Etat statuant au contentieux , d’une part, a, avant dire droit sur la requête de M. F., annulé le jugement du 18 octobre 2005 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision implicite de la Ligue de karaté de Bourgogne refusant de lui communiquer, sur support informatique, les grands livres journaux des exercices comptables clos au titre des années 2001 à 2004, ainsi que les balances comptables, les bilans et les comptes de résultats des mêmes exercices et à ce que soit mis à la charge de la Ligue de karaté de Bourgogne le versement de la somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et, d’autre part, a ordonné une enquête sur place en vue de déterminer si les caractéristiques du système et du logiciel informatiques que la Ligue de karaté de Bourgogne utilise pour la tenue de sa comptabilité permet la production d’une copie sur support informatique des documents demandés par le requérant ou si une impossibilité technique fait obstacle à la communication d’une telle copie ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le décret n° 88-465 du 28 avril 1988 ;

Vu le décret n° 2001-493 du 6 juin 2001 ;

Vu l’arrêté du Premier ministre du 1er octobre 2001 relatif aux conditions de fixation et de détermination du montant des frais de copie d’un document administratif ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Brice Bohuon, Auditeur,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. Philippe F. et de la SCP Didier, Pinet, avocat de la Ligue de karaté de Bourgogne,

- les conclusions de Mlle Célia Verot, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’aux termes du deuxième alinéa de l’article 1er de la loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal, dispose, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " Sont considérés comme documents administratifs (.) tous dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, directives, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives, avis, prévisions et décisions, qui émanent de l’Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics ou des organismes de droit public ou privé chargés de la gestion d’un service public. Ces documents peuvent revêtir la forme d’écrits, d’enregistrements sonores ou visuels, de documents existant sur support informatique ou pouvant être obtenus par un traitement automatisé d’usage courant " ; qu’aux termes de l’article 4 de cette loi, dans sa rédaction applicable à cette même date : " L’accès aux documents administratifs s’exerce : (.) / b) Sous réserve que la reproduction ne nuise pas à la conservation du document, par la délivrance d’une copie facilement intelligible sur un support identique à celui utilisé par l’administration ou sur papier, au choix du demandeur dans la limite des possibilités techniques de l’administration et aux frais de ce dernier, sans que ces frais puissent excéder le coût de cette reproduction, dans des conditions prévues par décret " ;

Considérant que les comptes d’un des organismes mentionnés à l’article 1er de la loi du 17 juillet 1978, qui retracent les conditions dans lesquelles celui-ci exerce les missions de service public qui sont les siennes, présentent, par leur nature et leur objet, le caractère de documents administratifs ; que, de même, un document comptable, établi à la demande d’un de ces organismes par un prestataire extérieur, constitue un document administratif au sens de cette loi ;

Considérant que, pour déterminer si les caractéristiques du système et du logiciel informatiques que la Ligue de karaté de Bourgogne utilise pour la tenue de sa comptabilité permet la production d’une copie, sur support informatique, des livres journaux, balances comptables, bilans et comptes de résultats des exercices comptables clos du 31 août 2001 au 31 août 2004 de la Ligue de karaté de Bourgogne ou si une impossibilité technique fait obstacle à la communication d’une telle copie, le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, a, par la décision visée ci-dessus du 29 février 2008, ordonné une enquête contradictoire sur place ;

Considérant, d’une part, qu’il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal de l’enquête sur place réalisée le 5 juin 2005 par le rapporteur et un membre du service informatique du Conseil d’Etat, que la Ligue de karaté de Bourgogne effectue ses opérations comptables sur un logiciel informatique dont la Ligue ne saurait sérieusement soutenir qu’il ne permettrait pas la communication, sur support informatique, des livres journaux et balances comptables demandés par M. F. ;

Considérant, d’autre part, qu’il est constant que les bilans et comptes de résultats de la Ligue de karaté de Bourgogne sont réalisés et certifiés par un prestataire extérieur, à l’aide de son propre logiciel comptable, à partir des données, notamment celles du livre journal, enregistrées par la Ligue ; que si la Ligue soutient que ce logiciel comptable ne permet d’extraire les documents demandés que sur support papier, il n’est pas établi qu’une impossibilité technique fait obstacle à la communication sur support informatique, par le prestataire de services, de ces documents comptables ; que, par suite, la Ligue de karaté de Bourgogne n’est pas fondée à soutenir que ses possibilités techniques ne lui permettent pas de communiquer sur support informatique, dans les conditions fixées par la loi du 17 juillet 1978, les bilans et comptes de résultats demandés par M. F. ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la demande présentée par M. F. devant le tribunal administratif de Dijon, qu’en soutenant que les caractéristiques du système et des logiciels informatiques utilisés pour la tenue de sa comptabilité faisait obstacle à la production d’une copie sur support informatique des documents demandés par M. F., la Ligue de karaté de Bourgogne a méconnu les dispositions de la loi du 17 juillet 1978 ; que, par suite, la décision implicite par laquelle la Ligue de karaté de Bourgogne a refusé de communiquer à M. F., sur support informatique, une copie des livres journaux, balances comptables, bilans et comptes de résultats des exercices comptables clos du 31 août 2001 au 31 août 2004 ne peut qu’être annulée ;

Sur les conclusions à fin d’injonction :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution " ;

Considérant que l’annulation de la décision implicite par laquelle la Ligue de karaté de Bourgogne a refusé de communiquer à M. F., sur support informatique, une copie des livres journaux, balances comptables, bilans et comptes de résultats des exercices comptables clos du 31 août 2001 au 31 août 2004 implique nécessairement la communication à M. F. d’une copie, sur support informatique, des documents demandés ; qu’il y a lieu pour le Conseil d’Etat d’ordonner cette mesure ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de prononcer contre la Ligue de karaté de Bourgogne, à défaut pour elle de justifier de l’exécution de la présente décision dans un délai d’un mois à compter de sa notification, une astreinte de 100 euros par jour jusqu’à la date à laquelle cette décision aura reçu exécution ;

Sur les conclusions tendant à ce qu’il soit enjoint à la Ligue de karaté de Bourgogne de révéler le nom du logiciel utilisé :

Considérant que l’enquête sur place a permis de déterminer le logiciel comptable utilisé par la Ligue de karaté de Bourgogne ; que par suite, en tout état de cause, il n’y a pas lieu de statuer sur ces conclusions ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. F., qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la Ligue de karaté de Bourgogne demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la Ligue de karaté de Bourgogne la somme de 4 300 euros demandée par M. F. devant le tribunal administratif et le Conseil d’Etat en application des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La décision implicite par laquelle la Ligue de karaté de Bourgogne a refusé de communiquer à M. F., sur support informatique, une copie des livres journaux, balances comptables, bilans et comptes de résultats des exercices comptables clos du 31 août 2001 au 31 août 2004 est annulée.

Article 2 : Il est enjoint à la Ligue de karaté de Bourgogne de communiquer une copie, sur support informatique, de ses livres journaux, balances comptables, bilans et comptes de résultats des exercices comptables clos du 31 août 2001 au 31 août 2004 dans le délai d’un mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : Une astreinte de 100 euros par jour est prononcée à l’encontre de la Ligue de karaté de Bourgogne s’il n’est pas justifié de l’exécution de la présente décision dans le délai mentionné à l’article 2 ci-dessus. La Ligue de karaté de Bourgogne communiquera au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter la présente décision.

Article 4 : La Ligue de karaté de Bourgogne versera à M. F. la somme de 4 300 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Il n’y a pas lieu de statuer sur le surplus des conclusions de M. F..

Article 6 : Les conclusions de la Ligue de karaté de Bourgogne tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : La présente décision sera notifiée à M. Philippe F. et à la Ligue de karaté de Bourgogne. Copie en sera adressée pour information à la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.

 


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