CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 237013
SOCIETE AS REPRESENTATION
M. Wauquiez-Motte
Rapporteur
M. Goulard
Commissaire du gouvernement
Séance du 9 février 2004
Lecture du 1er mars 2004
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 9ème et 10ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 août et 28 novembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SOCIETE AS REPRESENTATION, dont le siège est 63, boulevard Malesherbes à Paris (75008) ; la SOCIETE AS REPRESENTATION demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt du 7 juin 2001 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l’annulation du jugement en date du 15 octobre 1997 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande en décharge de la cotisation supplémentaire d’impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l’exercice 1990 ainsi que des pénalités correspondantes ;
2°) statuant au fond, de lui accorder la décharge de cette imposition et de ces pénalités ;
3°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 15 000 F (2 286 euros) au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Wauquiez-Motte, Auditeur,
les observations de Me Jacoupy, avocat de la SOCIETE AS REPRESENTATION,
les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d’appel de Paris que la SARL Actron Représentation, ultérieurement dénommée AS REPRESENTATION, et la société Actron SA étaient des filiales de la société AOS ; que la SARL Actron Représentation était l’agent commercial exclusif de la société Actron SA qui vendait des appareils de détection contre le vol ; que la SARL Actron Représentation a accordé le 31 mars 1989 un prêt d’un montant de deux millions de francs portant intérêt au taux de 11 % l’an à la société Actron SA ; que, par une convention du 31 mars 1990, elle a consenti un abandon de cette créance au profit de la société Actron SA, sous réserve d’un retour à meilleure fortune ; qu’elle a déduit des résultats de l’exercice clos en 1990 l’abandon de créance ainsi accordé ; que l’administration fiscale, à l’occasion d’une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 1987 au 31 décembre 1990, a remis en cause la déductibilité de cette charge ; que la cour administrative d’appel de Paris a rejeté la requête présentée par la SOCIETE AS REPRESENTATION à fin de réduction de la cotisation supplémentaire d’impôt sur les sociétés et des pénalités établies au titre de l’année 1990, en tant qu’elles résultent de la réintégration des sommes correspondant à cet abandon de créance, au motif qu’il n’était pas justifié par l’intérêt de la société et constituait un acte relevant d’une gestion anormale ;
Sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen de la requête :
Considérant qu’il résulte des articles 38 et 39 du code général des impôts, dont les dispositions sont applicables à l’impôt sur les sociétés en vertu du I de l’article 209 du même code, que le bénéfice net est établi sous déduction des charges supportées dans l’intérêt de l’entreprise ; que ne peuvent être déduites du bénéfice net passible de l’impôt sur les sociétés les charges qui sont étrangères à une gestion commerciale normale ; que c’est au regard du seul intérêt propre de l’entreprise qu’il doit être apprécié si des charges assumées par une société en vue d’assurer certains avantages à d’autres sociétés correspondent à des actes de gestion commerciale anormale ;
Considérant que la cour administrative d’appel de Paris a jugé que la circonstance que, d’une part, la SARL Actron Représentation et la société Actron SA étaient détenues directement ou indirectement par le même actionnaire et que, d’autre part, la société Actron SA avait elle-même abandonné le 31 mars 1990 la créance qu’elle détenait sur sa filiale, la SARL Actron Service, chargée de l’installation de ses produits et du service après vente, était de nature à conférer à la décision prise à la même date par la SARL Actron Représentation de consentir un abandon de créance au profit de la société Actron SA le caractère d’un acte relevant d’une gestion anormale ; que la cour administrative d’appel, en fondant ainsi son appréciation sur des critères autres que le seul intérêt propre de la SARL Actron Représentation, a entaché son arrêt d’une erreur de droit ; que celui-ci doit être annulé pour ce motif ;
Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu, par application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l’affaire au fond ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que la société Actron SA avait accumulé au 31 mars 1990 des dettes de 135 millions de francs pour un chiffre d’affaires de 108 millions de francs et présentait une situation nette négative de 2 363 095 francs ; que si la société Actron SA a elle-même consenti un abandon de créance pour un montant de 7 millions de francs au profit de la société Actron service, sa filiale, l’administration, après un redressement initial, a admis le caractère normal de cet abandon de créance ; que, dès lors, il n’y a pas lieu de réintégrer cette somme dans les résultats de la société Actron SA pour évaluer les difficultés financières qu’elle rencontrait ; que l’existence même de la société Actron SA était menacée ; que la société Actron SA était l’unique client de la SARL Actron Représentation ; que, eu égard à ces liens commerciaux, la SARL Actron Représentation avait intérêt à consentir un abandon de créance au profit de la société Actron SA ; qu’ainsi, l’abandon de créance consenti par la SARL Actron Représentation n’avait pas le caractère d’un acte relevant d’une gestion anormale ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE AS REPRESENTATION est fondée à soutenir que c’est à tort que, par son jugement du 15 octobre 1997, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en réduction des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés auxquelles la SARL Actron Représentation a été assujettie au titre de l’année 1990, ainsi que des pénalités correspondantes ;
Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l’Etat à verser à la SOCIETE AS REPRESENTATION, en remboursement des frais exposés par elle tant devant le tribunal administratif et la cour administrative d’appel que devant le Conseil d’Etat et non compris dans les dépens, la somme de 2 200 euros ;
D E C I D E :
Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris du 7 juin 2001 et le jugement du tribunal administratif de Paris du 15 octobre 1997 sont annulés.
Article 2 : La cotisation supplémentaire d’impôt sur les sociétés à laquelle la SOCIETE AS REPRESENTATION a été assujettie au titre de l’année 1990 est réduite de 740 000 F (112 812, 27 euros) et les pénalités mises à sa charge sont réduites de 52 558 F (8 012, 42 euros).
Article 3 : L’Etat versera à la SOCIETE AS REPRESENTATION, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 200 euros.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE AS REPRESENTATION et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.