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Conseil d’Etat, 21 mai 2008, n° 35546, Gérard L.

Il résulte de l’instruction qu’un montant de 206 euros de dépenses électorales a été pris en charge par une association ne pouvant être regardée comme un parti ou groupement politique. Une telle méconnaissance de l’interdiction posée à l’article L. 52-8 du code électoral est en principe de nature à justifier le rejet du compte de campagne. Toutefois, ni l’article L. 52-15 ni aucune autre disposition législative n’obligeant la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques à rejeter le compte d’un candidat faisant apparaître qu’il a bénéficié d’un avantage prohibé par l’article L. 52-8, il appartient à la commission et, le cas échéant, au juge, d’apprécier si, compte tenu notamment des circonstances dans lesquelles le don a été consenti et de son montant, sa perception doit entraîner le rejet du compte.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 305546

M. L.

M. Alain Boulanger
Rapporteur

Mlle Anne Courrèges
Commissaire du gouvernement

Séance du 16 avril 2008
Lecture du 21 mai 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 1ère et 6ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 1ère sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 mai et 13 août 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Gérard L. ; M. L. demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler la décision du 5 mars 2007 par laquelle la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté sa demande de remboursement de ses dépenses électorales ;

2°) de condamner l’Etat à lui rembourser l’intégralité des dépenses électorales engagées en vue de l’élection cantonale partielle des 19 et 26 juin 2005, avec intérêts de droit à compter de sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code électoral ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alain Boulanger, chargé des fonctions de Maître des requêtes,

- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de M. L.,

- les conclusions de Mlle Anne Courrèges, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’en vertu de l’article L. 52-8 du code électoral, les personnes morales, à l’exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d’un candidat ; qu’aux termes de l’article L. 52-15 du même code : " La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne. Elle arrête le montant du remboursement forfaitaire prévu à l’article L. 52-11-1 (.) " ; que, selon cet article : " Les dépenses électorales des candidats aux élections auxquelles l’article L. 52-4 est applicable font l’objet d’un remboursement forfaitaire de la part de l’Etat égal à 50 p. 100 de leur plafond de dépenses. Ce remboursement ne peut excéder le montant des dépenses réglées sur l’apport personnel des candidats et retracées dans leur compte de campagne (.) Le remboursement forfaitaire n’est pas versé aux candidats (.) dont le compte de campagne a été rejeté (.) " ; qu’il appartient au Conseil d’Etat, saisi d’une requête dirigée contre une décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques prise en application de ces dispositions, de se prononcer sur le droit au remboursement du candidat et de réformer, le cas échéant, la décision de la commission, au vu de l’ensemble des éléments produits devant lui ;

Considérant que M. L., candidat à l’élection cantonale partielle qui s’est déroulée les 19 et 26 juin 2005 dans le canton de Méréville (Essonne), a demandé le 4 février 2007 à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques de lui accorder le remboursement de ses dépenses électorales ; que, par la décision attaquée du 5 mars 2007, la commission a rejeté sa demande ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction qu’un montant de 206 euros de dépenses électorales a été pris en charge par une association ne pouvant être regardée comme un parti ou groupement politique ; qu’une telle méconnaissance de l’interdiction posée à l’article L. 52-8 du code électoral est en principe de nature à justifier le rejet du compte de campagne ; que, toutefois, ni l’article L. 52-15 ni aucune autre disposition législative n’obligeant la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques à rejeter le compte d’un candidat faisant apparaître qu’il a bénéficié d’un avantage prohibé par l’article L. 52-8, il appartient à la commission et, le cas échéant, au juge, d’apprécier si, compte tenu notamment des circonstances dans lesquelles le don a été consenti et de son montant, sa perception doit entraîner le rejet du compte ; que, dans les circonstances de l’affaire, eu égard notamment au montant limité des dépenses litigieuses, qui ne représentaient que 2, 03 % du plafond de dépenses fixé en l’espèce à 10 150 euros, la méconnaissance de l’interdiction posée à l’article L. 52-8 ne justifie pas le rejet du compte de campagne de M. L. ; qu’en l’absence de tout autre motif y faisant obstacle, ce compte doit, dès lors, être approuvé ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. L. est fondé à demander l’annulation de la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques lui ayant refusé le remboursement de ses dépenses électorales et l’approbation de son compte ; qu’il y a lieu de le renvoyer devant la commission pour qu’elle fixe le montant du remboursement qui lui est dû en application des articles L. 52-11-1 et L. 52-15 du code électoral, avec intérêt au taux légal à compter de la date de réception de sa demande du 4 février 2007 ;

Considérant, enfin, qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros que demande M. L. en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques du 5 mars 2007 est annulée.

Article 2 : Le compte de campagne de M. L. est approuvé.

Article 3 : M. L. est renvoyé devant la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques qui fixera le montant du remboursement forfaitaire auquel ses dépenses électorales lui ouvrent droit, avec intérêt au taux légal à compter de la date de réception de sa demande du 4 février 2007, compte tenu des motifs de la présente décision.

Article 4 : L’Etat versera 3 000 euros à M. L. en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Gérard L. et à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

Copie en sera transmise pour information à la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.

 


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