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Conseil d’Etat, 11 juillet 2008, n° 310624, Gilles R.

L’autorisation prévue par ces dispositions a pour effet de priver le preneur du droit d’exploiter les parcelles dont le bailleur entend changer la destination ; qu’avant de la délivrer, il appartient au préfet de s’assurer, que la résiliation du bail ne porte pas une atteinte excessive à la situation du preneur. Conformément au principe général des droits de la défense, la décision ne peut légalement intervenir sans que le preneur ait été mis en mesure de présenter ses observations. En revanche, elle n’entre dans aucune des catégories de décisions qui doivent être motivées en application de la loi susvisée du 11 juillet 1979, et notamment pas dans celle, mentionnée à l’article 2 de cette loi, des décisions administratives individuelles qui dérogent aux règles générales fixées par la loi ou le règlement.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 310624

M. R.

M. Jean-Yves Rossi
Rapporteur

Mme Catherine de Salins
Commissaire du gouvernement

Séance du 18 juin 2008
Lecture du 11 juillet 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 5ème et 4ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 5ème sous-section de la section du contentieux

Vu l’ordonnance en date du 8 novembre 2007, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 12 novembre 2007, par laquelle le président de la cour administrative d’appel de Bordeaux a transmis au Conseil d’Etat, en application de l’article R. 351-2 du code de justice administrative, la demande présentée devant cette cour par M. Gilles R. ;

Vu la requête, enregistrée le 9 mai 2006 au greffe de la cour administrative d’appel de Bordeaux, présentée par M. Gilles R. ; M. Gilles R. demande :

1°) d’annuler le jugement du 13 février 2006 par lequel le tribunal administratif de Toulouse, statuant sur la question préjudicielle présentée pour M. R. en exécution d’un jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Millau du 7 septembre 2004, a déclaré que la décision du 30 décembre 2002 du préfet de l’Aveyron autorisant l’indivision C. et M. Michel C. à résilier les baux des parcelles figurant section AO n° 87, 88, 90 et 102 au cadastre de la commune de Campagnac, exploitées par M. R., n’est pas entachée d’illégalité ;

2°) de déclarer que cette décision préfectorale est entachée d’illégalité ;

3°) de mettre à la charge des consorts C. la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural et notamment ses articles L. 411-31 et L. 411-32 ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Yves Rossi, Conseiller d’Etat,

- les conclusions de Mme Catherine de Salins, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 411-32 du code rural, dans sa rédaction applicable au litige : " Le propriétaire peut, à tout moment, résilier le bail sur des parcelles dont la destination agricole peut être changée en application des dispositions d’un plan d’urbanisme ou d’un plan d’occupation des sols rendu public ou approuvé. Dans ce dernier cas, la résiliation n’est possible que dans les zones urbaines définies par le plan d’occupation des sols. / En l’absence d’un plan d’urbanisme ou d’un plan d’occupation des sols, ou, lorsqu’existe un plan d’occupation des sols, en dehors des zones urbaines mentionnées à l’alinéa précédent, la résiliation ne peut être exercée, à tout moment sur les parcelles en vue d’un changement de la destination agricole de celles-ci, qu’avec l’autorisation du préfet du département, donnée après avis de la commission consultative des baux ruraux. La résiliation doit être notifiée au preneur par acte extrajudiciaire " ;

Considérant que l’autorisation prévue par ces dispositions a pour effet de priver le preneur du droit d’exploiter les parcelles dont le bailleur entend changer la destination ; qu’avant de la délivrer, il appartient au préfet de s’assurer, que la résiliation du bail ne porte pas une atteinte excessive à la situation du preneur ; que, conformément au principe général des droits de la défense, la décision ne peut légalement intervenir sans que le preneur ait été mis en mesure de présenter ses observations ; qu’en revanche, elle n’entre dans aucune des catégories de décisions qui doivent être motivées en application de la loi susvisée du 11 juillet 1979, et notamment pas dans celle, mentionnée à l’article 2 de cette loi, des décisions administratives individuelles qui dérogent aux règles générales fixées par la loi ou le règlement ; que par suite le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait illégale faute d’être motivée ne peut qu’être écarté ;

Considérant que la circonstance que la décision du préfet n’aurait pas été notifiée à M. R. n’est pas de nature à l’entacher d’illégalité ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la délivrance de l’autorisation litigieuse a donné lieu, conformément aux dispositions précitées de l’article L. 411-32 du code rural, à une consultation de la commission consultative paritaire des baux ruraux et que M. R. a pu exposer sa situation devant la commission ; que, dans ces conditions, alors même que la demande dont les propriétaires avaient saisi le préfet comportait une indication erronée relative à l’importance de l’exploitation du preneur, le moyen tiré de ce que la décision préfectorale aurait été prise au vu d’informations inexactes ne saurait être accueilli ;

Considérant qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que la perte de 23 ha, dont 20 ha de landes incultes, serait de nature à remettre en cause l’équilibre économique de l’exploitation de M. R., dont la surface agricole utile sera seulement ramenée de 168 à 166 ha ; qu’ainsi, en autorisant la résiliation du bail, le préfet n’a pas commis une erreur manifeste d’appréciation des effets de cette reprise sur la situation du preneur ; que le moyen tiré de ce que la destination que les propriétaires entendent donner aux parcelles reprises comporterait des nuisances pour les exploitations agricoles avoisinantes ne peut, en tout état de cause, être invoqué utilement à l’encontre de la décision du préfet ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. Gilles R. n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a déclaré légale la décision du 30 décembre 2002 du préfet de l’Aveyron ;

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par M. R. au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens soit mise à la charge des consorts C. qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu’en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce et en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de M. R. la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par les consorts C. et la somme de 1 168 euros au titre des frais exposés par l’Etat ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. R. est rejetée.

Article 2 : M. R. versera, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme globale de 2 000 euros à M. Michel C., à Mme Elise Negre, à M. Jean-Paul C., à M. Raymond C., à M. Alain C. et à Mme Marie-Noëlle C. et une somme de 1 168 euros à l’Etat.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Gilles R., au ministre de l’agriculture et de la pêche, à M. Michel C., à Mme Elise Negre, à M. Jean-Paul C., à M. Raymond C., à M. Alain C. et à Mme Marie-Noëlle C..

 


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