CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 288311
MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE
c/ Mme T.
M. Edouard Geffray
Rapporteur
Mme Claire Landais
Commissaire du gouvernement
Séance du 6 février 2008
Lecture du 11 avril 2008
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 10ème et 9ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 10ème sous-section de la section du contentieux
Vu le recours du MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE, enregistré le 20 décembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat ; le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE demande au Conseil d’Etat d’annuler le jugement du 19 octobre 2005 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis, faisant partiellement droit à la demande de Mme Catherine T., a, d’une part, annulé le titre de perception du 29 novembre 2000 du directeur des services fiscaux de la Réunion, et, d’autre part, enjoint au directeur de verser à l’intéressée la somme de 744 euros au titre du remboursement des échéances déjà prélevées sur son traitement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
Vu le décret n° 53-1266 du 22 décembre 1953 ;
Vu le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Edouard Geffray, Auditeur,
les conclusions de Mme Claire Landais, Commissaire du gouvernement
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme T., agent de constatation, a été mutée à la direction des services fiscaux de la Réunion le 1er septembre 1999 et a perçu la première fraction de l’indemnité d’éloignement prévue par le décret du 22 décembre 1953 portant aménagement du régime de rémunération des fonctionnaires de l’Etat en service dans les départements d’outre-mer ; qu’à la suite de sa mise en disponibilité pour suivre son conjoint, le 1er août 2000, le reversement partiel de cette première fraction de l’indemnité d’éloignement lui a été réclamé aux termes d’un titre de perception émis à son encontre le 29 novembre 2000, pour un montant de 2 914, 51 euros ; que par un courrier en date du 10 septembre 2003, l’administration a rappelé à Mme T. qu’elle restait redevable de la somme de 2 914, 51 euros ; que par un jugement en date du 19 octobre 2005, le tribunal administratif de Saint-Denis, saisi par l’intéressée, a, d’une part, annulé le titre de perception du 29 novembre 2000 du directeur des services fiscaux de la Réunion, et, d’autre part, enjoint au directeur de verser à l’intéressée la somme de 744 euros au titre du remboursement des échéances déjà prélevées sur son salaire ; que le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE demande l’annulation de ce jugement ;
Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 2 du décret du 22 décembre 1953 alors applicable : " Les fonctionnaires de l’Etat qui recevront une affectation dans l’un des départements de la Guadeloupe, de la Guyane française, de la Martinique ou de la Réunion, à la suite de leur entrée dans l’administration, d’une promotion ou d’une mutation et dont le précédent domicile était distant de plus de 3 000 kilomètres du lieu d’exercice de leurs nouvelles fonctions, percevront, s’ils accomplissent une durée minimum de services de quatre années consécutives, une indemnité dénommée indemnité d’éloignement des départements d’outre-mer non renouvelable (.). / L’indemnité d’éloignement est payable en trois fractions : la première lors de l’installation du fonctionnaire dans son nouveau poste, la seconde au début de la troisième année de services et la troisième après quatre ans de services (.)" ; qu’aux termes des deuxième et troisième alinéas de l’article 5 du même décret alors applicable : " (.) lorsque la cessation de fonctions n’aura pas été motivée par les besoins du service ou par leur impossibilité dûment reconnue par la commission médicale, prévue à l’article 9 du décret n° 47-2412 du 31 décembre 1947, de continuer l’exercice de leurs fonctions par suite de leur état de santé, il sera retenu sur leurs émoluments ultérieurs une fraction, calculée au prorata de la durée de leurs services dans le département d’outre-mer, des sommes qu’ils auront déjà perçues au titre de l’indemnité d’éloignement. / Toutefois, lorsque la cessation de fonctions intervient moins d’un an avant la fin de la période de quatre ans visée au premier alinéa du présent article, les intéressés peuvent prétendre à l’indemnité d’éloignement au prorata de la durée de service effectivement accomplie " ;
Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 51 de la loi du 11 janvier 1984 : " La disponibilité est la position du fonctionnaire qui, placé hors de son administration ou service d’origine, cesse de bénéficier, dans cette position, de ses droits à l’avancement et à la retraite. / La disponibilité est prononcée, soit à la demande de l’intéressé, soit d’office à l’expiration des congés prévus aux 2°, 3° et 4° de l’article 34 ci-dessus. Le fonctionnaire mis en disponibilité qui refuse successivement trois postes qui lui sont proposés en vue de sa réintégration peut être licencié après avis de la commission administrative paritaire " ; qu’aux termes de l’article 47 du décret du 16 septembre 1985, dans sa rédaction alors applicable : " La mise en disponibilité est accordée de droit au fonctionnaire, sur sa demande : (.) / c) Pour suivre son conjoint lorsque celui-ci est astreint à établir sa résidence habituelle, à raison de sa profession, en un lieu éloigné du lieu d’exercice des fonctions du fonctionnaire. / La mise en disponibilité prononcée en application des dispositions ci-dessus ne peut excéder trois années. Elle peut être renouvelée deux fois dans les cas visés au a) ci-dessus et sans limitation dans les autres cas, si les conditions requises pour l’obtenir sont réunies (.). " ;
Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de ces dispositions que la mise en disponibilité, pour suivre son conjoint, d’un fonctionnaire bénéficiant d’une indemnité d’éloignement en application de l’article 2 précité du décret du 22 décembre 1953, si elle interrompt l’activité de service de l’intéressé et fait ainsi obstacle à ce que la période de disponibilité soit elle-même prise en compte pour l’appréciation de la durée de services de quatre ans prévue à cet article, a seulement pour effet de suspendre le cours de ce délai de quatre ans, lequel peut ainsi recommencer à courir à compter de la réintégration du fonctionnaire dans un emploi situé dans le même département d’outre-mer que celui où il était affecté avant l’interruption de son activité ; que, par suite, le tribunal administratif n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que la mise en disponibilité de Mme T. aux fins de suivre son conjoint n’avait pas eu pour effet d’interrompre le délai de quatre ans ouvrant droit au bénéfice de l’indemnité d’éloignement ;
Considérant, en second lieu, que, dès lors que la mise en disponibilité, pour suivre son conjoint, d’un fonctionnaire bénéficiant de l’indemnité d’éloignement n’a pour effet, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, que de suspendre le cours du délai précité dans l’attente d’une éventuelle réintégration dans le même département, cette mise en disponibilité ne saurait, par elle-même, priver l’intéressé du bénéfice de la première fraction de l’indemnité d’éloignement qui lui a été versée lors de son installation ; que le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE ne peut utilement invoquer les dispositions de l’article 5 du décret du 22 décembre 1953, dès lors que celles-ci ont seulement pour objet de prévoir qu’il soit procédé à des retenues sur les émoluments d’un fonctionnaire à compter de sa réintégration ultérieure, si l’intéressé n’a pas été de nouveau affecté dans le même département ; que, par suite, en jugeant, pour annuler la décision du directeur des services fiscaux de la Réunion de mettre à la charge de Mme T. le remboursement d’une partie de la première fraction de l’indemnité d’éloignement, que cette décision méconnaissait les dispositions précitées, le tribunal administratif de Saint-Denis n’a pas commis d’erreur de droit ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE n’est pas fondé à demander l’annulation du jugement attaqué ;
D E C I D E :
Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE et à Mme Catherine T..